Après avoir traité les unilingues de paresseux lors de son séjour en Alberta, on aurait pu croire que, dès son retour au Québec, Justin Trudeau se serait informé et amendé. Que non! Le candidat libéral dans Papineau persiste et signe en répondant «qu'une société qui ne promout [sic] pas le bilinguisme fait preuve d'un petit peu de paresse». Alors que Justin Trudeau fait campagne au Québec, ce dernier a le devoir de clarifier sa pensée. De quelle société parle-t-il? Du Québec ou du Canada? Dites-nous, M. Trudeau, que vous manque-t-il pour que le Québec échappe à vos accusations méprisantes d'être une société «aux habitudes de facilité et de paresse»?
Le Québec est le territoire en Amérique du Nord qui compte la plus grande proportion de locuteurs bilingues (quatre fois plus que le Canada) et de locuteurs trilingues (sept fois plus que le Canada). C'est le seul territoire en Amérique du Nord qui compte des réseaux archicomplets d'institutions scolaires et d'éducation supérieure (de la prématernelle au post-doctoral universitaire) en français et en anglais.
Ces mêmes réseaux disposent depuis des lustres de programmes d'apprentissage d'une deuxième et d'une troisième langue. S'ajoute à cela l'original programme d'initiation aux langues d'origine (PILO) de la Commission scolaire de Montréal (CSDM) destiné aux fils et aux filles de l'immigration qui veulent renouer avec leur héritage.
En réalité, votre difficulté ne serait-elle pas ailleurs? Au chapitre du bilinguisme et du trilinguisme des individus, le Québec est le champion toutes catégories. Ce qui vous chagrine ne serait-il pas que le Québec a fait le choix il y a plus de 30 ans, comme la France, l'Italie, l'Allemagne et bien d'autres pays, de rejeter le bilinguisme officiel pour afficher clairement son caractère francophone, lui qui ne constitue que 2 % de la population nord-américaine? Cette décision s'est d'ailleurs avérée efficace en regard de la protection et de la promotion de la langue française puisque c'est seulement au Québec que la spirale de l'assimilation a été cassée.
Partout ailleurs au Canada, elle s'est accélérée. Mais, ce qui vous monte au nez ne serait-il pas de constater que le Québec a réussi à le faire seul contre tous et à le maintenir en dépit des coups fourrés de votre père (notamment la Constitution de 1982 que le Québec n'a jamais signée) et sa politique du multiculturalisme qui brouille radicalement les difficiles chemins de l'intégration des nouveaux arrivants? Le combat pour le français doit donc se poursuivre.
Et là-dessus, nous aimerions vous entendre. Êtes-vous d'accord, comme le Bloc québécois le propose, pour qu'au Québec la Charte de la langue française s'applique à tous les lieux de travail, y compris à ceux qui sont sous de compétence fédérale? Oui ou non? Êtes-vous d'accord pour que la loi sur le multiculturalisme du Canada, compte tenu de ses effets corrosifs, ne s'applique pas au Québec? Oui ou non? Êtes-vous d'accord pour que les interventions en culture et en éducation relèvent strictement du Québec comme le premier ministre du Québec le demande et comme la constitution de votre pays le prévoit? Oui ou non?
Et outre vos bons sentiments, que proposez-vous pour la protection linguistique et culturelle des Canadiens français répartis sur votre territoire? Soyez honnête en reconnaissant que le Québec réussit mieux que tous en matière de bilinguisme et de trilinguisme des individus. Soyez sérieux en matière de propositions linguistiques et culturelles si vous voulez être crédible dans la protection du français au Canada. Mais avant, cessez de dire des sottises.
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Elsie Lefèvre, Députée de Laurier-Dorion (PQ) de 2004 à 2007
Gérald Larose, Président du Conseil de la souveraineté du Québec
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