Lisa-Marie Gervais - Parce que l'Université McGill enfreint les règles budgétaires en offrant un MBA à 30 000 $, Québec a finalement décidé de sévir en amputant sa subvention de deux millions de dollars. La ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, dit avoir ainsi puni l'Université parce que cette dernière contrevient non seulement aux règles budgétaires en vigueur, mais également au principe d'accessibilité aux études. «La décision a été prise sur la base du principe que nous voulons protéger l'accessibilité des études au Québec. Nous avons fait le calcul à partir du nombre d'étudiants, déterminé en fonction des chiffres des dernières années, qui n'ont pas pu s'inscrire parce que le MBA était à 30 000 $», a expliqué la ministre.
Plus précisément, McGill verra sa subvention amputée de 2 011 719 $ pour l'année 2010-2011. Sans fournir les détails de son calcul, le ministère a évalué que ce montant aurait été celui que l'Université se serait vu accorder pour un an pour former 200 étudiants qui auraient pu s'inscrire dans le programme ordinaire si les droits de scolarité permis (environ 1700 $) avaient été maintenus. La pénalité comprend aussi le montant de la subvention gouvernementale par personne pour les 57 étudiants inscrits au MBA depuis l'automne dernier.
Cet ajustement à la baisse sera appliqué jusqu'à ce que la situation soit régularisée, mais à condition que cette réduction de la subvention n'ait pas d'effet sur la qualité des services offerts aux étudiants, a fait savoir la ministre Beauchamp. Si Québec retire 2 millions à l'Université McGill et que celle-ci engrange près de 1,7 million (en exigeant environ 30 000 $ de ses 57 étudiants inscrits), est-ce à dire que le budget de l'Université est dans le rouge de 300 000 $? Suffirait-il à McGill de hausser ses droits de scolarité pour combler ce déficit? L'Université McGill n'a pas voulu faire connaître ses intentions hier et a indiqué qu'elle réagirait aujourd'hui à cette décision. Sur le site Internet de McGill, le MBA pour l'année 2011-2012 est déjà annoncé à 32 500 $.
Quant à la ministre, elle avait déjà expliqué, en entrevue au Devoir, que McGill avait la possibilité de fixer à sa guise le montant des droits de scolarité de son MBA, pourvu que celui-ci devienne un vrai programme spécialisé «qui se différencie nettement de ce que doit être un MBA régulier». «[L'Université] aurait alors la capacité d'imposer des droits de scolarité, car elle aurait une clientèle spécifique, dans une cohorte spécifique», avait expliqué Mme Beauchamp, en citant l'exemple du E-MBA (executive MBA), que McGill offre conjointement avec HEC Montréal.
«Il était temps»
Selon le président de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), Louis-Philippe Savoie, la pénalité s'est trop fait attendre. «Il était temps. Ça fait un an et demi que l'annonce a été faite, a-t-il souligné. Cela dit, il va falloir voir si la pénalité imposée va faire reculer McGill. Actuellement, ça ne semble pas être le cas.»
M. Savoie demeure très sceptique à l'égard des intentions du gouvernement du Québec.
«Si l'Université ne rentre pas dans le rang et n'agit pas comme toutes les universités québécoises, le gouvernement du Québec doit être conséquent et appliquer une pénalité supplémentaire à McGill, a-t-il soutenu. Ce que le gouvernement veut faire, ce n'est pas faire reculer McGill, mais faire une opération de relations publiques. La meilleure preuve, c'est que le programme est maintenant déréglementé.»
À l'heure actuelle, le MBA de McGill est effectivement reconnu comme étant «autofinancé» par l'Aide financière aux études (AFE). C'est d'ailleurs en vertu de ce prétexte que le président de l'Association des étudiants au MBA de McGill, Pat Tenneriello, s'est finalement vu refuser le droit d'avoir des bourses. L'AFE lui a plutôt donné accès à des prêts, mais d'une valeur moindre que celle promise au départ. Une vingtaine d'étudiants du programme se sont trouvés dans la même situation.
Aux yeux du gouvernement, le programme est considéré comme étant «en faute». Les étudiants devaient aussi le savoir. «Il est impossible pour le gouvernement de reconnaître comme régulier un programme où l'on paie 30 000 $ en droits de scolarité. [...] Lorsqu'un étudiant s'inscrit, très clairement, il sait qu'il s'inscrit à un programme à 30 000 $», a conclu la ministre Beauchamp.
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