L’esprit fédéral

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Un esprit désespérant de démissions et de médiocrité






Il est assez savoureux de voir la recrue vedette du Parti conservateur à Québec, Gérard Deltell, que François Legault trouvait trop fédéraliste pour la CAQ, faire de l’oeil aux électeurs souverainistes.


 

Ce fervent canadien ne laisse évidemment pas entendre que Stephen Harper se serait découvert une soudaine sympathie pour l’indépendance du Québec, mais plutôt que le PC devrait apparaître comme un moindre mal à un souverainiste, par rapport au NPD dont la vision centralisatrice en fait la pire solution pour quiconque se soucie le moindrement de préserver l’autonomie du Québec.


 

Le premier ministre Couillard a eu plus de succès que Jean Charest avec la lettre qu’il a adressée aux différents chefs de parti. Cette fois-ci, les trois chefs qui ont une chance de diriger le prochain gouvernement du Canada ont eu l’amabilité de lui répondre et, surprise, ils partagent tous sa vision des choses.


 

« Permettez-moi d’abord de prendre acte de votre engagement indéfectible à l’égard du Canada et du fédéralisme canadien », lui a écrit Justin Trudeau. Le chef libéral en a manifestement conclu qu’on peut lui servir des banalités sans qu’il s’en formalise, qu’il s’agisse de la péréquation ou encore du financement des soins de santé.


 

Doit-on être rassuré par son désir de « revenir à l’esprit fédéral » en renouant avec la pratique des rencontres entre premiers ministres, que M. Harper a abandonnée ? À l’époque où il était premier ministre, son père en était très friand et on a bien vu le résultat. Le Québec en est trop souvent ressorti isolé et amoindri.


 

Si le droit de retrait avec pleine compensation est « un principe et une pratique bien établis au sein du cadre fédéral canadien », comme le croit M. Trudeau, on se demande bien pourquoi M. Couillard a senti le besoin de revenir sur l’encadrement du « pouvoir fédéral de dépenser », comme l’ont fait tous ses prédécesseurs depuis des décennies.


 

N’en déplaise à M. Deltell, la lettre de Thomas Mulcair, qui reprend la Déclaration de Sherbrooke, est la plus explicite à ce chapitre. Toute dépense du gouvernement fédéral dans un champ de compétence exclusive des provinces serait sujette à un retrait du Québec avec pleine compensation, et ce, « sans condition ».


 

Dans sa propre lettre, M. Harper parle plutôt d’une « indemnisation raisonnable » que le Québec pourrait toucher s’il a lui-même « un programme ou une initiative ayant des objectifs compatibles avec le programme du gouvernement du Canada, ce qui comprend des dispositions très similaires en matière de responsabilisation et de transparence ».


 

Le premier ministre parle d’une nouvelle « ère de collaboration » depuis le retour au pouvoir des libéraux à Québec, mais le « fédéralisme d’ouverture » qu’il dit pratiquer semblait plus tangible à l’époque où il dirigeait un gouvernement minoritaire.


 

C’est seulement après le rejet de la candidature de Marc Nadon par la Cour suprême qu’une « collaboration sans précédent » avec le Québec a permis la nomination des juges Gascon et Côté. Dans le dossier du registre des armes à feu, dont l’Assemblée nationale était unanime à réclamer la préservation, c’est plutôt le refus de collaborer du gouvernement fédéral qui a été sans précédent.


 

M. Mulcair aura beau répéter que l’abrogation de la Loi sur la clarté ne sera pas une priorité pour un gouvernement néodémocrate, autrement dit qu’elle sera reportée aux calendes grecques, ses adversaires réussiront peut-être à semer au Canada anglais un doute sur sa détermination à maintenir l’unité du pays à tout prix, mais personne au Québec n’oubliera la férocité avec laquelle il l’a défendue dans le passé. Il a peut-être changé d’idée sur la privatisation du mont Orford et les vertus de la loi 101, mais il demeure certainement un aussi bon Canadien que M. Deltell.


 

Les quelques bémols qu’il a tenté de mettre sur le projet de pipeline Énergie Est ressemblent à ceux de M. Couillard. En réalité, les deux hommes sont tout aussi désireux l’un que l’autre de favoriser une plus grande intégration du Québec à l’économie canadienne.


 

Il est vrai que le NPD a longtemps eu une vision centralisatrice du pays, mais rien n’est éternel. Si M. Mulcair a pu pousser son parti vers le centre, il le convaincra peut-être de pratiquer un fédéralisme moins agressif.


 

En réalité, le statut du Québec au sein de la fédération continuera à décliner plus ou moins au même rythme, peu importe le parti qui formera le prochain gouvernement à Ottawa. Cela constituait jadis un enjeu important d’une campagne électorale, mais il semble aujourd’hui plus important de s’assurer d’avoir le visage découvert pour recevoir la citoyenneté… canadienne. Sans doute un effet de l’esprit fédéral.







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