Ombres au paradis

Sables bitumineux de l'Alberta


Dans les pays riches de l’anglosphère tels que les États-Unis, l’Angleterre, l’Australie, le Canada et d’autres pays européens, on se vante de jouir d’institutions politiques démocratiques et de gouvernements par lesquels les peuples de ces pays peuvent décider des enjeux importants les concernant.
Ce mythe de démocratie occidentale mérite qu’on s’y attarde quelque peu.
Dans un vaste pays comme le Canada, qui fut conquis afin de sauvegarder l’hégémonie de la couronne anglaise en Amérique du Nord au 18e siècle, les structures gouvernementales coloniales engendrées par cette conquête avaient favorisé la classe aisée de la bourgeoisie industrielle et commerciale d'origine anglophone qui était alors regroupée à Montréal, ancienne métropole du Canada.
Dans un contexte plus récent, les Etats-Unis, des pays européens, le Japon et d’autres pays en voie de développement de l'Asie tels que la Chine et l’Inde, sont en compétition pour les ressources pétrolières du monde, particulièrement celles du Canada.
Un exemple frappant de cette forme de néo-colonialisme économique s’observe d'une manière magistrale dans l’exploitation pétrolière engagée par les américains et les anglais dans cette province qui fut nommée en l'honneur d'une fille de l'ancienne souveraine Victoria: l'Alberta.
Il faut faire remarquer que ces pétrolières étrangères sont assistées par des généreuses subventions du gouvernement fédéral canadian pour effectuer leur exploration et leur exploitation.
Même les chinois, avec l’aide d’une filiale canadienne de leur société-mère Sinopec, prévoient produire 100 000 barils par jour d’ici 2009 dans la région de Northern Lights, en Alberta.
Selon plusieurs leaders Cris et Dénés de l'Alberta, ainsi que les groupes environnementalistes qui se sont penchés sur la question, l’exploitation des sables bitumineux du bassin de la rivière Athabasca est une catastrophe environnementale d’une proportion gigantesque. Certains disent même qu’il faudrait, au minimum, restreindre ce genre de procédé d’extraction ou tout simplement l’éliminer.
Cette semaine, un excellent reportage de Zone Libre de Radio-Canada a exposé la dévastation de dizaines de kilomètres carrés causée par les mines à ciel ouvert qui servent à l'extraction des sables bitumineux. Cette exploitation ira en augmentant, afin de répondre aux besoins de pétrole des gros chars américains et à la soif de profit des sociétés pétrolières américaines et de leurs filiales canadiennes.
Ce reportage nous a démontré que ce procédé d'extraction pétrolière exige énormément d’eau. Certains estiment que ça prend jusqu’à 360 millions de mètres cubes d’eau par an pour les opérations actuelles sur l’Athabasca par Shell, Suncor et Syncrude.
Cette eau est puisée de la rivière Athabasca qui fait partie du bassin de la rivière Mackenzie.
En conséquence de cette consommation d'eau de l'Athabasca par l'industrie pétrolière, certaines villes en Saskatchewan et aux territoires du Nord-Ouest pourraient éventuellement faire face à des pénuries d’eau potable si ce genre d’exploitation devait augmenter ou continuer à son rythme actuel. Cet aspect délétère du développement des sables bitumineux n'est pas abordé dans le reportage de Zone Libre.
L'extraction d'un seul baril de pétrole par ce procédé nécessite 4 tonnes de sable bitumineux et génère quelques 125 kg de dioxyde de carbone, un gaz à effet de serre. De surcroît, la production d'un baril de pétrole entraîne le rejet d'environ 5 barils d'eaux usées.
Ces eaux usées, d'une extrême toxicité, sont acheminées vers des énormes bassins de décantation et de rétention. Un désastre en attente, ces bassins, très acides, contaminés par des substances toxiques comme le titane de zirconium, sont situés, dans certains cas, tout à côté de la rivière Athabasca.
Pour la région d'exploitation de l'Athabasca, la surface totale de l’espace occupé par ces néfastes bassins est comparable à celle occupée par le lac Memphrémagog au Québec.
En réaction au reportage titré "Sable dans l'engrenage" de Guy Gendron et Jean-Luc Paquette, une plainte a été déposée par Sandra Buckler, pour Stephen Harper, à l'ombudsman de Radio-Canada.
N'ayant pas été présentée au public, la plainte de M. Harper, déposée le mardi 23 janvier, évoque qu'il demeure perplexe devant ce qu'il qualifie comme étant des insinuations inacceptables contenues dans ce reportage.
Selon M. Harper, ce reportage aurait négligé de mettre en lumière le rôle des libéraux dans le développement des sables bitumineux afin d'assurer une source sécure de pétrole pour les américains. Après avoir vu le reportage en question, on peut aisément conclure que M. Harper s'est inspiré de celui qu'il a déjà recruté pour son programme environnemental, un proche de George W, le sondeur Frank Lundz, pour élaborer sa riposte face à ce reportage.
Il s'attarde sur une nuance insignifiante, à savoir si les recommandations de Ressources Naturelles Canada les liaient, en tant que gouvernement, ou si ça demeurait des simples recommandations.
Il accuse les journalistes de Zone Libre d'avoir fait une faute quant à la date d'assermentation de Rona Ambrose évoquée dans le reportage.
Il dit que ce reportage use de sensationnalisme par son ton et par le lien qu'il fait entre le développement des huiles bitumineuses et son élection de l'année dernière.
Même Guy-A. Lepage y passe. Il s'insurge contre la remarque de Guy-A. de la semaine passée, à savoir que ça pourrait faire tomber son gouvernement. Consterné, il se demande comment Guy-A. pourrait dire une telle chose, quand la plupart de ces faits se sont déroulés sous des gouvernements libéraux.
Plus loin dans sa plainte rédigée par Mme Buckler, s'attardant sur d'autres détails insignifiants, il n'apprécie pas les choix de mots utilisés ainsi que la perception laissée sur le "timing" de ces événements du début de 2006. Il aurait fallu que les reporters disent: "Fortuitement, le gouvernement de M. Harper a été élu le 23 janvier 2006", ce qui, selon lui, "n'aurait pas laissé de doute sur le fait que cette réunion avait été convoquée sous les libéraux de Paul Martin".
Également, il accuse Radio-Canada de propager des fausses informations en regard d'ententes ou de rencontres secrètes entre lui et George W.
La conclusion de la lettre de Mme Buckler est particulièrement risible, elle explique que cet incident ne diminue en rien sa confiance que la SRC fait un excellent travail, mais que la qualité de nos médias relève de l'impartialité de ceux-ci et qu'elle n'est pas d'accord avec la manière que ces faits ont été exposés par ces journalistes.
Il faut rappeler que M. Harper a travaillé pour l'industrie pétrolière albertaine avant de se lancer en politique, comme tonton Georges W avant lui l'avait fait au Texas.
C'est quand même pas un secret que Stephen Harper s'aligne sur les politiques néoconservatrices de Bush. Il émane de cette même bourgeoisie industrielle de l'Amérique du Nord qui est très peu soucieuse d'adoption ou du renforcement des anémiques réglementations environnementales existantes dans leurs pays respectifs.
Les gouvernements régissant les compagnies responsables de l'extraction de cette ressource ne devraient pas permettre de calculer les profits sans tenir compte des dommages réels qu'ils causent. On devrait aussi tenir compte de la dévastation laissée après l'exploitation du produit de leur richesse. Un fonds devrait être établi, dès la vente du premier baril de pétrole, pour couvrir les dépenses de remise en valeur des territoires et des eaux dévastées par ce procédé d'extraction.
Je vais maintenant en venir à un effet pervers qui pourrait découler de ce reportage de Zone Libre, effet possible évoqué par Guy-A. la semaine dernière, je parle ici de l'élection éventuelle du simili-vert Stéphane Dion, ce charlatan socialement malhabile que seul le bien corrompu PLC pourrait choisir comme son chef, cet affranchi du Québec qui est un peu responsable de ce fameux accord nommé Kyoto.
En tant qu'indépendantiste, je n'ai que des bravos à adresser à Gilles Duceppe, ainsi qu'à son équipe, pour son leadership à Ottawa et le travail qu'ils font pour faire avancer l'indépendance du Québec. Il faudrait que les bloquistes se mirent sur les politiques énergétiques, tant celles des libéraux que celles des conservateurs, pour soulever une mobilisation massive des Québécois contre ces types d'intitatives d'exploitation énergétique et développer une politique énergétique qui répondrait aux besoins du Québec de demain.
J'aimerais émettre un autre commentaire positif à l'égard de M. Duceppe, c'est qu'il démontre une certaine ouverture au monde syndical. On ne peut pas en dire autant d'André Boisclair.
Sa sortie récente, une remarque sur la fin du copinage aux soupers bien arrosés avec les syndicats du Québec n'apporte rien à la cohésion des forces souverainistes du Parti Québécois. Plutôt, elle satisfait aux besoins stratégiques de M. Boisclair de prendre ses distances face aux syndicats et, ainsi, de se prémunir contre des attaques éventuelles de la part de Super Mario et John James, s'il devait se montrer trop réceptif aux syndicats.
Un effet supplémentaire de cette déclaration, c'est les bras ouverts de Québec Solidaire qui sont très contents de pouvoir ravir cette clientèle du PQ.
La petite crisette que M. Boisclair a faite quand son propre parti avait décidé de nationaliser l'éolienne est un autre exemple de ce potentiel de démobilisation des forces souverainistes causé par un certain manque de vision de sa part.
Dernièrement, ce sont les maires des MRC de villages qui ont eu à vivre avec les parcs d'éoliennes qui proposent la nationalisation de ce type d'exploitation énergétique. Les populations de ces MRC font face au développement anarchique et les revenus inéquitables consentis par les exploitants étrangers des parcs d'éoliennes installées au Québec.
Belle occasion ratée pour M. Boisclair...
Avec la venue au pouvoir de Jean Charest, drapé d'une bannière libérale, qui a amorcé sa propre révolution du bon sens à la Mike Harris sous prétexte de moderniser l'État québécois, les droits des travailleuses et des travailleurs au Québec ont subi de sérieux revers. Voyons un peu le bilan: l'interdiction discriminatoire de syndicalisation des travailleuses des services de garde en milieu familial; la modification du code du travail qui favorise maintenant le patronat dans l'arbitrage et le traitement des griefs puisque le demandeur doit en assumer les frais; la sous-traitance des services publics envisagée avec les projets de PPP qui sont une manière insidieuse de subventionner des entreprises privées à même les fonds publics; la loi 142 qui enlève le droit de grève aux employés du secteur public et décrète, sans négociation préalable, leurs conditions de travail. Petit rappel: le secteur public est composé majoritairement des femmes.
Ceux qui maintiennent que c'est encore la faute des syndicats si ça va mal au Québec ne sont que des mystificateurs qui relayent à leur tour le message que veut faire avaler les Lulucides aux Québécois. Objectivement, ils sont de la même mouvance que Charest, Harper, Dion, Bush, etc.
Eux, ils n'ont pas de honte pour leurs propres copinages aux soupers bien arrosés...
Demandez aux employés d'Olymel, à qui on exige de couper leurs salaires de 30%, s'ils croient que leur syndicat est trop puissant?
Maintenant, je veux en venir à un des problèmes du Parti Québécois: c'est qu'il n'a pas eu de réel leader indépendantiste depuis le départ de Jacques Parizeau.
Après le référendum de 1995, un personnage parfois fédéraliste, parfois souverainiste, le néoconservateur Lucien Bouchard a saccagé la fonction publique québécoise au nom du sacro-saint déficit zéro. Aujourd'hui, sous le régime de Jean Charest, on en vit encore les conséquences dans les services de santé, les services sociaux, l'éducation et d'autres services publics.
Le milieu syndical peut être un précieux allié pour la mobilisation vers la souveraineté du Québec. Avec les bons signaux des leaders souverainistes démocratiques, ce milieu pourrait mobiliser des forces insoupçonnées.

Daniel Sénéchal
Montréal


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    29 janvier 2007

    On a dit par le passé que le Québec ne pouvait être indépendant parce que les réserves pétrolières sont situés en Alberta et au large de Terre-Neuve.
    Maintenant, on peut dire qu'en plus de l'hydroélectricité, nous avons des réserves d'eau douce. Pour chaque baril de pétrole que nous importerions, nous l'échangerons pour un baril d'eau douce capté en amont de Québec. Les Albertains ont soif. Leurs champs et bétails ont soif. Les pétrolières ont soif d'eau douce pour liquéfier le bitume des sables et en extraire la substance d'or noir.
    Ils ont l'or noir. Nous avons l'or bleu.