Le Québec est parfois difficile à comprendre. En principe, les Québécois sont fiers de leur hydroélectricité, une ressource naturelle tout à fait unique, une source de richesse collective importante, à l'origine d'un savoir-faire qui rayonne dans le monde. Mais la fierté n'est plus là. C'est le doute qui l'a remplacé.
On l'a vu cette semaine avec le déclenchement des travaux d'aménagement de la Romaine. Un projet colossal. Un investissement de 6,5 milliards, en plein coeur d'une récession. Ce n'est pas rien. Et pourtant, à peu près aucun média, sauf La Presse, n'a accordé à cet événement l'importance qu'il méritait.
Pourquoi? Cela reflète certainement un malaise plus général. Dans un monde où les grands projets font l'objet de grands débats, il s'est installé une espèce d'incertitude environnementale, on ne sait plus ce qui est bien et ce qui est mal. On n'ose plus applaudir, de peur de faire un faux pas, en oubliant que nos barrages ne sont pas des centrales nucléaires ou des sables bitumineux.
Ce sont aussi nos vieilles bibittes sur l'économie qui s'expriment. Elles le font avec plus de force quand il s'agit de l'hydroélectricité, avec tout son bagage identitaire. Une dépêche de la Presse canadienne qui m'a particulièrement agacé, portant sur les réactions à l'inauguration de la Romaine, expliquait que les écologistes étaient amers tandis que les gens d'affaires se réjouissaient. Bref, c'est mauvais pour l'environnement, mais c'est bon pour la «business». C'est une vision réductrice de l'économie et simpliste de l'environnement.
Il faudrait s'assumer. Le développement de nos ressources hydroélectriques n'est pas une maladie honteuse. Au plan environnemental, la construction d'un ouvrage hydroélectrique majeur modifie de façon importante l'environnement, avec ses réservoirs, ses impacts sur le cours des rivières, ses effets sur la vie animale, et parfois le mode de vie. Ce n'est certainement pas neutre. Mais l'électricité produite, elle, est propre, renouvelable, presque éternelle. Il faut mettre dans la balance ce choc initial et les avantages pour les décennies qui suivent. Il faut aussi tenir compte du fait que dans bien des cas, cette énergie propre remplacera des énergies qui émettent des gaz à effets de serre, par exemple le mazout pour le chauffage ou surtout l'électricité produite avec du charbon en Ontario ou aux États-Unis. Quand on fait le bilan net de l'opération, et c'est la logique de développement durable, l'effet environnemental est positif.
Il est vrai que si on gaspillait moins l'énergie, on aurait moins besoin de nouveaux projets. Mais même si on en fait bien davantage en économies d'énergie, ce qui est plus que souhaitable, les besoins en électricité iront en grandissant, parce qu'il faut remplacer les centrales thermiques polluantes, et que l'électricité servira d'autres besoins, comme l'auto électrique.
En plus, c'est très rentable. Les nouveaux projets créent des emplois et augmentent les revenus d'une société d'État. Ça crée de la richesse. Il ne faut pas en avoir honte. Il ne faut pas non plus être gêné d'exporter cette électricité. C'est encore plus payant, et cela joue un rôle très utile au plan environnemental.
Bien sûr, on peut toujours rêver aux éoliennes. Mais elles ne remplaceront pas les barrages. Cette énergie dépend du vent, et cette imprévisibilité limite la part qu'elle peut occuper dans la production. Et qu'il est illusoire de croire que l'abondance de vent au Québec nous permettrait d'exporter de façon massive aux Américains une forme d'énergie qu'ils peuvent produire eux aussi.
Notre richesse, ce n'est pas le vent. Ça, il y en a partout. Notre richesse, c'est l'eau. Profitons-en. Il faut miser sur cet atout, l'exploiter intelligemment, lancer d'autres projets hydroélectriques, et s'enrichir collectivement sans en être gênés.
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