Parlons hockey (genre)

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Sports et politique


Hier matin, je me disais, tiens, parlons hockey, ça va nous changer des accrèzes (contraction d'acc. rais., accommodements raisonnables, ça fait long, à la fin).

Arrivé sur la patinoire, qui est-ce que je trouve? Pauline Marois.
Elle ne repousse pas l'idée de «forcer» le Canadien à apprendre le français à ses joueurs, quand un journaliste le lui demandait, hier. «Ça pourrait être une avenue, effectivement, qu'il puisse aider les joueurs à parler français.»
Je suis d'accord avec elle sur ceci: ce ne serait que normal que le Canadien aide ses joueurs, du moins son capitaine, à parler français.
Il me semble aberrant que le Canadien n'ait pas trouvé le moyen de faire en sorte que son capitaine, Saku Koivu, apprenne la langue de la majorité à Montréal, après plus de 10 ans ici. Le Canadien a une responsabilité historique et sociale particulière. On n'est pas à Colombus, Ohio.
Or, le Canadien manque à cette responsabilité depuis longtemps. Ce serait en plus dans son intérêt commercial évident d'inciter ses joueurs à baragouiner suffisamment le français pour, disons, devenir citoyen québécois dans un Québec canadien mais dirigé par le PQ de Mme Marois.
Ce ne serait pas seulement agréable. Ce serait la simple politesse que le capitaine et quelques autres vétérans parlent français.
Mais «forcer» ? Non.
Cela dit, Saku Koivu a au moins l'excuse d'être un joueur de hockey. Pas un politicien. Son métier n'est pas de parler, d'expliquer, de convaincre, de négocier.
Et puis, il parle déjà au moins deux langues - ce dont ne peuvent pas se vanter tous les chefs de parti au Québec, semble-t-il.
Il me semble d'ailleurs que l'élémentaire politesse consisterait aussi, pour tous les chefs de parti reconnus à l'Assemblée nationale, à parler la langue de la minorité anglophone - et des principaux interlocuteurs politiques nord-américains. Comme il me semblait inadmissible que Mike Harris, ex-premier ministre de l'Ontario, ne soit pas capable de parler directement au demi-million de Franco-Ontariens. Peut-être aurait-il fallu l'aider
Mais «forcer» les politiciens? Non.
Le hockey et la loi
J'allais donc parler de hockey. Une autre soirée de hockey. Une autre commotion cérébrale. Un autre débat foireux sur la nature virile du hockey.
Samedi, Randy Jones, des Flyers de Philadelphie, a plaqué par en arrière Patrice Bergeron, des Bruins de Boston. Bergeron venait de se débarrasser de la rondelle. Le coup, porté avec les mains à la hauteur du cou, a propulsé Bergeron sur la bande. Malgré son casque et sa visière, le joueur des Bruins a eu le nez fracturé et a perdu conscience. Il est sorti sur une civière. Lundi, il est sorti de l'hôpital.
Il tombe sous le sens que ce type de coup est antisportif, à bannir. Jones a d'ailleurs été suspendu pour deux matchs.
Et pourtant, il s'en trouve un grand nombre chez les commentateurs sportifs pour dire qu'on exagère, que les joueurs-victimes ont la fâcheuse manie de tourner le dos (les victimes de tous les crimes commettent souvent des erreurs), qu'on a «puni les conséquences» et qu'au fond, Jones n'a rien fait de vraiment mal.
J'allais désespérer de nos commentateurs quand j'ai lu, hier dans La Presse, Éric Desjardins, qui fut jusqu'à récemment un des meilleurs défenseurs de la LNH.
Il nous dit en d'autres mots que certains l'accusaient presque de jouer moumoune parce qu'il ne pratiquait pas ce genre de hockey. «Quand j'allais dans le coin, c'était pour enlever la rondelle à l'adversaire, pas pour l'étamper dans la bande.»
C'est ainsi qu'il avait appris à jouer. Mais en effet, un grand nombre de joueurs moins talentueux se font enseigner exactement le contraire: «complète» ta mise en échec. Ce qui veut dire, en bon français: rentre-le dans' bande, même s'il n'a plus la rondelle.
Pourtant, le règlement est clair: un joueur a la responsabilité de ne pas plaquer un adversaire en position vulnérable - ce dernier ne devant pas se placer en position dangereuse. C'est l'article 42.1 du règlement de la LNH.
D'un autre côté, il n'est pas faux de dire qu'on a «puni la conséquence». Mais dans la vie comme devant les tribunaux, on punit la conséquence, pas seulement l'acte et l'intention.
Hors glace, un même coup de poing peut devenir des voies de fait simples, des voies de fait avec lésion, un homicide involontaire, selon les dommages subis par la victime. Si quelqu'un tire en direction d'une autre personne, ce peut être un meurtre s'il la tue, une tentative de meurtre s'il la blesse, ou une «utilisation dangereuse d'une arme à feu» si la balle passe à côté et que l'avocat est convaincant. C'était la même intention de départ, le même geste.
Les conséquences subies par une victime sont aussi un facteur aggravant à considérer au moment de prononcer une sentence.
Il n'y a donc rien de mal à augmenter la punition infligée à un joueur en fonction de la gravité des blessures de la victime, même si elles n'étaient pas préméditées.
De tout ceci, je retiens que le vieil esprit du hockey a la vie dure, même dans notre millénaire. On trouve beaucoup trop «normale» une violence qui n'a même pas l'excuse d'ajouter au sport.
Il n'y a pas vraiment de différence véritable entre un geste comme celui de Jones et ceux d'autres joueurs qui agressent carrément l'adversaire en prenant un élan pour les assommer. Seulement une différence de degré, de gravité. Mais le même esprit est à l'oeuvre. Eh! même les pires, ils ne veulent pas que le gars meure! Ils ne veulent même pas que le gars soit blessé!
Ils ne s'en soucient pas. Ça fait partie du jeu. C'est le rôle qu'on leur assigne. Et c'est ce que plein de gens répètent.
Au hockey comme dans tout le reste, les règlements ne changent pas les mentalités.
Éduquer, disait Éric Desjardins hier. Bonne idée...
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