On ne saura jamais exactement combien le camp du non a dépensé illégalement lors du référendum de 1995. Vingt ans plus tard, bon nombre de souverainistes demeurent convaincus qu’il a été « volé ».
Dans leur livre intitulé Les secrets d’Option Canada, publié en 2006, Normand Lester et Robin Philpot ont abondamment documenté, à l’aide de chèques et de factures, les activités de cet organisme obscur qui opérait à l’insu du directeur général des élections du Québec.
Leur enquête avait démontré qu’une somme de 5,2 millions, que le ministère du Patrimoine canadien aurait normalement dû consacrer à la promotion de la dualité linguistique canadienne, avait plutôt servi à financer les activités du non, en plus du maximum de 5 millions prévu par la loi.
L’enquête à huis clos menée par l’ancien juge Bernard Grenier n’a pas permis de faire toute la lumière. Des obstacles de nature constitutionnelle l’avaient empêché d’aller au fond des choses, avait-il expliqué. Autrement dit, on lui avait refusé l’accès à toute l’information. Tout au plus avait-il pu identifier des dépenses illégales de 539 460 $, ce qui avait amené le premier ministre Charest à conclure que toute cette histoire n’était qu’un « pétard mouillé ».
Le scandale des commandites n’en a pas moins démontré qu’Ottawa était prêt à tout pour maintenir l’unité du pays. L’ancien chef de cabinet de Jean Chrétien, Jean Pelletier, l’a dit on ne peut plus clairement : la lutte contre les souverainistes était une véritable « guerre » qui justifiait tous les moyens.
Le spectre d’Option Canada est apparu de façon inattendue lors du débat télévisé entre les chefs de parti jeudi soir, quand Gilles Duceppe a demandé à Tom Mulcair s’il s’engageait à respecter les lois québécoises advenant la tenue d’un autre référendum. Le chef du NPD s’est bien gardé de répondre à la question.
On ne peut pas accuser M. Mulcair de se défiler sur la question du 50 plus 1. Si l’abrogation de la Loi sur la clarté, qui est une vache sacrée au Canada anglais, ne fait pas partie de ses priorités, il n’a jamais tenté de revenir sur la Déclaration de Sherbrooke, même si bien des électeurs hors Québec sont certainement d’accord avec Justin Trudeau quand il dit que « c’est un réel problème pour quelqu’un qui veut être premier ministre ».
Soit, il n’y a pas de référendum à l’horizon, mais cela n’empêche pas les électeurs souverainistes que courtise M. Mulcair de souhaiter ardemment qu’il y en ait un le plus rapidement possible. C’est précisément dans cet espoir que plusieurs se sont ralliés à Pierre Karl Péladeau, alors qu’ils ne l’auraient jamais appuyé autrement.
Avant d’accorder leur vote au NPD, alors que leur coeur inclinerait plutôt à appuyer le Bloc québécois, dont le naufrage les attriste, les souverainistes seraient en droit de savoir si M. Mulcair respecterait les règles du jeu en cas de référendum ou s’il tricherait à son tour. C’est très bien de reconnaître la validité d’une victoire à la majorité simple, mais que vaut cet engagement si les dés sont pipés pour l’empêcher ?
Personne ne devrait douter de l’ardeur fédéraliste de M. Mulcair, qui s’est battu bec et ongles pour le non, aussi bien en 1980 qu’en 1995. Il faisait partie de ceux qui pressaient le Directeur général des élections d’ouvrir une enquête sur les bulletins qui ont été rejetés en 1995. Dans sa circonscription de Chomedey, le pourcentage avait été de 11,6 %, ce qu’il avait attribué à une « fraude électorale orchestrée » par le camp du oui.
Si jamais il devait faire face à un nouveau référendum, interdirait-il à tout organisme fédéral de financer de quelque façon le camp du non ? Poser la question, c’est y répondre. Le Canada anglais ne tolérerait certainement pas que le premier ministre assiste les bras croisés à une bataille qui pourrait mener à l’éclatement du pays.
Heureusement pour M. Mulcair, le débat de jeudi soir a eu peu d’auditoire à l’extérieur du Québec. Plusieurs auraient sans doute été surpris et même choqués de l’entendre dire qu’à trois jours du référendum, alors que des dizaines de milliers de Canadiens venus de partout au pays s’étaient rassemblés dans un ultime effort pour préserver son unité, lui-même avait préféré rester chez lui. Même Gilles Duceppe semblait convaincu qu’il était sur la place du Canada ce jour-là.
Dans son autobiographie, il demeure vague sur l’endroit où il se trouvait exactement. « Catherine et moi sommes allés attendre nos fils qui arrivaient par le train de banlieue. Dans leurs écoles, tous les élèves ainsi que les professeurs se dirigeaient vers le ralliement », explique-t-il, sans préciser ce que lui-même a fait par la suite. En ce moment critique pour le Canada, son sens de la démocratie lui aurait-il interdit de participer à une manifestation financée illégalement ?
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