Médias - En attendant la prochaine campagne électorale

Sur plusieurs blogues de journalistes connus, le ras-le-bol des Québécois envers les deux partis traditionnels s'est fortement exprimé.

Québec 2007 - Résultats et conséquences

Le succès de l'ADQ a surpris tout le monde. Pouvait-on percevoir cette vague de fond sur Internet? Plusieurs observateurs du Web ont remarqué que les partisans de l'ADQ y étaient particulièrement actifs.

Sur plusieurs blogues de journalistes connus, le ras-le-bol des Québécois envers les deux partis traditionnels s'est fortement exprimé.
Sur le grand forum de discussion électoral qui avait été mis en place par Radio-Canada, le politicologue Richard Nadeau, de l'Université de Montréal, a remarqué que plusieurs citoyens exprimaient un intérêt marqué pour des sujets comme l'éducation, l'environnement, la famille et la fiscalité, et que leurs attentes n'étaient pas comblées par les grands partis. Ce sont souvent les positions de l'ADQ qui ont alimenté les discussions, ajoute-t-il.
Analysant les sites des partis, le blogueur Yves Williams soutient que l'ADQ a gagné la bataille d'Internet, parce que cette formation «a pu mobiliser ses sympathisants à prendre la parole directement avec leurs propres blogues», alors que le PQ et le PLQ utilisaient leurs blogues officiels «comme zones d'information et d'interprétation de l'actualité, pour s'adresser à leurs membres».
Il est difficile de soutenir qu'Internet a joué un rôle prépondérant dans la campagne électorale. Mais Internet a sûrement joué un rôle, qui ira en grandissant dans les prochaines années. La table est mise pour la prochaine élection.
La firme Influence Communications a calculé la semaine dernière que la campagne électorale avait produit plus de 9000 articles dans les quotidiens, et 2207 heures de diffusion audio et vidéo. Mais elle ajoute que les 128 principaux sites québécois d'information ont publié 4234 articles, sans parler de tout ce qui s'est écrit sur les blogues.
Internet devient donc une source d'information importante, et on note que les grands médias traditionnels ont accordé une bonne place à la couverture d'Internet en soi, scrutant les grandes tendances comme les anecdotes futiles, demandant à des journalistes de s'y consacrer entièrement pendant un mois. L'analyse d'Internet deviendra une nouvelle spécialité lors des prochaines campagnes!
On remarque aussi que le Directeur général des élections (DGE) a pris deux décisions importantes. D'abord, il n'a pas réglementé en soi les blogues, les considérant comme l'équivalent des lettres aux lecteurs, ce qui est apparu assez évident.
Par contre, la décision du DGE de considérer des vidéos produites par des groupes de citoyens comme étant une dépense électorale ne tiendra probablement pas longtemps. On voit mal comment, à l'avenir, on pourra empêcher n'importe quel citoyen de produire sa propre vidéo chez soi pour critiquer le gouvernement ou soulever des enjeux sociaux, et l'envoyer sur YouTube ou ailleurs. D'autant plus que la production d'une telle vidéo est maintenant à la portée d'un adolescent (sinon d'un enfant!), et qu'il n'en coûte à peu près rien.
La campagne a également permis de «découvrir» les propos bizarres ou le passé incertain de certains candidats sur leur propre site Internet. Mais, dans ce cas-ci, je ne suis pas convaincu qu'Internet a joué un rôle vraiment important. À l'époque pré-Internet, on pouvait aussi découvrir des incongruités dans les curriculum vitæ plus ou moins cachés des candidats. En ce sens, la campagne électorale n'a pas été marquée par une révélation majeure provenant d'Internet.
Plusieurs blogueurs ont commencé à réfléchir aux enjeux politiques, mais on n'a pas vraiment vu ici de grands sites politiques indépendants ayant le même niveau de réflexion que certains blogueurs américains. En tout cas, s'ils existent, ils n'ont pas fait l'actualité.
Se sont toutefois développés des outils de mesure politique en ligne, comme DemocraticSpace, ce blogue d'un Ontarien de 31 ans qui étudie actuellement en urbanisme à UCLA en Californie, et qui livrait, grâce à un modèle mathématique, des projections du résultat électoral. Une entreprise comme Swammer proposait également ses prédictions, en procédant plutôt à une analyse des tendances. On peut prévoir sans problème que ce type d'outil de mesure se multipliera dans les prochaines campagnes électorales.
L'utilisation d'Internet la plus frappante demeure sûrement les milliers, sinon les dizaines de milliers de commentaires envoyés par les citoyens sur les blogues et les forums de discussion. Et l'espace électoral de Radio-Canada a été particulièrement riche, alors que les citoyens pouvaient longuement s'exprimer, y compris par vidéo. Richard Nadeau y voit un apport très positif au débat public. Contrairement aux sondages traditionnels, expliquait-il la semaine dernière sur le site Web de Radio-Canada, ces témoignages permettaient de comprendre en profondeur les motivations des électeurs, et permettaient de suivre leur raisonnement. Ce «Forum en ligne citoyen» encourageait la participation des électeurs, particulièrement les jeunes, qui se sentaient interpellés, mieux engagés dans le processus électoral, qui sentaient le besoin de mieux débattre et de mieux expliquer leur choix électoral personnel.
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pcauchon@ledevoir.com


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