Ne pas crier victoire

Indépendance — Une conjoncture favorable



Ma grand-mère maternelle, qui semblait dotée d'une vieille sagesse de Sioux et qui se définissait elle-même comme une métisse proche parente de Louis Riel, répétait souvent : « Ti-gars, il faut de tout pour faire un monde. »
Je ne sais pas si à son époque, elle avait été appelée à côtoyer tant de gens arrogants et méprisants comme ceux que nous connaissons aujourd'hui. Elle venait d'un milieu très modeste mais fier, et je doute qu'elle ait été en contact, de près ou de loin, avec de réels chenapans. Je veux parler des Jean Charest et compagnie qui nous bassinent jour après jour, même en période estivale, avec leurs propos dignes des radios poubelles, pour mieux nous faire oublier qu'il y a maintenant cinq personnes notoires proches du Parti libéral du Québec qui sont dans la mire de la Justice et de l'unité permanente anticorruption (UPAC). Et cela ne fait que commencer, puisque la Commission Charbonneau ne commencera à siéger réellement qu'à l'automne prochain.
Comment se fait-il qu'un premier ministre, celui qui est sensé représenter tous les Québécois, n'ose même pas participer aux célébrations populaires de la Fête nationale des Québécois, le 24 juin dernier — ce que la Banque Scotia, dans ses publicités, qualifie de « fête provinciale » —, alors que les chefs de l'opposition l'ont fait, et même des députés fédéraux? C'est sûrement qu'il craint le verdict des gens de la rue et qu'il préfère se retrancher derrière une rhétorique guerrière et arrogante; c'est sûrement qu'il n'a aucun bilan positif à offrir et qu'il préfère tourner au ridicule toute manifestation d'opposition à son régime plutôt que de chercher à rectifier le tir. Même le soi-disant dictateur du Venezuela, Hugo Chavez, se promène dans les rues de son pays, s'entretient avec des gens rencontrés au hasard, prenant ainsi le pouls de l'opinion publique sans craindre les foudres de l'opposition. Les terrains de jeu de notre premier ministre, il est vrai, se trouvent à Westmount et à Sagard où son plus proche conseiller et complice, la famille Desmarais, trône et tire les ficelles comme un Marlon Brando au fin fond de la jungle, dans le film Apocalypse now.
Mais ne nous enthousiasmons pas trop vite en concluant que la victoire est à la portée de la main. On le voit, avec les dernières publicités arrogantes, que le Parti libéral n'en est pas à un coup bas près et qu'il déjà choisi le terrain du dénigrement personnel pour attaquer l'option souverainiste, quoique voir Pauline Marois battre la casserole n'est en rien humiliant, la chef péquiste se situe aux côtés des siens, tout comme Charest est à sa place à Westmount et à Sagard.
Je dis qu'il ne faut pas crier victoire en nous imaginant que les derniers mois de luttes et de débats intenses ont ouvert une large brèche grâce à laquelle le vote souverainiste et progressiste va pouvoir former un gouvernement majoritaire.
Prenez l'exemple du Mexique. Malgré la corruption généralisée, les massacres quotidiens, les tueries de masse, avec cadavres décapités ou brûlés, et les 70 000 morts et disparus en six ans, dont des centaines de journalistes et des milliers de femmes et d'enfants, causés par la guerre des cartels de la drogue, malgré la présence d'un mouvement étudiant dynamique qui a manifesté énergiquement dans la rue son indignation à travers tout le pays, il semble bien que la population s'apprête à remplacer le parti corrompu au pouvoir depuis deux mandats, celui de Calderon, par son semblable, le PRI, qui pendant les presque 100 ans où il a été au pouvoir n'a réussi qu'à mettre à genoux son peuple, à l'affamer et à le livrer au pillage des grandes corporations. Son chef, Enrique Peña Nieto, a d'ailleurs qualifié les étudiants de voyous et de gauchistes, un peu comme l'a fait notre premier ministre.
La population du Québec semble divisée et indécise, malgré les odeurs de corruption et de scandales qui minent la crédibilité du régime Charest. Comment l'expliquer? Nous ne nous sommes jamais débarrassés totalement, sans doute, des vieux réflexes de vaincus qui nous collent à la peau depuis plus de 250 ans et les campagnes de peur produisent encore et toujours leurs effets pervers, comme au Mexique. Il nous reste encore quelques semaines, quelques mois, pour convaincre, un par un s'il le faut, ceux qui hésitent encore. Ce n'est pas le temps de prendre des vacances. Allez, au travail!


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