C'est maintenant officiel: McGill offre un MBA privatisé alors qu'elle est université publique. Après des mois de valse-hésitation, de discours officieux et officiels, l'opération est — voilà le comble! — réalisée sous les yeux conciliants du ministère de l'Éducation, qui a remisé la hache de guerre. L'indignation ministérielle n'était-elle que mascarade?
La punition de deux millions de dollars imposée par Québec à l'Université McGill pour avoir privatisé un MBA sans la bénédiction gouvernementale a finalement eu l'effet d'une chatouille, d'un charmant guili-guili. Officiellement, l'autorité ministérielle a fait les gros yeux pendant qu'elle tapotait gentiment l'université insoumise. Deux millions d'amende tombée au printemps pour sanctionner un MBA de 30 000 $, inventé en violation des règles budgétaires officielles, ont été quasi sans effet. Jusqu'à preuve du contraire, le nouveau MBA de McGill n'a pas subi de métamorphose. Des changements cosmétiques pour obtenir l'aval ministériel? On n'en sait trop rien.
Ministère et université affirment qu'une nouvelle maîtrise en administration des affaires avec vocation internationale a été concoctée en réponse aux réprimandes gouvernementales. McGill, on s'en souviendra, avait joué l'irrévérencieuse et bafoué les règles ministérielles pour offrir un MBA de prestige, en accord parfait avec la réputation des grandes du monde universitaire.
L'université a tenu bon. Mais pour avoir aussi tenu tête, elle a subi les remontrances publiques des ministres de l'Éducation, puis cette amende destinée à l'ébranler dans son entêtement. Québec soutient que cette sanction (une première dans les annales) a produit son effet; le changement de programme est présenté par le cabinet de la ministre de l'Éducation Line Beauchamp comme l'effet d'une punition efficace. Seul problème: il faut faire acte de foi pour le croire. Vendredi dernier, ni McGill ni le ministère de l'Éducation n'étaient en mesure de préciser la nature exacte des changements qui ont pourtant donné lieu à l'approbation de la ministre.
Comme seul bien mince appât, on se contente de dire que les étudiants du profil actuel ne pourraient pas être admis sur la base du nouveau programme, à forte touche internationale. Le nouveau MBA comprendra un voyage à l'étranger et l'embauche d'une majorité de professeurs provenant d'ailleurs sur le globe que du Canada; mais dans le dépliant vantant les mérites du premier programme, on parle aussi d'une partie des études à l'étranger et même du personnel enseignant provenant aux deux tiers de l'international! Où est donc la nouveauté?
Avec cette attitude méfiante et incrédule, on nous reprochera bien sûr de jouer les rabat-joie, de chercher noise, de s'embourber dans la logique du «tout le monde pareil», de faire valoir les grands principes en omettant les lois du marché et la concurrence qui se joue dans la formation des esprits. Oui, il y a dans cette obstination qui est nôtre une manière de croire encore aux grands principes qui ont soutenu la création d'un réseau d'éducation québécois, l'accessibilité et l'égalité des chances en ayant été les phares. Depuis les débuts de cette affaire, McGill aura eu le mérite d'avoir été conséquente. Québec, lui, se réfugie derrière une pénalité de deux millions pour faire la preuve de son autorité; mais, en réalité, il vient peut-être d'autoriser un inquiétant précédent. À suivre.
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