La fin de l'apathie

Burqa interdite



(Québec) Enfin, le gouvernement Charest promet pour bientôt des actions pour clarifier le port des signes religieux, comme le niqab, dans les services publics. Trois ans après avoir créé la commission Bouchard-Taylor, il semble finalement saisir que ce n'est pas en niant les difficultés qu'elles disparaissent par magie. Reste à voir si les libéraux auront le doigté pour mener à terme ce délicat et incontournable débat.
Si le passé est garant de l'avenir, il y a des craintes à avoir. En plus d'être resté quasi passif pendant deux ans devant les recommandations de Gérard Bouchard et de Charles Taylor, le gouvernement Charest a présenté l'an dernier le très controversé projet de loi 16, favorisant l'action de l'Administration à l'égard de la diversité culturelle qui a animé une nouvelle polémique sur les accommodements raisonnables, notamment à la SAAQ. Le projet de loi n'a toujours pas été adopté.
Plus récemment, la façon alambiquée dont la ministre de l'Éducation a présenté une entente conclue avec des écoles juives a révélé de nouveau la maladresse des libéraux à composer avec le dossier de la diversité religieuse.
Est-ce la médiatisation du cas de l'élève musulmane qui a refusé d'enlever son niqab dans une classe du Cégep Saint-Laurent, est-ce la crainte que le PQ et l'ADQ ne s'accaparent tout le terrain de l'identité nationale ou est-ce le sens des responsabilités? Le gouvernement a décidé cette semaine de sortir enfin de son apathie. Il donnera sous peu des directives aux organismes publics pour guider leurs décisions en matière d'accommodements. Selon la vice-première ministre Nathalie Normandeau, toute personne doit avoir le visage découvert pour transiger avec l'État ou pour recevoir des services d'institutions publiques.
Quelle forme prendra tout ça? Nul ne le sait, car les libéraux se sont bien gardés depuis deux ans de dire où ils logeaient. On peut certes leur reprocher le temps écoulé depuis le dépôt du rapport Bouchard-Taylor. On doit cependant les féliciter de ne pas avoir promis l'impossible, comme l'ont fait des politiciens ici et en France, en tentant de faire croire à la population qu'ils pouvaient faire disparaître niqab, burqa, voile et autre signe religieux des établissements publics, voire de l'espace public.
Le droit à la liberté de conscience et de religion prévu à la Charte canadienne des droits et libertés ne se balaie pas d'un revers de la main. La signature du Québec au pacte international relatif aux droits civils et politiques non plus. Le gouvernement Charest ne peut en faire abstraction.
Cela ne signifie pas pour autant que toutes les demandes d'accommodements sont raisonnables. Le Québec peut établir des balises. Pour des considérations pédagogiques ou de sécurité, on peut certainement interdire le port de la burqa ou du niqab à l'école, au poste de police, ou au tribunal. Il apparaît par ailleurs abusif et impossible de les interdire dans un parc.
Par ailleurs, on peut très bien permettre à une fonctionnaire, à une enseignante ou à une infirmière de porter le voile sans que la laïcité de l'État ne soit compromise. Parce qu'ils représentent l'autorité et la justice, les juges, les policiers et les gardiens de prison pourraient par contre se voir refuser le port de signes religieux dans l'exercice de leur fonction pour bien assurer le public de la neutralité de l'État et des tribunaux.
La commission Bouchard-Taylor a suggéré cette voie. Elle est celle de la laïcité ouverte. Nous préconisons également cette avenue, prometteuse d'une cohabitation harmonieuse de citoyens de diverses croyances et de cultures.
La société québécoise doit en débattre plutôt que de réanimer une controverse chaque fois qu'une demande d'accommodement est portée sur la place publique.


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