Je suis l’auteur d’un essai (Pourquoi la loi 101 est un échec) sur la question linguistique paru chez Boréal en octobre 2020. Un essai dont la lecture a été recommandée, à ma grande joie, par de nombreux journalistes et chroniqueurs bien connus (Louis Cornellier, Robert Dutrisac et Michel David du Devoir, Joseph Facal, Mathieu Bock-Côté et Antoine Robitaille du Journal de Montréal).
Or, dans un curieux texte publié par La Presse le 11 janvier (« Réforme de la loi 101 : si seulement il y avait des solutions faciles »), Mario Polèse et Pierre Fortin, sans mentionner mon nom, énoncent que « prétendre que la loi 101 est un échec est une absurdité, dans la même lignée que les énoncés de Donald Trump ». Vraiment ?
Il est difficile de ne pas voir dans cette affirmation, qui reprend le titre de mon essai, une attaque gratuite et, disons-le, tout à fait grotesque envers moi. MM. Polèse et Fortin, qui s’intéressent à la question linguistique, ne pouvaient pas ignorer l’existence de mon livre ; ils ont choisi de trumpiser non seulement le discours qu’il défend, mais moi-même, ce qui est une façon de me disqualifier moralement, de me diaboliser, de tenter de m’exclure du débat public.
Ce bas procédé est tout à fait indigne de deux professeurs « émérites ».
Du reste, il est évident que les deux professeurs n’ont pas lu cet essai, qu’ils diabolisent avec autant de légèreté. Ainsi, leur texte ne contient-il aucune réfutation de fonds contre les idées avancées dans mon essai.
S’ils l’avaient lu, ils sauraient que l’affirmation que « la loi 101 est un échec » n’est aucunement lancée à la légère. On peut juger que la loi 101 est un échec en mesurant l’atteinte des objectifs que visait le législateur, objectifs qui sont explicités dans le Livre blanc déposé par Camille Laurin en 1977.
Les objectifs majeurs étaient :
1) d’arrêter l’érosion annoncée du poids démographique des francophones au Québec ;
2) d’inciter une nette majorité des immigrants allophones à s’intégrer au groupe francophone ;
3) d’améliorer le statut socio-économique du français de façon à déloger l’anglais comme « langue des affaires » au Québec.
La loi 101 est venue, c’est vrai, améliorer le solde des substitutions linguistiques que les immigrants effectuent vers le français (de 10 à 55 %) et a aussi amélioré le statut socio-économique du français.
Ces améliorations, cependant, sont de trop faible ampleur pour empêcher la minorisation des francophones au Québec (le poids des francophones a ainsi chuté de 3,4 % de 2001 à 2016, ce qui est la plus importante chute jamais mesurée).
Pour simplement assurer la stabilité du groupe francophone, il faudrait que les substitutions linguistiques des immigrants allophones soient dirigées à 90 % vers le français. Nous sommes très, très loin du compte ; la chute du poids des francophones va continuer pour tout l’avenir prévisible.
Statistique Canada, un organisme fédéral que l’on ne peut probablement pas accuser de « trumpisme », prévoit que le poids démographique des francophones sera autour de 69 % au Québec en 2036. A contrario, le poids démographique des anglophones sera en augmentation. La loi 101 n’atteint aucunement son premier objectif.
Enfin, il est important de préciser que la loi 101 qui est en échec est celle qui a été façonnée par les tribunaux fédéraux, dont les jugements, un après l’autre, sont venus démolir des pans entiers, et très importants, de la loi 101 originale déposée par Camille Laurin.
Ainsi, la loi 101 actuelle a peu à voir avec celle adoptée par l’Assemblée nationale le 26 août 1977. On peut donc penser que cet échec de la loi 101 est consubstantiel à la vision individualiste des droits linguistiques qui a été imposée par les tribunaux canadiens, vision qui est l’antithèse des idées portées par la loi 101 originale, qui était largement basée sur les droits collectifs.
Lisez « Réforme de la loi 101 : si seulement il y avait des solutions faciles »
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