Le milieu de travail des Québécois se bilinguise

Les données de Statistique Canada confirment la récente étude de l’Office québécois de la langue française

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Confirmation officielle de ce que tout le monde avait déjà compris

Ottawa — Lentement, très lentement, mais sûrement, le milieu de travail des Québécois se bilinguise. C’est du moins ce qui ressort de la seconde tranche de résultats de l’Enquête nationale sur les ménages (ENM) rendus publics mercredi par Statistique Canada. Les travailleurs francophones sont plus nombreux à devoir dire « good morning » au boulot… mais les anglophones ont dû, eux, s’habituer à dire « boujour » !
« Ce qu’on observe au Québec et à Montréal, c’est qu’il y a une diminution de l’utilisation du français et de l’anglais seulement, mais une augmentation des déclarations de l’utilisation égalitaire de l’anglais et du français. On l’observe partout », note Jean-Pierre Corbeil, directeur adjoint à la division des statistiques sociales et spécialiste en chef des statistiques linguistiques à Statistique Canada. L’ENM volontaire, qui remplace désormais le recensement, a été menée en 2011.
Ainsi, au Québec, 81,7 % des travailleurs ont dit utiliser le français « le plus souvent » au travail, contre 82,1 % cinq ans plus tôt. Ceux qui l’utilisent « régulièrement » sont passés de 7,7 % à 6,6 %. La diminution se fait aussi sentir chez ceux qui travaillent en anglais : ils étaient 12 % (contre 12,6 % en 2006) à le faire « le plus souvent » et 21,7 % (contre 23,2 % auparavant) à le faire « régulièrement ». La contrepartie de ces chiffres, c’est que plus de travailleurs qu’auparavant disent utiliser le « français et l’anglais à égalité » au Québec : 5,5 % en 2011 contre 4,6 % en 2006.
Cette tendance lourde confirme la récente étude de l’Office québécois de la langue française (OQLF), dévoilée en novembre dernier, qui avait enregistré un léger recul de l’usage prédominant du français et une augmentation du travail bilingue. Cette étude de l’OQLF avait en outre noté une tendance que Statistique Canada chiffre à son tour : les allophones travaillent toujours plus en français.
Pour tous les immigrants de la province, ceux qui travaillent surtout en français sont plus nombreux, parmi les immigrants récents (moins de cinq ans), qu’en 2006 : ils le font dans une proportion de 58,1 % contre 54,7 %. Ils sont aussi moins nombreux à travailler surtout en anglais (-4,1 %) et plus à parler les deux langues à égalité : 12 % contre 10,7 % en 2006.

Immigrants allophones
La tendance se confirme dans la sous-catégorie des immigrants allophones, qui n’ont ni l’anglais ni le français comme langue maternelle. En 2006, ils étaient 32 % à parler surtout anglais pour gagner leur croûte. Cinq ans plus tard, ils sont 27,1 %. Ils sont plus nombreux à parler surtout le français (passés de 50,2 % à 54,7 %) ou à parler les deux langues (10,6 à 11,5 %). Même en ne regardant que l’île de Montréal, le phénomène est identique : moins d’immigrants allophones travaillent principalement en anglais (35,6 % plutôt que 39,4 %), plus parlent principalement le français (45,4 % plutôt que 43,4 %) et plus parlent les deux langues à égalité (16,2 % contre 13,8 %) que par rapport à 2006.
« Il y avait près de 69 % des personnes de langue maternelle anglaise dans la grande région de Montréal qui disaient utiliser principalement l’anglais en 2006. Elles sont maintenant 65 %, ajoute M. Corbeil. C’est une baisse de presque quatre points. »
Les graphiques fournis par Statistique Canada ont l’avantage en outre de montrer le taux de réponse selon l’année d’arrivée au pays de l’immigrant répondant. On note que, depuis deux enquêtes, ce sont les immigrants les plus récents qui ont tendance à déclarer travailler davantage en français. Les écarts entre le français et l’anglais se creusent. Dans le cas des immigrants allophones sur l’île de Montréal, par exemple, les lignes chiffrant ceux qui parlent le plus souvent l’anglais et le plus souvent le français en milieu de travail se touchent presque pour ceux arrivés vers le milieu des années 1990, alors que presque 20 points de pourcentage les séparent pour les récents arrivés.
La provenance des immigrants y est pour quelque chose, explique Jean-Pierre Corbeil. « Il y a eu un rétrécissement [entre les lignes] entre 1986 et 2000, et c’est principalement attribuable au fait que les immigrants qui étaient arrivés au Québec pendant cette période provenaient principalement de la Chine, de la Russie, de l’Inde, et ne connaissaient que l’anglais au moment de leur arrivée au Québec. Or, depuis une dizaine d’années au Québec, les immigrants qui arrivent sont beaucoup plus susceptibles de ne connaître que le français ou de s’orienter vers le français. »
Monolithisme canadian
Dans le reste du pays, la situation est à des années-lumière de ce portrait linguistique métissé du Québec. Au contraire, la situation s’aplanit en faveur de l’anglais. Les travailleurs devant oeuvrer en anglais « le plus souvent » ou « régulièrement » totalisent 97,9 % des gens actifs, exactement la même proportion que cinq années plus tôt. Mais ceux qui travaillent souvent ou régulièrement en français (4 %) ou dans une langue autre que les deux langues officielles canadiennes (4,1 %) sont moins nombreux qu’en 2006 : ils étaient alors 4,5 % et 4,8 % respectivement. Ceux devant parler à égalité le français et l’anglais ont légèrement augmenté d’un dixième de point de pourcentage, passant de 0,5 à 0,6 % en cinq ans.
Par ailleurs, l’Enquête nationale sur les ménages révèle aussi d’autres statistiques. On y apprend par exemple que la main-d’oeuvre canadienne blanchit. Les travailleurs âgés de 55 ans et plus représentent maintenant presque une personne son cinq (18,7 %). Il s’agit d’une importante hausse par rapport à 2006 (15,5 %). Statistique Canada explique cette hausse par le vieillissement de la population et le fait que les 55 ans et plus sont plus nombreux à rester ou à retourner sur le marché du travail, avec un taux d’emploi maintenant de presque 35 % (contre 32 % cinq ans plus tôt).
Sans surprise, on confirme que ce taux d’emploi est par ailleurs plus élevé dans l’ouest et le nord du pays, où l’exploitation des ressources naturelles bat son plein. Le Yukon et l’Alberta arrivent au sommet, tandis que Terre-Neuve et le Nunavut ferment la marche. Calgary détient la palme de la région métropolitaine de recensement affichant le plus haut taux d’emploi (70 %), suivie de Regina et d’Edmonton. Windsor, Peterborough et Trois-Rivières (55,9 %) arrivent en queue de peloton.


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