Mort de la globalisation

Par John Saul

IDÉES - la polis


LA MORT DE LA GLOBALISATION!

Nous vivons actuellement une période qui ressemble étrangement à celle qui a précédé la Révolution française, à savoir une exploitation honteuse des masses. Les multinationales, aidées de leurs valets, les hommes politiques, ont remplacé la Cour royale. De nos jours, seul le nom des maîtres a changé. Ce sont toujours quelques individus qui vivent grassement au détriment du peuple qui est saigné à blanc.

LA DÉMOCRATIE!

La démocratie n'a de réalité que le nom, car la véritable démocratie est un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. La démocratie actuelle est l'affaire des multinationales qui sont devenues tellement puissantes qu'elles peuvent écarter les gouvernements du revers de la main, quand elles ne font pas élire leurs hommes de paille qu'elles ont elles-mêmes choisis. Combien de Premiers Ministres canadiens ont vu leurs élections se décider dans les bureaux du président de Power Corporation, une multinationale canadienne? Aux États-Unis, l'élection de George W. Bush aurait-elle été possible sans les appuis financiers des multinationales du pétrole? Les politiques adoptées par ce gouvernement ne sont-elles pas un retour d'ascenseur, favorisant ces multinationales?

LA CONCURRENCE!

La mondialisation a fait en sorte que les multinationales sont devenues des géants, des oligopoles, des ogres qui avalent tout. Elles ont éliminé la concurrence par le dumping, afin de faire crever les petits compétiteurs. La forte augmentation des échanges internationaux au sein même des multinationales, les a aidé à s'approvisionner au moindre coût. La concurrence éliminée, les multinationales se sont entendues pour fixer les prix et engranger des milliards de profits.

Lorsque je vois un Bureau censé protéger le consommateur, décréter qu'il n'y a pas de collusion entre les puissantes pétrolières pour fixer le prix du litre d'essence aux pompes, je n'en crois pas mes yeux. Dans ma région, il y a des centaines de stations-service sous diverses bannières: Esso, Shell, Ultramar, Pétro-Canada, etc, et dans l'espace d'environ une demi-heure, toutes ces stations affichent le même prix. Exemple: le 3 avril 2006, le prix du litre était partout de $0.97,7. Le lendemain, 4 avril, les stations affichaient toutes le même prix, soit $1.04,6 le litre. S'il n'y a pas collusion, je me demande ce que c'est! Où est la concurrence quand les stations d'essence affichent toutes le même prix? Est-ce qu'on nous prend pour des aveugles ou des imbéciles?

LA FISCALITÉ!

'Un gentilhomme, disait Confucius, aide les nécessiteux; il ne contribue pas à rendre les riches encore plus riches!' Pour 'The Économist', les principes d'équité actuels sapent les bases mêmes de la démocratie. Il est actuellement impossible de parler d'impôts de façon franche, honnête et positive. Le néolibéralisme actuel contribue à une croissance faible, à un chômage élevé et à une volonté de plus en plus forte de renforcer le Marché, comme si le bonheur des peuples en dépendait. Les gouvernements en place réduisent continuellement les impôts des plus riches, tout en augmentant la charge fiscale du peuple, par toutes sortes de taxes déguisées. Tout cela en conformité avec le système de croyance actuel à l'effet qu'ils ne peuvent faire autrement. Et pourquoi? Tout simplement parce que les multinationales peuvent facilement traverser les frontières, grâce à la mondialisation. Les gouvernements se disent: 'Si on n'allège pas leurs impôts, elles vont partir!'

Les États-nations sont devenus trop faibles face aux multinationales. Sans aucun scrupule, même après avoir obtenu des terrains gratuits, des subventions, des prêts sans intérêt, etc, les multinationales déplacent leur entreprise au gré des taux d'imposition. Si elles n'apprécient pas la fiscalité d'un endroit, elles déménagent ou retirent leur argent pour endetter leur filiale locale. En 2004, The Financial Times a étudié les opérations, en Grande-Bretagne, de vingt grandes multinationales ayant un fonds de roulement de près de mille milliards de livres sterling. Ces multinationales s'étaient débrouillées pour faire apparaître une perte de 700 millions de dollars et ne payer que 350 millions en impôts, des broutilles pour elles qui avaient engrangé des dizaines de milliards de profits. Au Canada, la situation n'est guère différente. Des multinationales réalisent des milliards de profits et ne paient pas d'impôts. En 1999, 33 grandes multinationales canadiennes ont réalisé des milliards de profits sans payer d'impôts. Est-ce là le résultat d'une force globale inévitable? Certainement pas! Il s'agit plutôt du fait que les pays du G-8 n'ont jamais voulu traiter de la nécessité d'un accord international sur la fiscalité, visant à empêcher les multinationales d'agir de façon légale peut-être, mais malhonnête sûrement!

L'INEPTIE DES GOUVERNEMENTS!

L'incapacité des gouvernements à aborder la fiscalité internationale d'une façon ferme et éclairée, les a plongé dans une crise fiscale profonde et dans une crise liée à une pauvreté permanente. Au lieu de s'attaquer aux vrais problèmes, soit aux évasions fiscales des mieux nantis, les gouvernements cherchent à augmenter les impôts, sans paraître le faire. Résultat: des impôts déguisés qui peuvent prendre diverses formes et qui touchent surtout la classe moyenne qui croule sous les impôts. La pire a été, sans aucun doute, la décision des gouvernements de se transformer en plus gros croupiers de tous les temps.

UNE MAFIA DÉGUISÉE!

Les gouvernements ont éliminé la concurrence, non pas par les armes, mais par des lois qu'ils adoptent eux-mêmes. Ils se sont lancés dans le domaine le plus rentable, soir celui du jeu. Le jeu, en lui-même, est un amusement comme les autres. Ce qui est foncièrement malsain, c'est que des gouvernements démocratiques aient fait du jeu une méthode pour lever de grandes quantités de fonds publics. Nos gouvernements ont atteint un point critique en dépensant des millions de rentrées fiscales pour des publicités encourageant le citoyen à jouer. Aux États-Unis, 500 millions de dollars sont dépensés chaque année pour encourager, surtout les plus pauvres, à jouer davantage. Le taux de croissance du jeu est partout le même, soit de 10 à 15% annuellement. En Allemagne, les revenus annuels sont de 42 milliards de dollars. En Grande-Bretagne, de 25 milliards de livres. Même dans des pays où la pauvreté est largement répandue, les revenus sont énormes, exemple: l'Inde avec des revenus de 7 milliards; le Mexique, de 3 milliards. Dans la province canadienne de l'Alberta, riche en énergie, les revenus du jeu pour le gouvernement, rivalisent avec ceux des taxes sur l'essence et le gaz, et parfois les dépassent. Dans le monde, ce sont 900 milliards de dollars qui sont dépensés par les citoyens pour les jeux et ce, à chaque année. Les jeux sont devenus la vache à lait des gouvernements qui retirent d'une main ce qu'ils donnent de l'autre, en mesures sociales: pensions de vieillesse, aide aux plus démunis, etc. Dans ma région, des autobus transportent gratuitement les personnes âgées au Casino de Montréal. On remet, à chacune d'elle, dix dollars en jetons, gratuitement. Certaines portent des couches pour ne pas perdre leur place devant leur machine. Tout est mis en place pour en faire des joueurs compulsifs. De plus en plus de gens âgés y dépensent leur chèque de pension de vieillesse. Beaucoup y laissent l'héritage de leurs enfants. Le jeu qui était considéré comme un acte criminel il n'y a pas si longtemps, est devenu tout à fait légal depuis que les gouvernements en ont pris le contrôle.

LES GOUVERNEMENTS ABDIQUENT!

Affaiblir l'État-nation en prétendant que des forces internationales, comme celles du Marché, sont inévitables, revient à affaiblir la démocratie, quand on ne la tue pas tout simplement. Les traités internationaux, de même que les lobbies extrèmement puissants, font en sorte que les gouvernements ne sont plus en mesure de protéger les citoyens contre les abus des multinationales, exemples:

L'ALENA: Au mois d'avril 1997, le gouvernement canadien avait adopté une loi interdisant l'importation et la distribution du MMT, un additif à l'essence après que des études eurent démontré que ce produit était dangereux pour la santé des enfants, en causant des troubles neurologiques. La multinationale américaine Ethyl a intenté une poursuite de 251 millions contre le gouvernement canadien en vertu du chapitre 11 de l'Alena. Le cas fut entendu par trois membres de l'Alena et le gouvernement canadien a dû retirer sa loi et affirmer que le MMT était sans danger, malgré les études qui démontraient tout le contraire.

L'AMI (Accord multilatéral sur les investissements), permet à une multinationale qui se sent lésée par une loi, de poursuivre tout pays qui a légiféré; peu importe que la loi vise à protéger l'environnement ou la santé publique. Ce faisant, les profits des multinationales ont priorité. En favorisant le monétarisme, la dérèglementation, le libre échange, le libre flux des capitaux et les privatisations massives, les gouvernements se débarrassent de leurs responsabilités sociales. Ils transfèrent les décisions vitales, en matière d'emploi, de santé, d'éducation, de culture, de protection de l'environnement, dans les mains du privé, comme si le privé pouvait répondre aux besoins de la population. Pour le privé, seul compte le profit!

L'IBC (International Business Company), accorde une protection contre toute indiscrétion, procédure légale ou autre désagrément, aux gros clients pratiquant l'évasion fiscale, que ce soit des multinationales, des chefs d'État corrompus ou des barons de la drogue. À Nassau, une petite île des Bahamas, on retrouve 430 banques qui gèrent des dépôts de plus de mille milliards de dollars. Dans ce paradis fiscal, tous les capitaux se mêlent. Que font les gouvernements des pays démocratiques pour empêcher les évasions dans les paradis fiscaux? Absolument rien!

LES LOBBIES: Aux États-Unis et au Canada, les lobbies sont tellement puissants qu'ils empêchent les gouvernements de remplir leurs responsabilités en matière de protection de l'environnement et de la santé publique, exemples:

Le lobby du pétrole fait tout pour empêcher les gouvernements d'adopter des lois contraignantes, en vue de protéger l'environnement. Il en résulte une augmentation des émissions de gaz à effet de serre, pricipale cause du réchauffement de la planète. Malgré son adhésion au Protocole de Kyoto, le Canada a augmenté ses émissions de 24% depuis 1997, surtout à cause du pétrole extrait des sables bitumineux de l'Alberta.

Le lobby des produits pharmaceutiques est tellement puissant que les gouvernements n'osent pas légiférer afin d'exercer un véritable contrôle. Comme des milliards sont en jeu, les gouvernements n'interviennent que lorsque le mal est fait. En 2004, le Canadian Medical Association Journal, a révélé comment un géant de produits pharmaceutiques avait cherché à manipuler les résultats d'une recherche publiée, mettant ainsi en danger la vie d'enfants, plutôt que de risquer de perdre cinq milliards de dollars, soit le chiffre d'affaires lié à ce médicament. Le retrait d'un antalgique, le Vioxx, du marché américain, a provoqué une révélation de la part de grands scientifiques, travaillant pour la Food and Drug Administration: ce cas n'était pas un cas isolé. La FDA était devenue trop proche de l'industrie pharmaceutique qu'elle devait contrôlée.

Le lobby des produits chimiques, extrèmement puissant, fait en sorte que les profits des multinationales sont plus importants que la santé publique. Prenons le cas de l'aspartame, un véritable poison que l'on retrouve dans une foule de produits de consommation et qui affecte la santé de millions de gens. Que font les gouvernements? Ils s'en lavent les mains en s'en remettant à des organismes comme la Food and Drug Administration, malgré les preuves de plus en plus évidentes de la nocivité de ce produit.

CONCLUSIONS

Les inégalités entre les riches et les pauvres sont devenues la principale cause du terrorisme international dans le monde. Elles ne peuvent conduire qu'au désespoir et à la haine. Les revenus des plus riches ne cessent de s'accroître tandis que ceux des pauvres stagnent ou diminuent. Les actifs des 358 personnes les plus riches du monde dépassent les revenus annuels cumulés des pays habités par 45% de la population mondiale. Ça n'a aucun sens!

En 1999, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, est venu à Davos pour livrer ce message: 'L'Histoire nous enseigne qu'un tel décalage entre les domaines économique, social et politique ne peut jamais se maintenir très longtemps. Quel est ce déséquilibre? Ce sont des niveaux inacceptables de chômage, de conditions de travail frisant l'exploitation et les inégalités honteuses entre les riches et les pauvres'.

Avant de démissionner de la direction de la Banque Mondiale, en 2002, Joseph Stiglitz s'est adressé à l'Association économique américaine, pour attaquer les 'supposés' bienfaits de la mondialisation, en disant: 'La libération des marchés de capitaux, non seulement n'a pas apporté aux gens la prospérité promise, mais elle a apporté des crises: les salaires chutant de 20 à 30% et le chômage étant multiplié par deux, trois, quatre ou dix fois!'. Fait à souligner, Joseph Stiglitz a reçu le prix Nobel, non seulement pour l'ensemble de ses travaux, mais surtout en raison de son statut d'intellectuel dissident.

SOURCES:

Mort de la globalisation, John Saul, traduit de l'américain par Jean-Luc Fidel, février 2006, éd: Payot, 408 pages

Diverses lectures sur la situation économique dans le monde.

Texte envoyé par Jean-Claude St-Louis, St-Jérôme, Québec
site internet: http://portailalbert.info


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