Parizeau : la clarté sans complexe

Si Jacques Parizeau effrayait autant ses adversaires, c’est qu’il comprenait le pouvoir de l’argent

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Retour aux sources du mouvement indépendantiste


Si Jacques Parizeau effrayait autant ses adversaires, c’est qu’il comprenait le pouvoir de l’argent

Jacques Parizeau vient de nous quitter sans assister à la naissance du pays auquel il a consacré les cinq dernières décennies de sa vie. Pour plusieurs indépendantistes, le décès de Monsieur était si impensable qu’il représente la mort d’une certaine manière de concevoir le combat indépendantiste.
L’héritage de Parizeau est gigantesque, à commencer par son rôle fondamental dans la construction de l’État québécois, mais c’est surtout en tant qu’indépendantiste qu’on retiendra Parizeau.
Le nerf de la guerre
Si Jacques Parizeau effrayait autant ses adversaires, c’est qu’il comprenait le pouvoir de l’argent. Premier Québécois à être diplômé de la London School of Economics, il était capable de s’asseoir à Wall Street et de faire comprendre à la haute finance américaine que la nationalisation de l’hydroélectricité relevait davantage du gros bon sens que du délire communiste. Par son action comme ministre des Finances, il a contribué ensuite comme nul autre à mettre au monde une bourgeoisie d’affaires issue de la nation québécoise, le Québec inc.
C’est cette même bourgeoisie d’affaires qui, tragiquement, s’est empressée à faire faux bond à son créateur lors du référendum de 1995. De la fameuse déclaration du 30 octobre, laquelle a suscité la hargne des belles âmes, plusieurs ont oublié que Parizeau pointait aussi – et surtout – «l’argent». Et pourtant, 10 ans plus tard, la commission Gomery allait lui donner raison.
L’opérateur chirurgical
Pour Jacques Parizeau, l’indépendance était une opération chirurgicale où l’ambiguïté n’a pas sa place. C’est pourquoi il s’opposa d’abord à ce que l’indépendance passe obligatoirement par un référendum: n’y a-t-il pas un problème fondamental à ce que des indépendantistes sollicitent un mandat électoral pour autre chose que pour réaliser leur raison d’être? Ne vont-ils pas s’égarer dans le confort de la gouvernance de la province? Même chose en ce qui a trait à l’association avec le Canada: si celle-ci est certainement utile, doit-elle être une condition incontournable à l’indépendance? Les indépendantistes ont-ils si peu confiance en leur projet?
En 1984, quand la direction péquiste s’est positionnée en faveur d’un renouvellement du Canada et d’une alliance avec Brian Mulroney, Parizeau décida de claquer la porte. En dépit de sa loyauté envers son parti, il n’y avait pour lui qu’un seul «beau risque» potentiellement envisageable: celui de la pleine et entière indépendance politique pour la nation québécoise.
Devenu premier ministre, Parizeau a fini par tenir un référendum, mais en se battant perpétuellement avec ses partenaires pour que celui-ci puisse porter sur la création d’un pays et non sur une quelconque réforme camouflée du Canada.
Parizeau était l’homme des questions claires qui en appellent à des réponses qui le sont également. Après son départ de la politique, il s’imposa le rôle du gardien de l’orthodoxie, toujours fidèle à ses convictions les plus profondes, et sans jamais s’en excuser.
On ne réussit pas un projet aussi ardu en ayant peur de son ombre. Cette leçon est le plus bel héritage du plus grand homme d’État que le Québec a connu.

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Simon-Pierre Savard-Tremblay179 articles

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Simon-Pierre Savard-Tremblay est sociologue de formation et enseigne dans cette discipline à l'Université Laval. Blogueur au Journal de Montréal et chroniqueur au journal La Vie agricole, à Radio VM et à CIBL, il est aussi président de Génération nationale, un organisme de réflexion sur l'État-nation. Il est l'auteur de Le souverainisme de province (Boréal, 2014) et de L'État succursale. La démission politique du Québec (VLB Éditeur, 2016).





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