Le Canada et l’Union européenne ne seraient plus qu’à quelques jours de leur dernière chance, avant longtemps, de conclure leurs négociations de libre-échange.
Cette nouvelle date limite — dans des négociations entreprises en 2009 et qui n’ont plus d’échéancier officiel depuis l’automne dernier — serait le prochain sommet du G8 qui doit se tenir les 17 et 18 juin en Irlande du Nord. On prévoit, en effet, que les États-Unis et l’Europe en profiteront pour y annoncer le lancement de leurs propres négociations bilatérales de libre-échange, ce qui aurait pour conséquence probable de tellement accaparer les négociateurs européens que le projet canado-européen serait remis sine die.
Engagés dans un sprint de négociation depuis la semaine dernière à Bruxelles, les deux partis se gardent bien désormais de faire la moindre prédiction sur leurs chances de succès. « Le Canada et l’Union européenne restent engagés à faire aboutir les négociations, a déclaré lundi au Devoir par courriel le ministre canadien du Commerce international, Ed Fast. Notre gouvernement signera seulement un accord qui sera dans l’intérêt supérieur des Canadiens. »
Entente imminente
Des sources anonymes, citées depuis quelques jours par différents médias, laissent entendre, toutefois, qu’on sera en mesure, avant la date fatidique, d’annoncer à tout le moins une entente de principe dont certains détails techniques et juridiques pourraient être réglés plus tard. Le gouvernement se préparerait fébrilement à la possibilité de profiter de l’arrivée en Europe, dès samedi, du premier ministre, Stephen Harper, pour lui faire faire un détour par Bruxelles pour l’annonce de l’éventuelle bonne nouvelle. Ed Fast et son homologue européen, le commissaire Karel De Gucht, ont d’ailleurs tenu «une réunion productive la semaine dernière en marge de la rencontre de l’OCDE à Paris», soulignait-on au cabinet du ministre canadien lundi.
À Québec, il y a longtemps que l’on dit qu’une entente est à portée de main et que les toutes dernières questions encore en suspens ne sont désormais plus du ressort des négociateurs, mais des dirigeants politiques.
L’ancien premier ministre du Québec Jean Charest, à l’origine du projet, est venu appuyer, lundi, cette perception des choses. En entrevue à RDI, il a estimé à 90 % les chances d’une entente pour le sommet du G8. Il a confirmé l’importance de conclure cette entente avant le lancement d’éventuelles négociations américano-européennes et rapporté que cette éventualité avait déjà commencé à faire hésiter les négociateurs européens sur certaines questions. « Il faut y aller rapidement », a-t-il conclu.
Le bœuf canadien et les pilules
Le projet d’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG) est présenté comme les négociations commerciales les plus ambitieuses entreprises par le Canada. Elles portent sur un vaste ensemble d’enjeux allant du commerce des biens à celui des services, en passant par les contrats publics, la protection des investisseurs, la propriété intellectuelle, les différentes normes et règles pouvant faire obstacle aux échanges, la mobilité de la main-d’œuvre ou encore la culture.
Parmi les points encore en suspens, il aurait la demande canadienne d’un meilleur accès au marché européen pour son bœuf, ce que l’Europe ne semble prête à permettre qu’en toute petite quantité — en raison, entre autres choses, de l’utilisation d’hormones de croissance par les éleveurs canadiens et parce qu’elle pense aux Américains qui lui feront certainement la même demande — et en échange seulement d’un meilleur accès au marché sous gestion de l’offre canadien pour son fromage. Le Canada serait réticent aussi d’accorder l’allongement de la protection des brevets pharmaceutiques que lui réclament les Européens, de peur que cela ne fasse trop augmenter les frais de santé. On doit aussi convenir ce qui sera considéré comme un produit canadien admissible, en Europe, à des droits de douane réduits, alors que les chaînes de production sont étroitement intégrées en Amérique du Nord.
Le projet d’AECG a soulevé plusieurs critiques au Canada et en Europe. On a dit, par exemple, qu’il ferait perdre aux pouvoirs locaux la capacité d’utiliser les contrats publics pour favoriser l’économie locale et qu’il servait la cause de la privatisation des services publics.
Pas de danger
En campagne de promotion avec ses collègues ministres aux quatre coins du pays depuis des mois, Ed Fast a, une nouvelle fois hier, accusé ses détracteurs de recourir aux mêmes épouvantails qu’au temps de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Invité au congrès annuel de la Fédération canadienne des municipalités, il y a assuré que les gouvernements locaux conserveraient une certaine liberté d’action en matière de prix, de qualité, de protection environnementale et, même, d’aide à l’économie locale, mais seulement, dans ce dernier cas, pour les contrats dont la valeur restera sous un certain seuil. « Je veux aussi qu’il soit clair que d’importantes priorités comme l’éducation et la santé seront exclues de l’entente. »
La première ministre de Terre-Neuve, Kathy Dunderdale, s’était aussi plainte, la semaine dernière, d’avoir fait l’objet de pression d’Ottawa dans le cadre des négociations pour que sa province renonce à une loi obligeant la transformation locale d’une partie de ses prises de poissons.
« Depuis le début des négociations, nous travaillons en étroite collaboration avec toutes les provinces, y compris Terre-Neuve et Labrador », répondait-on, lundi, au cabinet du ministre Fast.
Libre-échange Canada-Union européenne - À deux semaines d’une entente… ou d’un ajournement des échanges
Les États-Unis et l’UE doivent annoncer au prochain G8 le début de leur propre série de négociations
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé