Marine et aviation royales

Rétrograde Harper

Canada-sans-le-Québec


La monarchie, dépassée? Certainement pas au royaume de Stephen Harper! Dans l'ère moderne, les régimes politiques évoluent en pointant le regard droit devant; il semblerait que le Canada d'aujourd'hui préfère la marche vers l'arrière. Combinant l'un de ses dadas à un autre, il vient de redonner à deux branches de l'armée l'étiquette royale dont elles avaient été dépouillées.

Voilà donc le dernier signe de la dévotion béate vouée par le gouvernement Harper à la monarchie: après avoir été pendant une quarantaine d'années victimes d'une «erreur historique» — les mots du ministre de la Défense Peter MacKay —, la marine et le corps d'aviation de l'armée canadienne retrouvent leur sceau royal. Cette opération «priceless!», qui détricote celle qu'avait menée en 1968 par un autre ministre de la Défense dans un vent d'anticolonialisme, satisfera les vétérans qui ont connu la marine royale canadienne, vieille de cent ans. Hormis chez ceux-là, le tout risque de provoquer une indifférence... royale.
Gardons-nous d'en faire une banale anecdote. Cette pirouette sémantique accolée à notre Royal Navy allonge la liste de toutes les décisions et actions du gouvernement qui illustrent son penchant pour les symboles et la tradition. Non content de multiplier les parades militaires, le gouvernement se drape des lourdes étoffes de la monarchie: il y eut bien sûr le déploiement grandiose pour le duc de Cambridge, sa duchesse et ses robes. C'était attendu. Mais il y avait eu auparavant cette curieuse redécoration de la réception du ministère des Affaires étrangères, où l'on balaya deux tableaux d'Alfred Pellan pour le remplacer par le minois de la reine Elizabeth II.
Des choix qui traduisent une gouvernance rétrograde, en plus d'un ordre des priorités douteux — particulièrement en cette période de fragilité économique. Mais ils relèvent néanmoins d'une parfaite logique, si inquiétante soit-elle. La constance conservatrice y est parfaitement inscrite: cette monarchie, toujours installée sur le principe d'un pouvoir hérité de Dieu, s'arrime à la partie un de la Constitution canadienne qui reconnaît la suprématie de Dieu.
En outre, Stephen Harper ne gouverne-t-il pas une démocratie à la manière d'un monarque? Désintéressé des critiques et sourd aux récriminations des citoyens, il prête oreille à une cour triée sur le volet, dont les groupes religieux ne sont absolument pas exempts. La monarchie fut précisément érigée sur un mépris de la population qu'on décode fortement dans cette toute-puissance harperienne, lequel ne répondra aux voeux de ses sujets que lorsque cela s'inscrit dans son plan d'action ou satisfait des fins électoralistes.
Donnant au Canada des allures passéistes, alors que tous les pays d'Amérique se sont débarrassés autant qu'ils l'ont pu de tout reliquat monarchique, ce retour en arrière écorche les principes de la démocratie, une pratique dont les conservateurs deviennent lentement mais sûrement les maîtres. Non, ces révérences à la Couronne n'augurent rien de bon.


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