(Québec) Le gouvernement Charest cultive l'art de s'empêtrer dans le dossier de la laïcité de l'État et des accommodements raisonnables. La cohérence la plus élémentaire exigeait que le ministre de la Famille, Tony Tomassi, ferme immédiatement la porte aux garderies subventionnées à caractère religieux, quel qu'il soit. Il lui a fallu une journée pour préciser que l'enseignement religieux n'avait pas sa place dans le programme éducatif des services de garde à 7 $. Une volte-face qui montre une fois de plus l'urgence de définir ce qu'est la laïcité au Québec.
Comment s'étonner que les administrateurs et les employés des services publics avancent à tâtons et parfois maladroitement dans ce délicat dossier, lorsque des ministres peinent à maintenir une barrière étanche entre l'État et les organisations religieuses? Ignorance, mollesse, insouciance ou souci de ne pas froisser des donateurs du Parti libéral du Québec? Seul M. Tomassi connaît la raison véritable qui l'a poussé à formuler deux réponses diamétralement opposées en quelques heures.
Une chose est certaine. Il n'a pas eu le bon réflexe. Certes, le ministre devait vérifier quel était exactement le contenu du programme des garderies supposément destiné à propager l'islam ou le judaïsme. Mais qu'importe le résultat de sa recherche, il aurait dû et pu dès mardi indiquer que l'enseignement religieux n'avait pas sa place dans les garderies que le gouvernement subventionne à 80 %. Il a manqué une belle occasion de confirmer que l'État québécois est neutre et qu'il ne favorise aucune religion. Il a tenté de défendre l'indéfendable, en affirmant qu'un service de garde était le prolongement des valeurs familiales, y compris religieuses.
Depuis 1998, le Québec a déconfessionnalisé son réseau scolaire. Les commissions scolaires sont passées d'un statut confessionnel à un statut linguistique. Les structures confessionnelles ont été supprimées du ministère de l'Éducation et du Conseil supérieur de l'éducation. Dans les écoles, l'enseignement religieux catholique et protestant a aussi été retiré du programme scolaire pour être remplacé par un cours d'éthique et de culture religieuse.
Le Québec n'a pas parcouru tout ce chemin pour que se forment en parallèle des garderies à vocation religieuse. Sous un gouvernement péquiste, la province a fait le choix de subventionner des services de garde à prix modique. Elle consacre plus de 1,5 milliard $ par année aux centres de la petite enfance et aux garderies privées subventionnées. Le but de ces services de garde n'est pas de compartimenter le Québec en ghettos et de former de bons petits musulmans, juifs ou catholiques. Mais bien de permettre aux enfants de s'y socialiser, d'élargir leur horizon et d'acquérir un bagage qui leur permettra d'intégrer plus facilement l'école, qu'importent leurs origines ou leur milieu familial.
Cette finalité semble avoir échappé au ministre de la Famille. Elle est pourtant fondamentale. Elle l'est d'autant plus dans un Québec qui se fera de plus en plus multiethnique.
Il est donc primordial que le gouvernement québécois définisse rapidement et clairement le visage et la dynamique qu'il veut donner aux établissements publics ou aux entreprises privées qu'il subventionne.
Les services publics ne doivent pas être fragmentés en petits «milieux homogènes», étiquetés et distribués en fonction de la
religion des gestionnaires ou des utilisateurs.
Le ministère de la Famille doit également faire preuve de fermeté dans l'application de son programme éducatif dans les services de garde. Pendant des décennies, des écoles juives financées par Québec ont fait fi du programme scolaire établi par le ministère de l'Éducation. Évitons de répéter ce modèle dans les garderies. Rien ne justifie des passe-droits.
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