Loco Locass - Album AMOUR ORAL (2004)

La Censure pour l'échafaud

Indépendance — Une conjoncture favorable


_ À l'affût des fumisteries, de mes funestes et fumeuses affinités avec les régimes honnis
_ J'affûte mes flûtes et réfute le « vous fûtes ceci »
_ Me méfie des « vous fites fi des juifs pis des fifs ici
_ De tout ce qui s'différencie
_ Que s'il eut fallu qu'il y eut des fours ici
_ Vous en auriez fait, pour sûr, du poulet frit
_ En fait, vous êtes, tous autant que vous êtes, ici, des fous
_ Des groupies de l'abbé Groulx pis de Jean-Louis Roux, »
_ Si on les écoute, y
_ Faut autodafer tout ce qui nous fait honte à leurs yeux de pontifes
_ Qui réclament sacrifice, sur un autel apocryphe
_ L'holocauste de nos désirs travestis en vices
_ En tares, en atavismes
_ Y veulent voir notre passé brûler vif
_ Tuer dans l'œuf l'avenir qui s'y niche
_ J'vérifie, j'lis pis j'trouve que j'ai l'dos large en estifi
_ On nous mystifie
_ À la fin des années folles, l'hystérie fut fort bien répartie, merci
_ Mais qui m'a dit qu'ignorance et amnésie donnent carte blanche à toute hypocrisie ?
_ Ainsi, si Céline est antisémite pis qu'icitte on est franco
_ Ipso facto on se mérite le titre d'ostie de fachos
_ Tout ça m'irrite, surtout qu'on oublie vite qu'en Ontario
_ Les plages un jour furent interdites aux Juifs, aux chiens, pis aux négros
_ Dans l'ordre, pis texto
_ Si j'le dis, c'est que je suis moi-même un nègre mais blanchi à la chaux
_ Tandis que McGill les contingentait au bachot
_ On faisait du textile avec les cheveux des juifs à Dachau
_ Un matériau, comme les arbres de la Daishowa
_ C'est ça la Shoa, chose, so watch out avec les mots
_ Tu me laisses pas d'autre choix, toi
_ Que d'envoyer la censure pour l'échafaud
Histoire d'horreur, mémoire poreuse
_ Nous n'osons même plus nous nommer nous-mêmes, nous nous nions
_ Mais moi ! Mais moi !
_ Histoire d'honneur, mémoire porteuse
Ô toi, KKKanada
_ Qui me garoche des roches de reproches louches
_ Dès que je me rapproche des racines de ma souche
_ Pis qui achoppe sur la lâcheté de mon cache-cache
_ Pendant que l'Axe inondait le monde de bombes H
_ Sache
_ Que le père de mon père a mis son gun
_ Au service de l'Hexagone
_ Fier comme un coq, Jean-Rock pis sa gang de damned Canucks
_ On pouvait's'y fier pour dénazifier l'Europe
_ J't'le dis : en Normandie, y'avait plus de francos
_ Que de Québécois qui appuyaient Franco
_ Mais on n'était pas purs pour autant, peu s'en faut
_ Dissimulés sous les soutanes charlatanes
_ Saoulés par la face cachée du chanoine
_ Icitte on n'a pas été vites vites
_ À voir la fumée d'Auschwitz
_ Mea maxima culpa pour tous les potes qui portent la kippa
_ Quant à toi, KKKanada
_ Pourfendeur de francophones
_ Meurtrier de Métis
_ Assassin d'autochtones
_ À quand les excuses à la Commission des droits de la personne ?
_ Personne n'aime se faire traiter de facho
_ Fa'que la prochaine fois que l'envie te prend, retiens tes chevaux
_ Watch out avec les mots, sinon presto
_ J'te renvoie la censure pour l'échafaud
Histoire d'horreur, mémoire poreuse
_ Nous n'osons même plus nous nommer nous-mêmes, nous nous nions
_ Mais moi ! Mais moi !
_ Histoire d'honneur, mémoire porteuse
_ C'qui m'faich, c'est qu'on fish, on mord à l'hameçon
_ On s'empêche en pêchant par excès de contrition
_ On s'flagelle, lave à l'eau de Javel
_ Une tache originelle pas mal imaginaire
_ On fouille dans nos selles, on cherche la vache folle
_ On s'fourre le doigt dans l'œil jusqu'au coude, jusqu'à l'aiselle
_ Quels imbéciles !
_ On n'voit plus les barbelés qui auréolent nos cervelles serviles
_ Tandis qu'on dit à Normand Lester de s'taire
_ On se sert des délétères thèses d'Esther Delisle
_ Pis des délires de Mordecai Richler
_ Pour nous garder des dérives totalitaires
_ Nous n'osons même plus nous nommer nous-mêmes
_ Nous nous nions
_ Nous ne sommes plus que pour la honte ou la peur
_ La trouille nous coupe les couilles, brouille les communications
_ Le premier qui s'mouille risque l'excommunication
_ C'est un comble de colonisation
_ Quand un chef péquiste effrayé d'être fiché fasciste
_ Sombre dans la délation
_ Devient mouchard en voulant faire le beau
_ Quand un premier ministre vire capot
_ Il était une fois l'affaire Michaud
_ C'est sûr ça fait mal, oui, mais peu me chaut
_ Quand j'envoie la censure pour l'échafaud
Histoire d'horreur, mémoire poreuse
_ Nous n'osons même plus nous nommer nous-mêmes, nous nous nions
_ Mais moi ! Mais moi !
_ Histoire d'honneur, mémoire porteuse



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1 commentaire

  • Serge Charbonneau Répondre

    19 mars 2012

    Hostie, oui hostie que c'est bien dit !
    Bravo !
    ( Le sacre sacrament, parfois y a pas un mot aussi clair et aussi Québécois pour signifier son émotion !
    Au diable les âmes sensibles et les oreilles prudes, je le redis: Oui, hostie que c'est bien dit ! )
    « Nous n’osons même plus nous nommer nous-mêmes, nous nous nions »
    Oui, parfois, je suis tanné de m'empêcher d'être comme je suis !
    Serge Charbonneau
    Québec
    P.S.: Le sacre, c'est pour exprimer mon émotion et non pas pour dire que Loco Locass l'utilise. Mais le sacre fait aussi partie de nous.
    Je crois que peu importe notre niveau de culture ou de quoi que ce soit, je crois que chez nous, tout le monde un jour atteint un niveau d'émotion qui ne peut mieux s'exprimer que par un bon sacre ! Oui, on sacre. J'ai même déjà entendu ma mère, oui ma mère de plus de 80 ans, sacrer ! Et ma mère, ce n'est vraiment pas une personne vulgaire qui sacre! Je l'ai cependant pris en défaut (sic) une fois (ou deux).