Marois mystifiée

Chronique de Patrice Boileau

La nouvelle chef du Parti québécois, Pauline Marois, aura donc succombé au piège tendu par les puissants médias fédéralistes québécois. Elle a effectivement fait sienne leur analyse biaisée du résultat électoral du 26 mars dernier. La leader péquiste pense donc aussi que le refus des Québécois de vivre un référendum « le plus tôt possible dans le mandat » signifie qu’ils s’opposent simultanément au projet de pays.
Entendre la nouvelle dirigeante du PQ déclarer qu’il pourrait ne pas y avoir d’occasions pour les Québécois de se prononcer sur leur avenir politique dans les trois prochains mandats, a provoqué immédiatement les résultats qu’espéraient ses adversaires : les appuis à l’option souverainiste sont momentanément fragilisés.
En prenant la barre du navire péquiste, madame Marois devait plutôt reconnaître que les résultats émanant de la « saison des idées » ont été dénaturés de manière à donner naissance à la malheureuse feuille de route qui a coulé son parti à la dernière élection. L’attentisme avait alors été dénoncé, durant cette « période de réflexion ». Plusieurs attribuaient à cette « stratégie » la responsabilité de l’abstention de milliers d’indépendantistes au scrutin d’avril 2003. (Ils ont été presque aussi nombreux à bouder les urnes en 2007!) Il apparaissait donc important de remettre en marche les troupes souverainistes en rendant l’objectif visible. Il n’était pas question cependant de promettre aux Québécois de tenir un « référendum le plus tôt possible dans le prochain mandat » pour les faire bouger. C’est que la « saison des idées » aura également permis de prouver hors de tous doutes que le gouvernement canadien a volé le résultat positif du référendum de 1995. La loi C-20 que l’État fédéral a adoptée par la suite a davantage convaincu que cette démarche ne pouvait plus être reconduite. Sagement, les Québécois eux-même l’ont exprimé au travers de nombreux sondages : ils ne veulent pas de référendum mais sont favorables au projet de pays s’il n’y a pas de risque qu’un échec entraîne des contrecoups, comme le déséquilibre fiscal l’a fait après 1995.
Reste donc la voie élective comme mécanisme démocratique pour doter le Québec d’un statut national. Ce mode d’accession s’est rapidement révélé le plus efficace en réponse aux obstacles et aux pièges tendus par Ottawa. Ainsi, chaque appel aux urnes offrirait aux Québécois la possibilité d’opter pour autre chose que le quémandage et d’assister, impuissants, aux réunions stériles du Conseil de la fédération. De plus, la loi C-20 deviendrait obsolète puisqu’il ne serait plus question d’organiser une consultation populaire. Enfin, et surtout, le spectre d’une ultime joute référendaire sans lendemain contre un adversaire déterminé à tricher s’estomperait. Voilà ce à quoi plusieurs souverainistes ont conclu, lors des travaux de 2004, travaux devant orienter le congrès national péquiste de juin 2005.
J’ai personnellement débattu à ce sujet avec madame Marois, lors du congrès régional de la Montérégie à Saint-Jean-sur-Richelieu, en avril 2005. Les échanges furent polis certes. Mais le dogme référendaire dans lequel le Parti québécois s’est enfermé et que les médias fédéralistes ont cadenassé, l’a convaincue de ne pas retirer ses oeillères. Madame Marois peut néanmoins se consoler : elle n’a pas été la seule membre de l’aile parlementaire à avoir agi de la sorte. Ce qui a mené au résultat biscornu du congrès national de Québec deux mois plus tard, et à la démission d’un Bernard Landry qui se doutait que cela aboutirait à ce que l’on voit aujourd’hui…
Pauline Marois a tout de même le mérite de la transparence. Elle a clairement établi les grandes orientations de son parti pour les prochaines années. Le PQ, sous sa direction, reprendra son travail de « pédagogie » et tiendra éventuellement un référendum. Les mois qui suivront permettront de voir de quelle manière les souverainistes accueillent la stratégie de la leader péquiste.
Personnellement, la formule adoptée par la dirigeante du Parti québécois n’a rien de révolutionnaire. Elle semble même rappeler celle qui était en vigueur avant la perte du pouvoir en avril 2003. N’était-il pas mieux de préférer l’audace et l’offensive à ce qui ressemble visiblement à un recul? Chercher à obtenir une majorité absolue des suffrages exprimés par voie élective aurait rendu les prochains rendez-vous électoraux significatifs. Amorcer maintenant des pourparlers avec d’autres partis en vue d’instituer un pacte pour additionner les votes, donnerait une saveur différente au projet de pays : ce ne serait plus uniquement celui des péquistes. De plus, il est possible de poser certains gestes de souveraineté en attendant de se libérer d’un titre de minorité si malsain pour la pérennité de la nation québécoise.
L’avenir paraît plutôt sombre pour le Parti québécois car il refuse de s’ajuster à la nouvelle donne politique établie depuis 1995. En refusant de crever l’abcès lors de la « saison des idées », celui-ci a enflé et menace maintenant d’éclater. D’autres formations politiques indépendantistes pourraient voir le jour et accomplir le travail que le PQ hésite à faire, trop craintif d’essuyer les foudres des médias fédéralistes qui croient maintenant détenir le monopole des règles politiques au Québec. Il y a pourtant urgence : la présence d’un gouvernement minoritaire, le premier depuis 1878, montre bel et bien que le Québec piétine parce qu’il n’a pas les bons outils pour assurer son avenir. Il est à espérer que l’attentisme cède sa place à du mouvement et que celui-ci s’amorce dès cet automne, à temps pour le prochain scrutin qui peut survenir rapidement.





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13 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    28 août 2007

    Effectivement m. Lépine, l'étât Québécois doit être dirigé, c'est pourquoi un parti ne peut pas que parler d'indépendance.
    Par contre, ce parti peut très bien avoir un programme de pays contrôlant un budget de 90 milliards au lieu des 55 que se contente le PQ. Ils peuvent a la fois nous parler d'indépendance et de nos soucis comme société, les 2 vont ensembles.
    Ce nouveau parti, le PI pour parti indépendantiste nous propose plusieurs sujets en plus de faire enfin du Québec un pays.
    Voici leur lien, http://www.partiindependantiste.org/

  • Archives de Vigile Répondre

    28 août 2007

    Monsieur Lépine,
    Encore faudrait-il voir ce qu'un parti qui prône uniquement l'indépendance attire comme électeurs. Aucun des partis en présence au Québec aujourd'hui prônent l'indépendance, point à la ligne.
    Guy Le Sieur

  • Archives de Vigile Répondre

    28 août 2007

    Un autre indépendantiste qui accusent les Québécois de se comporter en colonisés. En fait, cela semble la seule et unique justification souverainiste du refus collectif d'endosser la souveraineté.
    C'est bien beau rêver, mais un parti qui prône uniquement l'indépendance restera toujours un parti marginal. L'appareil de l'état québécois est une grosse machine qui doit être bien gérée, on ne peut pas mettre tout ça de côté en attendant que les colonisés se réveillent.

  • Archives de Vigile Répondre

    24 août 2007

    Parfait.
    Tous à la marche de dimanche au Métro Mont-Royal à 13 H !
    Va faire beau et chaud. C'est un bon moyen de répliquer au juge anglophone qui vient de frapper la loi 101 temporairement, on espère. Il ne se doutait pas que son jugement pas mal nono pouvait allumer la flâme patriotique du Québécois moyen francophone en plus de nier la volonté unanime de notre Assemblée nationale.

  • Archives de Vigile Répondre

    24 août 2007

    Salut monsieur Bousquet,
    Mon silence sur VIGILE était bien temporaire!
    J'arrive du Bas-Saint-Laurent où j'y ai joint l'utile à l'agréable, gagner sa croûte oblige! Maudit capitalisme!
    Ah! Ah! AH!
    J'y ai fait des contacts intéressants dans Montmagny/L'islet pour le PI. Les gens commencent à sortir de leur torpeur post-électoral. Les péquistes de la base en ont beaucoup à raconter. Ils nous disent qu'ils ont le sentiment d'avoir été floués. On sent sur le terrain, une certaine agressivité chez plusieurs. Les gens se sentent impuissants.Il faut canaliser cela, toute cette énergie,et en faire quelque chose de positif.
    Voici, je viens de prendre connaisance de vos répliques.
    Bravo! Vous vous portez de mieux en mieux!
    J'espère qu'on aura le plaisir de se rencontrer dimanche prochain à la station de métro Mont-Royal pour la marche organisée par le MMF à l'occasion du 30ième anniversaire de la promulgation de la Charte de la Langue Française à Montréal.
    Revenons à nos moutons. Le pays appartient à tout le monde et voilà pourquoi, nous n'avons plus le temps de nous diviser en fonction de nos familles politiques de gauche, de centre et de droite. Comme disait Gilles Vigneault:" Nous avons la promesse du plus brillant avenir." Pour cela, il nous faut d'abord faire le pays. Après, on lavera notre linge sale en famille.Jamais plus personne ne nous enverra porter à nos concitoyens, de portes en portes, autre chose que l'indépendance du Québec. Nous avons assez investi temps et argent à parler de gouvernance. Gouvernance qui nous a conduit à nous peinturer dans le coin. C'est assez!
    Aux naïfs qui croient encore à cela; je leurs laisse leurs illusions qui se transformeront bientôt en amertume. Vos 155,000 membres du PQ sur papier, il n'en reste que mirage!
    Combien renouvelleront leur carte ou financeront cette année?En terminant, je crainds fort que madame Marois ne soit pas arrivée au bon moment.
    Denis Julien Lotbinière

  • Archives de Vigile Répondre

    22 août 2007

    Pauvres nous autres.
    Il y en a encore qui croit que le PQ va devenir un jour indépendantiste. Il ne l'a jamais été. Comment pourrait-il le devenir? Ce parti est confédéraliste. POINT à la LIGNE. Faut-il que je loue un espace publicitaire avant d'entrée sur le pont Jacques-Cartier et que je vous l'écrive en grosses lettres...rouges. Et le BLOC? Un bloc de têteux. Point.
    Le jour où les indépendantistes seront convaincus que le PQ est un parti qui veut maintenir le Québec dans la CONFÉDÉRATION CANADIENNE, ils quitteront tous ce faux bateau pour repartir à neuf sur une nouvelle embarcation, avec un seul objectif.
    Certains veulent encore ménager la chèvre et le chou. Je ne ménage ni l'un ni l'autre. Le PQ enterre ses meilleurs militants indépendantistes. C'est tout ce qu'il sait faire. Et certains croient encore qu'un jour il mènera le peuple du Québec à son indépendance.
    S'il y en a qui veulent encore militer pour l'indépendance du Québec, de grâce, commencez par faire l'analyse des 35 dernières années péquistes. Vous verrez, si l'honnêteté ne vous a pas lâchés, que ce parti, ou ce qu'il en reste, berne les gens.
    Pauvres nous autres!
    Pauvres nous autres !
    Pauvres nous autres. !|
    Nestor Turcotte
    Matane

  • Archives de Vigile Répondre

    22 août 2007

    M. Bousquet écrit: "Ça ne prendrait qu’un parti qui ait la souveraineté/indépendance comme programme sans être à gauche ou à droite et qui refuserait de gouverner dans la fédération actuelle pour ne pas la cautionner pendant un certain temps."
    Vous avez absolument raison et j'ajouterai que je crois d'après les écrits du PI qu'ils prendront cete direction.
    Par contre, il ne faut pas seulement parler d'indépendance, il faut aussi parler des problèmes des Québécois.......avec des solutions de Québec-pays.
    Finalement, ce que ça prend, c'est un programme de parti avec un budjet de 90 milliards au lieu de 55, un programme qui sera exécuté dans un Québec-pays dans ses 4 premières années.
    Dans un contexte ou les Québécois sauront exactement dans quoi ils s'embarquent, ils seront plus nombreux a appuyer l'indépendance du Québec, j'en suis convaincu.

  • Archives de Vigile Répondre

    22 août 2007

    Pour que l'intérêt pervers et l'acharnement aveugle n'arrivent pas à détruire le PQ
    «Tous ces prétendus hommes –et femmes– politiques sont les pions, les cavaliers, les tours ou les fous d’une partie d'échecs qui se jouera tant qu'un hasard –ou des ambitions démesurées– ne renversera pas le damier.» Honoré de Balzac
    Voici un texte qui dénonçait la division reignant au sein du PQ et les conséquences de cette désunion pour les intérêts du peuple québécois : http://www.vigile.net/Au-PQ-ou-l-ame-souverainiste-s
    _________________________
    C'est justement la fragmentation militante du PQ qui rendrait inutilisables la force politique et la crédibilité qui lui sont propres, ce parti étant l'unique mouvement souverainiste représenté à l'Assemblée nationale et ayant des atouts essentiels pour réaliser la pleine liberté du peuple québécois.

  • Archives de Vigile Répondre

    22 août 2007

    M. Christian Pelletier écrit : «D’ailleurs, le RIQ propose un pacte de pays ou il est question de coalition entre les formations souverainistes/indépendantistes, ce qui annule la division du vote et chacun peut voter selon leur valeur.»
    C'est une bonne idée mais elle ne résistera pas aux pressions des autorités de chaque parti souverainiste/indépendantiste qui va prendre les autres comme des adversaires autant que s'ils étaient fédéralistes.
    Ça ne prendrait qu'un parti qui ait la souveraineté/indépendance comme programme sans être à gauche ou à droite et qui refuserait de gouverner dans la fédération actuelle pour ne pas la cautionner pendant un certain temps.

  • Archives de Vigile Répondre

    22 août 2007

    Je ne suis pas d'accord avec m. Bousquet quand il affirme que chaque geste pour le Québec est un recul de l'option indépendantiste.
    Si en 2007 le Québec vie encore au crochet du canada, à mon avis c'est que les Québécois sont habitués que quémander, que l'on décident à leur place et qu'on les côntrolent.
    C'est cela la mentalité de colonisé. Pour espérer un jour voir les Québécois prendre le contrôle de leur pays, il faut d'abord qu'ils apprennent à prendre au lieu de quémander, il y a une énorme éducation à faire dans ce sens au Québec, ce que le PQ n'a jamais fait puisque dans leur mentalité de tout avoir d'un coup par un référendum empêche justement d'habituer les Québécois de décider par eux-mêmes, par une question qui est très lourde pour l'avenir par une réponse de trois lettres, la peur et le doute s'installe,
    Vais-je avoir quand même mon chèque de pension ou de chomage?
    On connait la chanson depuis longtemps.........
    Ce qu'il faut au Québec maintenant, c'est une formation qui changera cette mentalité, une formation qui nous donne la chance de voter pour notre pays à chaque élection et une formation qui n'aura pas peur par des réponses déviées de parler du projet de pays en pleine campagne électorale même si les médias donnent de fausses images et des clips négatifs sur le sujet.
    Faut comprendre que nombres de Québécois savent faire la différence entre ce que les médias disent ou écrivent et le projet de pays bien expliqué.
    Le 26 mars dernier, le PQ nous proposait un référendum le plus tôt possible, là à mon avis n'était pas le problème, le problème était que les Québécois ne savaient pas exactement ce qu'ils appuyaient puisque le projet n'a pas été expliqué de bonne façon.
    On a tourné autour de la partition du territoire, c'est à peu près tout.
    Pour terminer, faut savoir que la nouvelle formation ne divisera pas nécéssairement le vote souverainiste puisque plusieurs ne voteront pas de toute façon pour le PQ.
    D'ailleurs, le RIQ propose un pacte de pays ou il est question de coalition entre les formations souverainistes/indépendantistes, ce qui anule la division du vote et chacun peut voter selon leur valeur.
    Excellent texte de Patrice Boileau

  • Archives de Vigile Répondre

    22 août 2007

    M. Boileau écrit : «De plus, il est possible au PQ de poser certains gestes de souveraineté en attendant de se libérer d’un titre de minorité si malsain pour la pérennité de la nation québécoise.»
    M. Boileau, tout ce qui facilite la vie du Québec dans le Canada est de nature à réduire l'envie des Québécois de devenir indépendants de ce pays. C'est pourquoi le PQ n'a pas posé ce genre de gestes là pendant qu'il gouvernait. Il y a eu assez de la loi 101 qui a rassuré les francophones du Québec et leur a fait baisser la pression souverainiste.
    En étant un bon gouvernement à l'intérieur du Canada, le PQ était en porte-à-faux avec son option souveraniste. Il démontrait ainsi tout ce que la province de Québec pouvait réaliser à l'intérieur du Canada. Plus il réussissait, plus il nuisait au désir de souveraineté.
    C'est la même chose avec le BLOC à Ottawa. Plus il réussit à faire améliorer la place du Québec dans la fédération Canadienne, plus il nuit à la souveraineté du Québec malgré la marotte de M. Duceppte : POUR LE BLOC, LA POLITIQUE DU PIRE EST LA PIRE DES POLITIQUES.
    Faudrait que l'idée de M. Louis Bernard de réduire le message du ou des partis souverainistes, à la souveraineté claire et nette, pour ne pas qu'un parti souverainiste soit élu en bonne partie par des fédéralistes et ensuite battu au référendum suivant, après avoir administré le Québec-province avec tous les dangers montrés plus haut et les autres ennemis qu'un parti se fait en gouvernant simplement.

  • Lionel Lemay Répondre

    22 août 2007

    Je suis entièrement d'accord avec M. Boileau. Si le PQ ne change pas de cap avant les prochaines élections, je n'aurai d'autre choix que de le laisser tomber pour joindre le Parti Indépendantiste en voie de formation, avant qu'il ne soit trop tard et que nous soyons réduits à une faible minorité ethnique dans le Canada anglais.

  • Archives de Vigile Répondre

    22 août 2007

    Quand à être dans le mysticisme (Marois mystifié...) il est à croire que certains devront s'en remettre à l'intercession de saint-Jude, patron des causes désespérées, lorsque vous concluez sur la phrase suivante : «Il est à espérer que l’attentisme cède sa place à du mouvement et que celui-ci s’amorce dès cet automne, à temps pour le prochain scrutin qui peut survenir rapidement.» Et puisqu'on est au registre de la métaphysique, ça va prendre une dose élevé d'espérance pour avoir la conviction que cela va se passer au PQ.