Bilinguisme

Ottawa doit resserrer ses règles, dit Fraser

Les exigences linguistiques pour la cérémonie d'ouverture des Jeux de Vancouver étaient floues

Canada bilingue - misères d'une illusion

Guillaume Bourgault-Côté - Ottawa — Le bide linguistique de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Vancouver aurait pu être évité, estime le commissaire aux langues officielles, Graham Fraser. Ce dernier recommande ainsi au gouvernement de resserrer les règles des accords de contribution financière pour des événements qui impliquent une promotion du caractère bilingue du Canada.
Dans son Rapport d'enquête sur la cérémonie d'ouverture des JO dont Le Devoir a obtenu copie, M. Fraser suggère à Patrimoine canadien d'inclure dans ses accords «des clauses linguistiques plus précises» obligeant les bénéficiaires à bien respecter la dualité linguistique lors de la présentation d'événements subventionnés.
M. Fraser demande aussi au gouvernement d'établir plus clairement les «résultats attendus ainsi que les indicateurs de rendement» pour faire en sorte que les obligations et les attentes soient bien comprises.
Ottawa a accordé une contribution de 20 millions pour la cérémonie d'ouverture des Jeux, et l'accord signé comportait des exigences linguistiques. Mais celles-ci étaient floues et «la commande n'a été que très partiellement satisfaite», observe M. Fraser.
Ce rapport confidentiel constitue la réponse préliminaire du commissaire aux 38 plaintes déposées et retenues à la suite de la présentation de la cérémonie d'ouverture des Jeux, le 12 février. Le document est envoyé à chaque plaignant et au ministère du Patrimoine, qui ont jusqu'au 3 septembre pour faire leurs commentaires. S'il n'y en a pas, M. Fraser conclura que les recommandations sont acceptées.
Le peu de place accordé au français lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux avait été largement décrié au lendemain de l'événement. Graham Fraser avait lui-même dénoncé avoir eu «l'impression d'assister à un spectacle conçu et réalisé en anglais avec une chanson française», interprétée par Garou.
Dans son rapport d'enquête, M. Fraser rappelle que «l'anglais a largement, sinon totalement, dominé la partie culturelle du spectacle». Il note que les extraits de poèmes lus par l'acteur Donald Sutherland étaient tous en anglais, même quand le texte original était de François-Xavier Garneau.
Le Comité organisateur des Jeux (COVAN) et Patrimoine canadien ont fait valoir au commissaire que la présence francophone durant le spectacle avait été plus importante que ce que le public a remarqué. «Dans un cas comme dans l'autre, ils ont fait valoir l'insertion de composantes visuelles au spectacle, de même que la présence de francophones ayant participé à l'organisation de la cérémonie», explique M. Fraser.
Officiellement, le COVAN visait un contenu francophone de 25 %. Or, pour atteindre cette cible, le comité a comptabilisé tout ce qui provenait du Québec, francophone ou anglophone. Ainsi, une chanson de Leonard Cohen (Hallelujah) a été considérée comme étant du contenu francophone, l'auteur étant né à Montréal...
Le COVAN a aussi cité l'hommage théâtral fait à la chasse-galerie, la projection d'un timbre-poste de 1976 «dans laquelle il y avait une référence au Canada français» ou la présence d'un «break dancer de Montréal faisant partie d'une chorégraphie» au chapitre du contenu francophone. Ce n'est pas tant l'oreille qu'il fallait ouvrir que l'oeil, suggère-t-on.
Or, le commissaire écrit qu'une «participation [visuelle] ne saurait compenser l'insertion de composantes parlées et une participation francophone plus visible» dans la cérémonie, afin que soit «reflété par la langue et la culture le volet francophone de la dualité linguistique au pays».
Le rapport n'impute pas la faute du couac à Patrimoine canadien. Il mentionne que le ministère s'attendait à plus, et s'était fait promettre plus (les noms de Céline Dion, Ginette Reno ou Gilles Vigneault ont été avancés, quatre des narrations de Donald Sutherland devaient être faites en français).
Mais il est évident, aux yeux de Graham Fraser, que le gouvernement aurait dû être plus sévère au moment d'accorder les subventions. M. Fraser l'avait déjà signalé en septembre 2009 dans un rapport de suivi sur la préparation des Jeux. Il notait alors que les exigences linguistiques rattachées à l'octroi des subventions de Patrimoine canadien n'étaient pas claires.


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