Pauline Marois a donné un point de presse en marge de la Conférence de Montréal, mercredi. Photo: Alain Roberge, La Presse
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Louise Leduc et Tommy Chouinard - Se disant très heureuse de l'appui de Jacques Parizeau à son projet de rapatriement de pouvoirs à la pièce, la chef du Parti québécois, Pauline Marois, se défend cependant de vouloir susciter des crises à dessein pour faire avancer la souveraineté.
D'autres péquistes ont choisi quant à eux de prendre clairement leurs distances des propos tenus par l'ancien premier ministre. Samedi, M. Parizeau a déclaré qu'un référendum sectoriel serait utile aux souverainistes en provoquant une crise politique qui mènerait à l'indépendance du Québec.
Pour les libéraux, «le chat sort du sac». M. Parizeau «a dit tout haut ce que Mme Marois n'osait pas dire», c'est-à-dire «qu'elle veut une crise au Québec pour pouvoir faire avancer sa cause de la souveraineté», a lancé le premier ministre Jean Charest, qui accuse son adversaire de vouloir «faire du mal au Québec».
«Est-ce qu'on peut avoir plus tordu que de souhaiter du tort aux citoyens du Québec pour faire avancer la cause de la souveraineté? C'est exactement ce que propose la chef du PQ aujourd'hui», a-t-il ajouté lors de la période des questions.
Pauline Marois était absente du parlement. Elle a réagi plus tard en marge de la Conférence de Montréal. «Nous ne souhaitons pas des crises. S'il y avait des crises, ce serait plutôt Ottawa qui les provoquerait», a-t-elle dit.
Loin de désavouer Jacques Parizeau comme l'y invitait Jean Charest, Mme Marois s'est dite «très heureuse» de son appui au plan sur la souveraineté qu'elle a présenté dimanche dernier. Elle a renvoyé la balle au premier ministre.
«Actuellement, ce sont les propos de M. Charest qui m'inquiètent, lui qui n'a rien demandé à Ottawa. Il a écrit une lettre pendant la campagne électorale et depuis, c'est le silence complet.»
Mme Marois a évoqué l'échec de l'accord du lac Meech, en 1987. «S'il y en a qui s'y connaissent en crise, c'est bien M. Charest (qui était alors ministre conservateur au fédéral). Il y a 20 ans, à l'occasion de l'accord du lac Meech, il a présenté un rapport qui allait contre le lac Meech et qu'il a fait déraper avec les résultats que l'on connaît.»
Tendant la main à Jean Charest, Mme Marois a souhaité que sa formation puisse éventuellement former, avec les libéraux, des coalitions pour faire avancer des revendications du Québec, en matière de langue par exemple.
Le Plan pour un Québec souverain, présenté dimanche par Mme Marois, prévoit le rapatriement de certaines compétences, notamment en matière de culture. En cas de refus de la part d'Ottawa, un gouvernement péquiste pourrait tenir un référendum sectoriel sur le sujet.
Samedi, au colloque des Intellectuels pour la souveraineté, Jacques Parizeau a indiqué que «les référendums sectoriels, dans certaines circonstances, ça peut être très utile». Il a souligné qu'un de ses «anciens assistants» lui a déjà dit que «pour faire la souveraineté, il faut une crise».
«C'est bien embêtant, a-t-il ajouté. Il y a des crises qui apparaissent de temps à autre, mais ce n'est pas toujours au bon moment pour nous. En fait, il faudrait qu'on suscite une crise. C'est évident qu'un référendum sur un sujet défini peut créer une crise.» M. Parizeau appuie le plan de Pauline Marois dont il connaissait le contenu avant que la chef ne le rende public.
«Il interprète mal les objectifs du plan de Mme Marois», a affirmé à La Presse la présidente du comité national des jeunes du PQ, Isabelle Fontaine. «Je ne pense pas qu'il faut une crise pour faire la souveraineté.»
«Une crise, ça fait augmenter l'appui à la souveraineté de façon conjoncturelle. Mais ce qu'il faut, c'est que l'appui augmente de façon structurelle», ce que permet le rapatriement de pouvoirs, a-t-elle ajouté. «Augmenter l'espace politique du Québec, ça va faire augmenter le lien entre les Québécois et l'État du Québec, le sentiment d'appartenance, la confiance qu'on peut se prendre en main. On gagne plus à obtenir davantage de pouvoirs qu'à créer une crise politique.»
Isabelle Fontaine a soutenu du bout des lèvres qu'»une crise politique peut être une conséquence des référendums sectoriels, car on ne sait pas comment Ottawa va réagir. Mais ce n'est pas ça l'objectif du plan».
Les propos de Jacques Parizeau ont provoqué un malaise au sein de la députation péquiste. Sa déclaration sur la nécessité d'une crise, «je ne trouve pas ça bon. Moi je dis que c'est une possibilité d'avoir des référendums sectoriels. Il faut vivre avec ce que cela veut dire», a soutenu François Rebello.
«Ce que M. Parizeau et tout le monde souhaitent, c'est que le Québec avance. C'est ce que je comprends de ses propos», a déclaré le leader parlementaire, Stéphane Bédard. Bien des députés ont fui les micros des journalistes.
Jean-François Lisée, qui fut conseiller de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, estime que le plan de Mme Marois «n'est pas conçu pour provoquer une crise». Et si un éventuel gouvernement péquiste posait «un geste qui serait vu par les Québécois comme une façon de provoquer une crise, ça ne marcherait pas».
M. Lisée croit cependant qu'un refus d'Ottawa sur une revendication importante et largement partagée par les Québécois pourrait, selon le contexte, provoquer une crise et augmenter la «volonté de souveraineté». Mais il est difficile de prévoir une telle éventualité des années à l'avance, a-t-il dit. Il a souligné que les grands changements dans une société surviennent souvent dans un contexte de crise. L'ancien premier ministre Bernard Landry a refusé de commenter.
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