Ni crime ni menace

L'enseignement intensif de l'anglais en sixième année ne justifie pas de crier au loup.

Tout le monde il est beau...


(Québec) Le projet d'enseigner l'anglais de façon intensive à la sixième année du primaire donne lieu à de l'enflure verbale. Selon l'historien et sociologue Gérard Bouchard, tourner le dos à l'anglais serait «criminel», alors que pour d'autres, l'initiative du gouvernement libéral est une véritable menace identitaire. Les francophones du Québec doivent se faire confiance. Aimer et préserver sa langue n'interdit pas d'en apprendre une seconde, voire plusieurs.
Le Québec a la maturité pour revoir le mode d'enseignement de l'anglais, langue seconde, sans sacrifier l'enseignement du français, sans mettre en danger l'identité de la majorité francophone, sans perdre son âme. Il est temps de franchir une autre étape.
Le saupoudrage de quelques heures d'anglais chaque semaine ne permet pas à tous les petits francophones de sortir de l'école secondaire avec une bonne connaissance de l'anglais. C'est probablement pourquoi ils sont de plus en plus nombreux à se tourner vers les cégeps anglophones pour compléter leur formation.
Si un tel constat était tiré pour une autre matière, des changements seraient vite réclamés de la part du ministère de l'Éducation. Il faut observer la même logique pour l'enseignement de l'anglais, langue seconde. D'autant plus que la mise en place de l'anglais intensif en sixième année donne des résultats positifs dans les écoles qui ont déjà adopté ce rythme. Rappelons également qu'une recommandation en ce sens était contenue dans le rapport de la Commission des états généraux sur la situation et sur l'avenir de la langue française, en 2001.
Nous ne vivons pas en vase clos. La mondialisation de l'économie, l'immigration, l'omniprésence des nouvelles technologies et des médias sociaux imposent deux défis majeurs, mais non contradictoires aux Québécois francophones : maîtriser, protéger et promouvoir leur langue, mais aussi connaître l'anglais suffisamment pour évoluer dans un monde où il domine.
La protection du français demeure plus que jamais un impératif. Sans loi 101 et sans règlement, huit millions de francophones ne pourraient faire respecter leur langue dans un bassin de 300 millions d'anglophones. Contrairement au député conservateur Maxime Bernier, 79 % de la population, dont 90 % de francophones, affirment leur attachement à la loi 101 dans un récent sondage Angus Reid. D'autre part, lorsqu'on leur demande s'il est important de parler les deux langues officielles du Canada, 84 % des francophones québécois affirment que cela est important.
Contradictoire? Anglicisation lente, mais certaine? Non. Tout dépend de notre volonté, de notre vigilance et de la façon de nous comporter individuellement et collectivement. Par sa législation et par ses pratiques, l'État a un rôle majeur à jouer. Les médias ont également une responsabilité. Mais chaque francophone doit aussi faire sa part en parlant et en écrivant bien sa langue, et en exigeant des services en français.
La nouvelle présidente de l'Office québécois de la langue française, Louise Marchand, rappelle d'ailleurs les Québécois à l'ordre. «Aidons-nous. L'Office va faire son bout, mais il faut que tout le monde mette la main à la pâte», a-t-elle déclaré lors d'une entrevue au Soleil. Selon Mme Marchand, les immigrants et les anglophones verront l'importance de parler français au Québec si les francophones exigent d'être servis en français plutôt que de parler la langue de Shakespeare pour «s'exercer».
L'enseignement intensif de l'anglais en sixième année ne justifie pas de crier au loup. Son implantation devra toutefois être suivie avec soin pour s'assurer que l'enseignement est de qualité dans toutes les régions du Québec et que les élèves en difficulté d'apprentissage ne soient pas pénalisés.


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