Mise en garde

Commission Bouchard-Taylor : un bilan et la suite

La commission Bouchard-Taylor n'a pas sitôt plié bagage qu'elle nous informe d'une première impression dégagée des forums populaires organisés d'un bout à l'autre du Québec. Conclusion? Dans l'ensemble, mis à part quelques «débordements» qu'il ne faut pas minimiser, une tendance modérée se profile. Les limites méthodologiques de l'analyse qui précède cette conclusion sont toutefois telles qu'on ne peut se rassasier de si peu.
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Sous l'oeil attentif du sociologue Rachad Antonius, trois «juges» ont classé en cinq catégories (racistes, négatifs, modérés, pluralistes et autres) les propos exprimés lors des forums par les citoyens «d'origine canadienne-française». L'objectif était de calibrer la présence d'un discours raciste à l'endroit des communautés culturelles.
Cette mesure de la tolérance se heurte toutefois à d'imposantes limites -- d'ailleurs franchement exposées dans le document dévoilé mercredi --, qui réduisent sa valeur de manière importante. Si, à l'autre bout du spectre, des sondages chancelants ont dépeint un Québec à moitié raciste, il n'est pas mieux de s'appuyer sur des mesures aussi bancales pour soupirer d'aise devant une société où ne vivrait qu'un intolérant sur six. Et l'on s'interroge: pourquoi la commission a-t-elle lancé comme première mesure officielle un tel portrait impressionniste?
Des mises en garde sont contenues dans l'analyse elle-même: l'échantillon n'est pas représentatif de la société. Le système de classement choisi pour départager les envolées racistes des propos modérés est approximatif. Les pourcentages attribués aux cinq catégories varient d'un juge à l'autre.
Ajoutons d'autres avertissements: les commissaires n'ont-ils pas eux-mêmes, au fil des consultations, exprimé avec une fermeté de plus en plus affirmée leur propre intransigeance face aux propos intolérants, ce qui modifierait la donne? Pourquoi avoir choisi d'évaluer uniquement les propos des citoyens d'origine canadienne-française? Il eût été pertinent d'évaluer en parallèle la perception des nouveaux arrivants de la tolérance de la société d'accueil.
Qu'elle soit imparfaite ne signifie pas pour autant que cette étude est à jeter au panier. Les auteurs pointent avec raison le fait que ce sixième d'intolérants ainsi exposés est suffisant, même s'il ne s'agit que d'une tendance, pour appeler une réaction. Malgré son faible poids statistique (2 %), il est vrai que l'impact social de l'écho de propos xénophobes ou racistes est destructeur.
Nul besoin d'attendre des données objectives et fiables sur la mesure du racisme au Québec -- de l'aveu des chercheurs, une des appréciations les plus difficiles à obtenir, quelle que soit la société -- pour combattre la discrimination. Elle se manifeste, de manière affichée ou sournoise, et fait obstacle, par exemple, à l'entrée de certains immigrants sur le marché du travail et, par ricochet, à leur intégration.
Pendant qu'on rêve d'action, une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination dort sur les tablettes du gouvernement. Tenir une consultation publique sur un sujet aussi sensible que les accommodements de nature religieuse appelait un certain courage gouvernemental, qu'il faut saluer. Pourquoi ne pas poursuivre dans cette veine audacieuse et livrer maintenant bataille à la discrimination?


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