Mario et le syndrome Tim Hortons

Économie - Québec dans le monde


Le chef de l'ADQ, Mario Dumont, a vraiment surpris tout le monde quand il a reproché mardi au gouvernement Charest de n'avoir rien fait pour empêcher la prise de contrôle par des intérêts extérieurs de deux fleurons québécois, Alcan et Bell, et affirmé que la Caisse de dépôt aurait dû être plus active.


C'est le monde à l'envers. Voilà que le chef d'un parti qui se situe à la droite de l'échiquier politique s'est comporté comme l'héritier spirituel de l'ancien premier ministre péquiste Bernard Landry. Mon collègue André Pratte a bien démontré à quel point, en se faisant ainsi l'apôtre de l'intervention de l'État, le chef de l'opposition est en contradiction avec ses prises de position passées.
Mais il faut aussi essayer d'expliquer les méandres de sa démarche. Mario Dumont, si l'on en croit les sondages, risque de remporter les prochaines élections. Il est donc important d'essayer de comprendre comment il fonctionne, ne serait-ce que pour prévoir ce que pourront être ses positions et avoir une certaine idée de ce qui nous attend s'il dirige un jour le gouvernement.
À un premier niveau, le virage de mardi de Mario Dumont est assez facile à comprendre. Mario Dumont est un politicien opportuniste qui, depuis les élections, cherche d'abord et avant tout à marquer des points contre les libéraux. Mardi, il n'a pas amorcé de virage, il n'a pas voulu proposer une nouvelle philosophie de l'État, il a tout simplement essayé d'embarrasser le gouvernement Charest.
Mario Dumont se comporte encore comme un politicien d'opposition, encore plus à l'aise dans la critique du gouvernement que dans l'élaboration de ses propres politiques. Il est évident que l'achat de Bell et d'Alcan a suscité un malaise. Les gens auraient souhaité que cela n'arrive pas. En reprochant à Jean Charest de n'avoir rien fait, Mario Dumont a voulu récupérer ce mécontentement, en attribuer la responsabilité au premier ministre pour marquer des points. Quitte à y perdre en cohérence.
Mais il y a là quelque chose de plus profond. Parce que l'ADQ est un parti de droite, on s'attend spontanément à ce que ses politiques économiques reflètent un certain conservatisme. Mais l'ADQ est bien davantage un parti populiste qu'un authentique parti conservateur. Les politiques adéquistes, et le succès de ce parti, reposent largement sur la capacité de son chef de dire tout haut ce que pensent bien des gens.
À Ottawa, on assiste à un phénomène similaire, symbolisé par une phrase que la légende urbaine prête au premier ministre Stephen Harper: «Mais qu'est-ce qu'ils vont en penser au Tim Hortons?» Mario Dumont, lui aussi, est atteint du syndrome Tim Hortons.
Cette approche populiste aura tendance à mener à des positions que l'on peut associer à une droite sociale, comme la crainte des immigrants, le thème de la sécurité, le libre choix des parents, notamment pour la garde des enfants, une méfiance face à la bureaucratie et aux syndicats.
Mais cette même logique réserve des surprises dans le domaine économique. Bien sûr, l'ADQ a un programme économique conservateur, dont certains éléments vont à contre-courant, comme la réduction de la dette. Mais, spontanément, les Québécois comptent sur l'État quand ça va mal, ils ont des réflexes égalitaristes, ils veulent conserver leurs privilèges. Et c'est ainsi que l'ADQ, qui s'est mis sur le mode populiste, plus particulièrement depuis les dernières élections, pile allègrement sur ses principes pour plaire au monde.
Ça a commencé quand l'ADQ a failli renverser le gouvernement Charest parce que celui-ci voulait baisser les impôts, officiellement parce que la réduction de la dette était insuffisante, mais parce que ça favorisait les riches. Ce même parti, en faveur du marché, s'oppose aux hausses de tarifs d'électricité, qu'il associe à tort à des taxes, et cautionne ainsi une politique de subventions à la consommation. Cette semaine, l'ADQ devenait soudainement l'apôtre de l'interventionnisme économique avec la Caisse. Le chef adéquiste réclamait aussi du même souffle une stratégie pour venir en aide au monde de la forêt et au secteur manufacturier.
Même si on comprend le processus, celui-ci nous laisse perplexe. Parce qu'on ne sait pas jusqu'où ça va aller, ni dans quel sens. Il y a cependant une façon de savoir. Et c'est d'aller faire un petit tour au Tim Hortons du coin, et écouter ce qu'y disent les gens. Et en profiter pour commander un sandwich Timatin ou un tout nouveau wrap au poulet fajita.
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