Les éléphants

IPSO - colloque du 6 juin 2009 -

En raison des sempiternelles querelles intestines qui les ont caractérisés l'un et l'autre depuis leur fondation, on a souvent établi un parallèle entre le PQ et le Parti socialiste français.
Ils ont également en commun d'être des parcs à «éléphants», comme les Français appellent les cadres historiques du PS. À l'instar des pachydermes qui déambulent dans la savane africaine, les éléphants politiques ont une longévité exceptionnelle et la même délicatesse légendaire avec la porcelaine.
Jeudi, Bernard Landry a dit trouver offensante et sexiste l'utilisation du terme «belles-mères» pour désigner les anciens dirigeants du PQ qui enquiquinent leurs successeurs. Ayant lui-même entretenu d'étroites relations avec les socialistes français, M. Landry appréciera sûrement qu'on lui substitue celui d'«éléphants».
Les médias français ont rapporté cette semaine que, à la suite de la déconfiture de son parti aux élections européennes, la nouvelle secrétaire générale du PS, Martine Aubry, qui croyait être enfin débarrassée du troupeau, a dû se résigner à lui lancer un S.O.S. Pauline Marois n'a pas eu besoin d'appeler qui que ce soit. Les éléphants du PQ se sont invités tout seuls.
Après que Jacques Parizeau a ouvert la marche en déclarant qu'un gouvernement péquiste devrait provoquer une crise politique pour ranimer la flamme souverainiste, M. Landry et son vieil ami Yves Michaud se sont empressés d'ajouter leur grain de sel.
Selon M. Landry, la sortie de M. Parizeau «va amener les gens à réfléchir». Cela ne fait aucun doute, mais la conclusion que la population en tirera risque d'être très différente de celle qu'il souhaite. À plus forte raison s'il s'agit de multiplier les crises jusqu'à la victoire finale, comme l'a proposé M. Michaud. La chose ayant été présentée de cette façon, Jean Charest a beau jeu de crier aux pyromanes.
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La comparaison que M. Landry a faite avec la «Saison des idées» est intéressante. Il semble avoir oublié que, entre 2003 et 2005, le «brassage» qu'il appelle de ses voeux lui avait fait perdre le contrôle de son parti.
Après avoir renoncé à recentrer le PQ sur le modèle du Parti travailliste de Tony Blair, il avait été entraîné dans une fuite en avant qui l'avait forcé à approuver un échéancier référendaire totalement déconnecté de l'opinion publique.
Sur le plancher du congrès, Mme Marois avait elle-même mené la lutte contre les adeptes de la thèse dite des «gestes de rupture», inspirée par Robert Laplante, le directeur de l'Action nationale. Elle sait très bien que la route est encore très longue d'ici le congrès de 2011.
Dans l'entourage de la chef péquiste, on se méfie au plus haut point de M. Landry, dont on connaît les sentiments peu amicaux. S'il a applaudi aux propos de M. Parizeau, il a remis à plus tard son jugement sur le nouveau «plan pour la souveraineté». Avec un peu de mauvaise volonté, il est très possible de l'interpréter comme une démarche autonomiste inacceptable.
On ne prête cependant aucune intention malveillante à M. Parizeau, qui a toujours eu un faible pour celle qui a déjà été son attachée de presse, à l'époque où il était ministre des Finances. Sa sortie de samedi dernier est plutôt attribuée à son besoin congénital de faire de la stratégie en public.
D'ailleurs, expliquer sans détour que la tenue d'un référendum sectoriel vise à provoquer une crise politique susceptible de favoriser le projet souverainiste aurait pu être très utile pour rassurer les «purs et durs», comme Patrick Bourgeois, le directeur du journal Le Québécois, qui ne voit qu'un «stérile collaborationnisme» dans la démarche de Mme Marois. Même s'il a jadis approuvé la thèse des «gestes de rupture», M. Parizeau comprend certainement très bien que les méthodes des républicains nord-irlandais ne sont pas importables.
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Encore aurait-il fallu qu'il fasse les choses discrètement. Pour un militant dont la souveraineté est la priorité absolue, il est évident que toute nouvelle chicane avec Ottawa est une excellente nouvelle, mais Mme Marois doit aussi tenir compte de l'opinion publique. Si le PQ veut provoquer des crises, il lui faut d'abord prendre le pouvoir. Cela ne devrait pas être si difficile à comprendre.
Personne n'a forcé M. Parizeau à partir en 1995. Après le référendum, il restait encore trois bonnes années à son mandat. Il est vrai que sa déclaration sur l'argent et des votes ethniques aurait créé un climat difficile, mais il avait déjà indiqué, dans sa célèbre entrevue accordée à Stéphan Bureau, qu'il n'était plus intéressé à gouverner une province. M. Landry aussi a décidé librement de démissionner en juin 2005, même s'il l'a amèrement regretté par la suite.
Quand André Boisclair a jeté l'éponge, au printemps 2007, Mme Marois a été la seule à se porter volontaire, si on exclut la candidature avortée de Gilles Duceppe. À partir du moment où elle assure que la souveraineté demeure l'objectif, elle a droit à une chance honnête de démontrer ce qu'elle peut faire.
M. Landry a raison: personne n'empêche Bill Clinton ou Tony Blair d'exprimer leur opinion. Ils prennent cependant bien garde de mettre des bâtons dans les roues de leurs successeurs.
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mdavid@ledevoir.com


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