« Nous avons la responsabilité d’aller encore plus loin »

Entrevue – Wilfrid-Guy Licari, délégué général du Québec à Paris

Le Québec économique

France-Québec magazine - No 141, mars-avril-mai 2007

En février 2006, Wilfrid-Guy Licari prenait ses fonctions de Délégué Général du Québec à Paris. Quelques mois avant le coup d’envoi des campagnes électorales en France et au Québec. Période riche de débats et de changements, pendant laquelle la relation franco-québécoise n’a pas faibli. Bilan d’un an et demi d’activités.
Une nouvelle donne politique s’est installée en France et au Québec à deux mois d’intervalle. Quelle conséquence pour la relation franco-québécoise ?
Cette relation, directe et privilégiée, a une telle force qu’elle transcende les mouvements partisans. C’est rassurant. Nous avons pu encore le constater lors de ces périodes d’élections des deux côtés de l’Atlantique. Pendant la campagne électorale française, nous avons eu des contacts aussi bien avec Nicolas Sarkozy qu’avec Ségolène Royal. Que ce soit la droite ou la gauche, le capital de sympathie vis-à-vis du Québec est le même. Pendant la campagne québécoise, André Boisclair, leader de l’opposition au Québec, a été reçu au plus haut niveau à Paris. Le nouveau gouvernement de Jean Charest a appliqué pour la première fois la parité ministérielle… une idée reprise ensuite à Paris. On en avait parlé avec M. Sarkozy. De même, il semble que la France veuille donner un véritable statut à l’opposition, comme cela existe déjà au Québec. Les élections n’ont donc pas altéré l’intensité de notre relation. Et comme nous avons une nouvelle donne des deux côtés, cela devrait nous permettre d’engager une réflexion sur l’avenir pour voir comment aller plus loin et, par exemple, élargir l’espace du Québec en France.
Quel bilan tirez-vous de vos quinze premiers mois d’activités ?
C’est un privilège d’être dans cette fonction. La relation franco-québécoise est très vivante, j’en ai pris la mesure. Elle est mue par une élan politique des deux côtés. Nous avons eu douze visites ministérielles québécoises en France et quatre visites françaises au Québec. Ces visites sont importantes car elles font avancer les dossiers et donnent une impulsion forte. Ainsi, quand Jean-Marc Fournier, notre ministre de l’Education, est venu à Paris, cela a permis d’accélérer sur la chaire d’études québécoises à la Sorbonne et sur l’équivalence des diplômes. Devant le déséquilibre du nombre d’étudiants québécois en France comparé au nombre d’étudiants français au Québec, son homologue, Gilles De Robien a pris des mesures pour améliorer la promotion des universités françaises au Québec. Quant au Premier ministre Jean Charest, il est venu deux fois l’été 2006 ainsi qu’en février dernier pour la conférence intergouvernementale sur l’environnement organisée par le Président Chirac. Ces visites sont précieuses pour faire avancer les dossiers et ne pas perdre l’élan.
Et sur le plan économique ?
Dans ce domaine, nous voulons renforcer les relations, hisser ce volet au même degré d’excellence que le politique et le culturel. N’oubliez pas que la France est le deuxième investisseur au Québec et que, parallèlement, pour les sociétés québécoises désireuses de se diversifier au-delà des Etats-Unis, l’Europe est une priorité et la France en est au cœur. La DGQ s’occupait beaucoup des PME-PMI, nous avons donc cherché à impliquer des grandes sociétés, telle Bombardier et la Caisse des Dépôts. La DGQ a d’ailleurs été aux côtés de Bombardier, qui a remporté un très gros contrat auprès de la SNCF à l’automne 2006. Nous avons aussi été très présents sur le dossier Alcan, pour répondre aux inquiétudes des autorités françaises sur l’avenir des sites ex-Pechiney, et sur le dossier Cambior, cette société québécoise qui doit ouvrir prochainement la première mine d’or en Guyane. Le Québec est venu en force au Salon du Bourget, représenté par le ministre Raymond Bachand et par les industriels de la filière aéronautique. Enfin, nous avons renforcé le club franco-économique qui compte désormais plus de 250 membres et multiplie les activités. Il y a une belle dynamique mais nous avons encore un beau potentiel à exploiter.
Enfin, dans le secteur culturel ?
La culture reste le fil conducteur de la relation, la sève. En France, la sensibilité culturelle est forte à l’égard de ce que le Québec propose. Les artistes québécois rencontrent toujours un grand succès en France : voyez Garou, Ariane Moffat, Pierre Lapointe ou encore le Cirque du Soleil. Le rendez-vous du Québec numérique au Châtelet le 9 septembre 2006 a été une réussite, tout comme la venue de l’OSM après quinze ans d’absence et la semaine du cinéma québécois, pour la première fois sur les Champs-Elysées, un lieu prestigieux ! Le Québec offre à la France le plus nombre d’activités culturelles venues d’ailleurs, on entend maintenir ce rythme.
L’année prochaine sera celle des festivités du 400ème anniversaire de la fondation de Québec. L’occasion de renforcer encore les liens ?
Il s’agit de célébrer quatre siècles de fraternité. C’est l’événement culminant de ces quarante dernières années, de grandes retrouvailles. C’est aussi l’occasion de montrer comment la France et le Québec sont capables d’exprimer une différence dans l’espace de la mondialisation. Nous allons montrer que nous sommes farouchement attachés à notre langue et à notre identité. Nous allons nous en servir pour fortifier l’idée francophone. Ce sera l’occasion de l’une des plus importantes participations de la France à un événement hors de l’hexagone. Je sens dans mes voyages en régions une très forte mobilisation, avec plus de 150 villes françaises impliquées ; les projets sont si nombreux qu’ils ne pourront d’ailleurs pas être tous labellisés.
Parmi les opérations d’envergure, le grand leg de la France à Québec permettra d’y aménager le musée de l’Amérique française. Un chœur de 2008 voix – 1004 françaises + 1004 québécoises – se produira en juillet dans la capitale nationale. Le Premier ministre français sera à Québec début juillet et le Président de la république y sera en octobre pour le Sommet de la Francophonie. Le salon du livre de Québec se tiendra aux couleurs de la France et de la francophonie. Le Louvre déplacera 150 chefs d’œuvre pour une grande exposition. Futurallia réunira un millier de PME françaises et québécoises, tandis qu’une rencontre sera organisée entre les pôles de compétitivité français et les créneaux d’excellence québécois. Enfin, les troisièmes ateliers de la coopération décentralisée témoigneront de cette version moderne de la relation Paris-Québec qui se développe au niveau des régions : cinq régions françaises ont déjà des accords privilégiés et devraient être rejointes par l’Ile-de-France cet automne.
La relation franco-québécoise tourne à grande vitesse. Il faut maximiser les acquis et aller plus loin. C’est notre responsabilité. Je souhaite que le 400ème ouvre un nouveau cycle. Plus la relation est forte et ancienne, plus il faut être créatif.
Qu’attendez-vous du congrès des associations France-Québec et Québec-France à Strasbourg ?
J’y serais bien sûr. C’est un moment important. Les 5000 bénévoles de France-Québec jouent un rôle clé, ils sont le relais de nos activités et de nos ambitions. C’est la force de la société civile. Les « régionales » sont comme des antennes sur le terrain, leur rôle est primordial. Je voudrais aussi qu’on puisse décentraliser nos objectifs dans le domaine économique, pour mieux faire connaître les opportunités d’affaires de part et d’autre. De même dans le domaine de l’immigration, pour associer de plus en plus France-Québec et renforcer le rôle de ses antennes. Mon ambition est de rapprocher davantage encore France-Québec et les régions de la DGQ. Enfin, j’ai toujours le souci de la relève. Il y a un effort à faire pour impliquer davantage les jeunes.
Quel est l'avenir du CCIFQ car il semble y avoir des inquiétudes dans les milieux universitaires?
"Votre question est pertinente et voici l'état de la situation. Lors de leur dernière rencontre l'automne dernier à Québec, les ministres de l'Éducation MM de Robien et Fournier ont exprimé le souhait qu'une réflexion soit menée en ce qui a trait à la coopération universitaire franco-québécoise. Les ministres prenaient alors en compte les attentes exprimées par le milieu universitaire français et québécois. Dans la foulée, à l'issue de la dernière Commission permanente de coopération, un groupe de travail franco-québécois a été mis sur pied dans le but de faire des recommandations à leur ministre respectif. Il est trop tôt pour indiquer ce que seront les recommandations. Je peux quand même vous révéler que certaines priorités se dégagent: la mobilité professorale, le développement de partenariats stratégiques en matière de recherche en exploitant au maximum les réseaux européen et nord-américain, et le développement d’un lieu de rencontres et d’échanges pour tous les acteurs de la coopération universitaire."
Propos recueillis par Valérie LION et Georges POIRIER


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