Oui à la laïcité!

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Steve E. Fortin se trompe : les Québécois veulent garder leurs symboles catholiques en refusant la dissolution identitaire de leur société

François Legault en a fait l’annonce, si la CAQ forme le prochain gouvernement, on légifèrera rapidement pour imposer la laïcité institutionnelle.


Bravo. Bon coup de François Legault.


C’est d’ailleurs ce que souhaite la majorité des Québécoises et des Québécois quand on les sonde sur la question. Interdiction du port des signes religieux pour les gens en situation d’autorité; policiers, juges, gardiens de prison et enseignant.


La CAQ refuse toutefois d’appliquer ce principe aux garderies subventionnées par l’état. C’est bien dommage, car ce parti compte imposer la maternelle 4 ans (en dépit du fait que les études montrent que l’environnement optimal pour la grande majorité des enfants de ce groupe d’âge demeure le CPE) donc pourquoi ne pas étendre la neutralité religieuse dès le plus jeune âge? Les signes religieux seraient interdits en environnement scolaire 4 ans, mais pas dans les CPE? À clarifier.


Geste de rupture


Qu’il soit posé par le Parti québécois ou la CAQ, légiférer dans le sens de la laïcité de l’état québécois est un geste de rupture envers le Canada.


En ce sens, il sera intéressant de voir comment cette promesse sera défendue par les nombreux libéraux qui ont inversti la CAQ; par une ex-ministre libérale comme Marguerite Blais par exemple, dont le parti s'était battu avec véhémence contre la laïcité en 2012-2013.


Nous le voyons depuis quelques jours, alors que Maxime Bernier a foutu tout un coup de pied dans ce guêpier qu’est le multiculturalisme canadien, gare à ceux qui oseront remettre en question ce dogme inattaquable. L’establishment canadien veille au grain pour empêcher tout débat, toute discussion qui viserait à contester la pertinence du multiculturalisme comme socle de l’organisation sociétale.


Il faut s’attendre à ce que François Legault rencontre beaucoup de résistance de la part des forces pro-multiculturalisme, puissantes, au Québec. Minoritaires, mais jouissant de beaucoup de levier, dont celui de l’appui incontestable de l’état canadien.


Dans les médias aussi, les mêmes voix qui ont combattu de toutes leurs forces le projet de loi 60 sur la laïcité du Parti québécois seront sur le pied de guerre pour torpiller toute velléité de laïcité avancée par la CAQ. Le passé d’indépendantiste pressé du chef de la CAQ leur sera utile.


Nous verrons aussi un schisme se créer à l’Assemblée nationale. D’un côté les parlementaires qui défendront le multiculturalisme (ils le nommeront « diversité » en lui opposant les épithètes « identitaires » et autre « repli sur soi », on connait la formule); et de l’autre ceux qui défendent la préférence de la majorité de la population du Québec, soit la laïcité institutionnelle.


Le Parti libéral du Québec clairement du côté des premiers, la CAQ et le PQ du côté des seconds. QS pris dans le milieu, tentant de ménager la chèvre et le chou, écartelé entre son courant très influent à Montréal qui voudra défendre le multiculturalisme et d’autres qui seront plus favorables à une forme de laïcité.


Le crucifix


Un des écueils indéfendables du PL60 du PQ (La charte des valeurs) était justement que dans sa version initiale, il tentait de créer une « laïcité à deux vitesses », une forme de catho-laïcité qui devenait injuste dans une société qui aspire à l’équité devant l’état.


Pour ménager son électorat conservateur attaché è l’héritage catholique, François Legault propose exactement la même gaffe. Au nom de nos valeurs et de notre histoire : « Beaucoup de nos valeurs viennent de la religion catholique et protestante. Le crucifix à l'Assemblée nationale, ça fait partie de notre histoire et de notre patrimoine. On va le laisser là. »


Erreur. Il y a d’innombrables autres endroits pour réaffirmer nos liens avec notre histoire et notre patrimoine. Mais là où siègent les parlementaires d’un état laïc, la moindre des choses serait que ceux-ci ne le fassent pas à l’aune d’un signe religieux.


L’héritage catholique du Québec est partout et c’est aussi une mission importante de notre état que de le protéger, notamment par la gestion des immeubles religieux, certains auxquels nous avons redonné vie par des usages multiples et originaux. Pas question de gommer cela. Mais l’Assemblée nationale, le Salon bleu, où siègent nos élus, se doit de donner l’exemple. Faudra déplacer le crucifix. C’est la moindre des choses.


La « main tendue » de la CAQ en 2013


Réglons une chose tout de suite, la CAQ choisit de mettre de l’avant la laïcité dans le cadre de l’élection à venir et c’est tant mieux. Le Parti québécois en avait déjà fait l’annonce depuis belle lurette de son côté. À bien des égards, la CAQ copie le programme du PQ en la matière en l’édulcorant un peu pour le rendre plus digeste auprès de son électorat (et certains de ses députés potentiels) hyper fédéraliste.


Déjà, sur les réseaux sociaux, beaucoup de caquistes tentent de se distinguer de la proposition péquiste en affirmant que le PQ « aurait refusé la main tendue par la CAQ » lors des débats sur la laïcité en 2013. C’est justement ce que me répondait hier, sur Twitter, Nathalie Roy, une députée de la CAQ que j’estime particulièrement.


Toutefois, ses collègues et elle-même taisent le contexte dans lequel cette « main tendue » est venue. Petit rappel des faits. Nous sommes en novembre 2013, ça sent fort les élections. François Legault est à la veille d’un Conseil général de son parti. Contexte dans Le Devoir :


« M. Legault a déclaré en point de presse qu'il était prêt à examiner la possibilité «d'élargir» la position de la CAQ «dans le domaine de l'éducation», pour autant que le gouvernement péquiste accepte aussi d'ouvrir son jeu.


Pour l'heure, la CAQ propose de limiter l'interdiction du port des signes religieux aux enseignants et directeurs des écoles publiques primaires et secondaires – en sus des employés investis d'un pouvoir coercitif (policiers, juges, gardiens de prison, procureurs de la couronne). Le projet de loi 60 du ministre Bernard Drainville va beaucoup plus loin, proscrivant les signes religieux chez l'ensemble des employés de l'État, incluant ceux des Centres de la petite enfance (CPE) et des établissements collégiaux et universitaires.


L'ouverture manifestée par M. Legault survient après la sortie hautement médiatisée plus tôt cette semaine de l'avocat Jean Allaire, fondateur de la défunte Action démocratique et allié de la première heure de la coalition. M. Allaire s'en est pris à la religion musulmane qu'il juge violente et suggéré à mots couverts à la CAQ de resserrer ses propositions en ce qui à trait aux interdits religieux.


M. Allaire n'est pas isolé dans son camp.


En effet, de récents sondages ont démontré que de nombreux partisans de la CAQ préfèrent la ligne dure adoptée par le gouvernement du Parti québécois à la version édulcorée de leur parti. En ce sens, la volonté de M. Legault de se rapprocher du projet de loi péquiste vise aussi à rassurer les militants en prévision du conseil général du parti, samedi. »


La « main tendue » de François Legault visait beaucoup plus sa propre base électorale dans le contexte d’un rendez-vous partisan très important. Le PQ grugeait beaucoup d’appuis à la CAQ sur la question de la laïcité.


Fait intéressant, la « main tendue » de François Legault en ce 14 novembre 2013 venait 24h après que le chef de la CAQ eut menacé de faire tomber le gouvernement Marois sur le budget Marceau à venir! Ça sentait fort les élections, car tant le PLQ que la CAQ annonçaient déjà leurs couleurs, le budget Marceau du début de l’année sonnerait le glas du gouvernement Marois.


L’élection de 2012 n’avait rien réglé dans les faits. La minorité intenable de Pauline Marois n’avait fait que préparer le Round #2. Fin 2013, début 2014, les jeux étaient faits et les machines des partis politiques avaient été reparties.


Sur la question de la laïcité, l’élection de 2014 n’a toujours rien réglé. Réjouissons-nous que deux partis proposent de légiférer dans le sens de ce que préfère la majorité des Québécoises et des Québécois.