Macron face au test de l’immigration

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« La plupart des Français ne comprennent pas pourquoi un demandeur d’asile débouté n’est pas immédiatement renvoyé chez lui. »

Rien ne se passe comme prévu dans ce quinquennat. L’automne devait être explosif, et la France à feu et à sang. Or, il ne s’est rien passé. La résistance, aussi bien syndicale que de l’extrême gauche, a fait « pschitt ». Avec environ 59 % d’opinions favorables, la cote de popularité du jeune président atteint des sommets comparativement à celle de ses prédécesseurs, qui avaient vu l’opinion publique se retourner contre eux quelques mois seulement après leur élection.



Or, le secret du président n’est peut-être pas si mystérieux qu’on pourrait le croire. Pour la première fois depuis longtemps, un président a mis en oeuvre les réformes qu’il avait promises, soulignent les observateurs. Sitôt élu, Nicolas Sarkozy, pourtant partisan d’une droite « décomplexée », s’était dépêché de nommer des ministres de gauche à des postes clés du gouvernement. Il n’aura fallu qu’un an pour que, de son côté, François Hollande renie sa promesse de combattre « la Finance » et de réformer l’Europe.



Le bénéfice du doute



Leur successeur Emmanuel Macron avait promis des réformes libérales du marché du travail dont on peut penser ce que l’on veut. Mais pour l’instant du moins, il les met en oeuvre. Il n’y a pas de rupture de contrat, même si la base électorale du président reste mince.



En ira-t-il de même dans les mois qui viennent et alors que plus le temps passe, plus les rendez-vous se feront politiques ? Déjà, la décision annoncée cette semaine de ne pas construire l’aéroport Notre-Dame-des-Landes et de ne pas évacuer les 300 occupants illégaux avant le printemps n’est pas passée comme une lettre à la poste. Si elle est saluée par 70 % des Français comme une décision de bon sens, 49 % estiment que le gouvernement a cédé aux zadistes. La décision a aussi provoqué une bronca chez les élus de l’ouest de la France. Le président se trouve en effet fragilisé là où il était déjà le plus faible : dans les régions et auprès des élus municipaux des villes moyennes qui se sentent abandonnés par Paris.



Pour la directrice du département opinion de la firme de sondages BVA, Adelaïde Zulfikarpasic, cette « popularité » s’explique largement par une sorte d’« attentisme » de l’électorat qui entend laisser du temps au président. « Bienveillants » ou « dubitatifs », ceux qu’elle appelle les « attentistes » composent près du tiers de la population.



Or, les débats les plus sensibles sont à venir. Parmi eux, on trouve celui sur la procréation médicalement assistée (PMA), mais surtout celui sur l’immigration.



L’écueil de l’immigration



Dans ce domaine, le rendez-vous s’annonce d’ores et déjà déterminant. La nouvelle loi qui pourrait être déposée en avril a déjà soulevé un tollé à gauche. Sous le titre ironique « Bienvenue au pays des droits de l’homme… », le magazine L’Obs est même allé jusqu’à consacrer sa une à un président devant des barbelés qui évoquent un camp nazi. La couverture a été dénoncée, dans les pages mêmes du magazine, par son fondateur Jean Daniel. Comme l’écrivait le Journal du dimanche, « l’exécutif avance sur ce texte ultrasensible comme sur des charbons ardents ». Selon un sondage Elabe, 61 % des Français ne font pas confiance à Macron pour réformer la politique migratoire.



Le président en est visiblement conscient. « Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des hommes et des femmes dans les rues, dans les bois », avait déclaré Emmanuel Macron le 28 juillet à Orléans. Du même souffle, il avait réclamé une « vraie politique de reconduite aux frontières » distinguant clairement les demandeurs d’asile des migrants économiques.



Le projet vise donc à réduire les délais de traitement des demandes d’asile de 14 à 6 mois. Par contre, afin de faciliter les reconduites à la frontière, il pourrait doubler la durée légale de la rétention administrative des illégaux. Il s’agit en effet de lever les obstacles à l’expulsion, les pays d’origine n’acceptant souvent de reprendre leurs citoyens qu’au terme de longues procédures.



Les ONG françaises ont crié au scandale en apprenant que le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, souhaitait aussi pouvoir faire des contrôles dans les centres d’hébergement d’urgence. Selon les organisations humanitaires, cela découragera les migrants à demander de l’aide. Macron a donc demandé à son premier ministre, Édouard Philippe, de trouver une position plus consensuelle. Ce qui ne sera pas facile. Le JDD cite une source selon laquelle « il y a une radicalisation généralisée entre, d’un côté, l’Intérieur, et de l’autre, des associations qui prônent des papiers pour tous ».



La reconduite des illégaux



On sait qu’en France, les problèmes d’immigration ne concernent pas tant les demandeurs d’asile, dont le nombre est en hausse, que ceux qui en sont déboutés. Parmi ces derniers, seulement 10 % sont renvoyés chez eux. L’insatisfaction de la population vient largement de là. La plupart des Français ne comprennent pas pourquoi un demandeur d’asile débouté n’est pas immédiatement renvoyé chez lui. Or, « le gouvernement n’a toujours pas trouvé de solution » à cette situation, déclarait sur le site Atlantico le spécialiste des migrations Jean-Paul Gourévitch.



Selon ce dernier, « Gérard Collomb tente de se prémunir contre un double danger. Tout d’abord effectivement des vagues migratoires extrêmement importantes, mais aussi, [il] ne souhaite pas que l’opinion publique, qui est dans sa majorité défavorable à l’arrivée de nouveaux migrants, se braque contre lui. »



On sait que l’immigration fut le grand échec de Nicolas Sarkozy. Même s’il avait promis d’expulser tous ceux qui n’avaient pas le droit de se trouver sur le territoire français, à la fin de son mandat, la situation n’avait pas bougé d’un iota. Et cela, même après un record de lois sur le sujet.



Le même sort attend-il Emmanuel Macron ? Les experts savent que, pour transformer cette situation, il faudrait modifier radicalement les règles du regroupement familial et conditionner, par exemple, les aides au développement à l’acceptation par les pays d’origine du retour des illégaux. Ce qui obligerait la France à se braquer notamment contre l’Union européenne. Selon plusieurs sources citées dans la presse française, le gouvernement français aurait plutôt choisi une logique dissuasive. Bref, « de leur pourrir la vie [aux illégaux] pour les dissuader de venir », écrit le JDD.


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