Hydro-Québec - La rentabilité chute

Stratégie énergétique

Le Plan stratégique d'Hydro-Québec pour les cinq prochaines années rendu public hier maintient le cap sur l'ambitieux programme de développement éolien et hydroélectrique annoncé ces dernières années. D'ici 2013, la société d'État aura investi autant que 5 milliards de dollars par année, une somme colossale. En revanche, la mauvaise conjoncture, certains choix hérités du passé et la lourdeur de la machine elle-même nuiront à sa rentabilité.
Après plusieurs années d'immobilisme qui avaient fait craindre une pénurie d'électricité à l'horizon des années que nous traversons présentement, Hydro-Québec s'était lancée, au début de la décennie 2000, dans la planification de plusieurs grands projets, pour bientôt se rendre compte que certains n'étaient ni urgents, ni même nécessaires. Ainsi, le Suroît, cette importante centrale au gaz naturel qui n'a jamais vu le jour en raison de l'opposition des citoyens. Or, au même moment, le gouvernement Charest donnait son aval à une autre centrale au gaz construite par une entreprise privée, TransCanada Énergy (TCE), qui devait aussi répondre à la pénurie appréhendée. Terminée depuis 2007, la centrale n'a jamais été utilisée parce que Hydro dispose de surplus dont elle ne sait que faire. Comme Hydro s'est engagée à acheter la production pour une période de 20 ans, elle doit verser quelque 130 millions à TCE en guise de dédommagement, ce qui lui coûte quand même moins cher que d'acheter cette électricité et de la revendre à perte sur le marché d'exportation. Si l'on se fie au Plan stratégique déposé hier, cela devrait durer encore quelques années.
Pourquoi insister sur ce cas? Parce que malgré l'abondance de données fournies par Hydro-Québec, il est impossible de savoir si les prévisions d'Hydro-Québec correspondent à la réalité ou si elles ne sont pas faites pour justifier les projets en cours autant que ceux qui sont encore dans les cartons. Après tout, une centrale de 400 MW, ce n'est pas rien!
Aujourd'hui, malgré la baisse très importante de la demande d'électricité prévue dans les prochaines années à cause de la fermeture ou du ralentissement de l'activité de plusieurs grands consommateurs d'électricité, comme les papetières et les alumineries, Hydro s'en tient aux échéances de construction annoncées avant la crise. On a beau comprendre qu'il faut planifier à long terme, on sait que cette crise économique est en train de modifier en profondeur le visage industriel du Québec. Si tel est le cas, il ne sera pas nécessaire de construire autant de centrales qu'on le prévoit d'ici 2020. Pas même pour l'exportation, comme la petite histoire de la centrale au gaz de Bécancour nous le montre bien. À ce propos, Hydro et le gouvernement viennent d'annoncer le début des travaux sur la Romaine. D'entrée de jeu, on nous dit que la totalité de cette électricité de surplus sera destinée à la Nouvelle-Angleterre. Mais pour le moment, aucun contrat n'est signé et, compte tenu du prix très bas du gaz naturel, le risque que nous restions pris avec ces surplus est réel. Construire pour les besoins du Québec, fort bien, mais pour l'exportation? Voilà un pari risqué compte tenu des conditions du marché de l'électricité en Amérique du Nord.
Cette réflexion au sujet des projets d'Hydro-Québec vaut aussi pour l'éolien, dont le prix d'achat de 10¢ du kWh promis par Hydro aux producteurs privés paraît très élevé en regard du prix payé à l'heure actuelle par les consommateurs québécois.
Par ailleurs, si l'on se fie encore aux prévisions d'Hydro-Québec, la société d'État sera moins rentable au cours des prochaines années qu'elle ne l'a été récemment. Elle versera donc moins d'argent à l'État au moment où il en aura plus besoin que jamais. Ainsi, Hydro prévoit seulement retourner 1,6 milliard en dividendes en 2013, comparativement à 2,2 milliards l'an dernier, pour un rendement de 13,1 % au lieu de 15,4 %.
Les amortissements des nouvelles centrales y sont pour quelque chose, mais ils n'expliquent pas tout. Il y a aussi les coûts de fonctionnement du monstre qui auront grimpé de 18,5 % au cours de ces cinq années, alors que les revenus de la vente d'électricité n'auront augmenté que de 8,9 %, incluant les exportations. Est-ce normal? Hydro maintiendra-t-elle quand même sa politique de bonus annuel du président pour chacun de ses 20 000 employés pendant que le gouvernement Charest, de son côté, exigera une fois de plus des enseignants et des employés d'hôpitaux qu'ils se serrent la ceinture?
Hydro-Québec est aujourd'hui plus que jamais le vaisseau amiral du développement économique du Québec. Mais comme toujours, il faut tenir en laisse ce géant dont la propension à imposer sa loi est proportionnelle à la place qu'il occupe dans notre société. Ce rôle, c'est aux élus qu'il appartient de le jouer plus sérieusement, à titre de représentants des actionnaires que nous sommes.


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