Mauvaise piste

Élections fédérales du 14 octobre 2008


En se montrant déterminé à punir plus sévèrement les jeunes contrevenants, Stephen Harper ne vise pas à réduire la criminalité au Canada. Mais, tout simplement, à séduire facilement un électorat qui croit faussement que des peines plus lourdes dissuadent de poser un acte criminel.
Si la sévérité des peines garantissait la réduction de la criminalité, nous constaterions un taux de criminalité très bas dans les pays qui vont jusqu'à condamner à mort les auteurs de délits graves et violents. Or, ce n'est pas le cas. Notre voisin, les États-Unis, en est la plus belle illustration.
La plupart des experts en criminologie ne voient pas non plus de lien positif direct entre répression plus sévère et diminution de la criminalité. Sur quoi donc s'appuie la révision de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, proposée par les conservateurs? Probablement sur l'idée que la peur et la sécurité passent bien chez les vieux électeurs, et que les jeunes ne votent pas...
On ne peut reprocher à un parti politique de vouloir mieux protéger la population. Il faut cependant qu'il dresse un portrait juste de la situation, qu'il prenne les bons moyens pour s'y attaquer au lieu d'offrir une sécurité de façade.
Il est facile d'utiliser des chiffres pour effrayer. Ainsi, la criminalité chez les jeunes a augmenté de 3 % au pays en 2006, sauf au Québec, où une baisse de 4 % a été enregistrée. Si on remonte plus loin dans le temps, le tableau est encore plus sombre. Chez les 12-17 ans, le taux de crimes violents a augmenté de 30 % depuis 1991, alors qu'il est plutôt en baisse de 4 % pour l'ensemble de la population. Par contre, le taux de crimes contre les biens chez les jeunes est de 25 % inférieur à ce qu'il était en 1991.
Les pourcentages sont impressionnants. Lorsqu'il révèle ses données, Statistique Canada précise toutefois que le nombre de jeunes qui commettent un homicide est relativement faible. Par exemple, en 2006, ce sont 84 jeunes qui ont été impliqués dans 54 homicides au pays.
Majoritaire ou minoritaire, Stephen Harper se dit déterminé à modifier le système de justice pénale pour que les jeunes contrevenants soient plus sévèrement punis, et ce, malgré une décision de la Cour suprême stipulant que les mineurs doivent être traités différemment des adultes.
Le Parti conservateur est convaincu qu'envoyer des jeunes derrière les barreaux en dissuadera d'autres de tuer, de violer, de battre, de voler. Il veut aussi «responsabiliser» les auteurs de crimes.
Emprisonner à vie un adolescent n'est sûrement pas la meilleure façon de le responsabiliser. On risque au contraire de le faire vivre aux crochets de la société plutôt que d'en faire un citoyen autonome et responsable. Divulguer le nom d'un adolescent criminel est aussi une façon de l'étiqueter à vie et de l'empêcher de fonctionner normalement en société. Résultat : un risque de récidive accru.
Au lieu de miser uniquement sur la répression, les gouvernements, qu'importe le parti au pouvoir, doivent s'attaquer aux causes qui poussent un jeune vers la criminalité. La pauvreté, la toxicomanie, les maladies mentales, les dysfonctionnements familiaux et l'exclusion sociale sont à l'origine de plusieurs actes violents. Bien sûr, l'environnement et le passé du criminel n'excusent pas la délinquance. Ils l'expliquent néanmoins.
M. Harper n'a pas encore précisé comment son gouvernement pourrait intervenir pour que moins d'adolescents tombent dans le piège de la délinquance. Consacrer 10 millions $ à un Fonds d'aide aux communautés et à la réinsertion de jeunes criminels, comme il l'a annoncé lundi, n'est pas une très grande contribution pour le pays. Cela illustre bien que les conservateurs croient davantage à la répression qu'à la prévention.


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