L’OMC menacée de disparition

Les négociations du cycle de Doha piétinent pendant que se multiplient les accords de libre-échange bilatéraux

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Le mouvement vers la mondialisation tire à sa fin

L’avenir de l’OMC est compromis par l’aggravation des problèmes de chômage, d’inégalités et de pollution, mais aussi par la multiplication des accords de libre-échange bilatéraux et régionaux, met en garde un groupe de sages.
Le commerce international a crû beaucoup plus vite depuis le milieu des années 90 (+123 %) que l’économie mondiale dans son ensemble (+ 57 %) et, pourtant, son institution phare, l’Organisation mondiale du commerce, traverse une période difficile, conclut le rapport d’un groupe de réflexion sur l’avenir du commerce dévoilé par l’OMC elle-même mercredi, groupe dont faisait partie une douzaine « d’éminentes personnalités » issues du monde des affaires, des syndicats et d’organismes d’aide au développement, du Nord comme du Sud.
« La mondialisation a rendu le monde beaucoup plus riche, mais […] garantir une meilleure répartition des possibilités et une croissance pour tous reste un défi majeur, tout comme l’est l’impératif de la durabilité environnementale », y constate-t-on notamment. Les auteurs préviennent, notamment, que « la légitimité du système fondé sur les mécanismes du marché sera de plus en plus remise en question si les avantages du progrès ne sont pas partagés plus équitablement ».

L’OMC inutile
Bien que la plupart de ces enjeux relèvent d’autres forums et d’autres compétences que les siennes, l’OMC pourrait aider à la poursuite de ces autres objectifs, ne serait-ce qu’en cherchant des moyens de réduire leurs frictions avec sa propre quête de libéralisation des échanges commerciaux. Mais voilà, son actuel cycle de négociation, lancé en 2001, à Doha, est désespérément embourbé dans les marécages du multilatéralisme alors que se multiplient les traités de libre-échange bilatéraux et régionaux.
Quelque 300 de ces accords commerciaux préférentiels sont déjà en vigueur et bien d’autres sont en cours de négociation, rappellent les auteurs du rapport de 56 pages. Cette « collection éclectique d’accords, de qualité inégale », se traduit par une prolifération de règles particulières qui alourdit les coûts du commerce. Certains de ces accords excluent les petits pays ou entraînent « des divergences de réglementation, délibérées ou non, et [conduisent] ainsi à une segmentation de l’économie mondiale ».
Cette question de la multiplication des accords bilatéraux et régionaux a trouvé écho, mercredi, auprès de l’un des cinq candidats à la succession du directeur général de l’OMC, Pascal Lamy, qui quittera son poste fin août. « Contrairement au quasi-blocage des discussions au coeur du système commercial mondial, c’est-à-dire de l’OMC, les pourparlers commerciaux régionaux prennent de l’ampleur à une vitesse incroyable », s’est inquiété à son tour le ministre du Commerce de la Nouvelle-Zélande, Tim Groser, lors d’un point de presse après une rencontre avec des responsables japonais à Tokyo. « L’OMC, qui devrait être au centre du commerce mondial, connaît un grave problème : elle court le risque de devenir inutile. »
Le Canada est un bon exemple de ce phénomène. Économie relativement petite et ouverte sur le monde, le pays a traditionnellement privilégié l’approche multilatérale, mais additionne, depuis quelques années, les traités commerciaux bilatéraux. Il en compte déjà dix de signés, dont le plus connu est sans doute l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Quatorze autres sont en négociation, dont un avec l’Union européenne, un autre dans le cadre du Partenariat transpacifique, et d’autres encore avec le Japon, avec l’Inde, avec la Corée du Sud…

Commerce, environnement et justice sociale
Les auteurs du rapport d’hier ne perdent toutefois pas espoir quant aux chances des organisations commerciales en général, et de l’OMC en particulier, de s’adapter à leur nouvelle réalité.
Ils appellent notamment de leurs voeux le début d’une « harmonisation progressive des différents régimes commerciaux » en vue d’une convergence avec le système multilatéral.
Ils constatent aussi qu’à force de réduire les droits de douanes et autres barrières tarifaires, on arrive à un point où les principaux obstacles aux commerces restants sont « de plus en plus liés à des questions de politiques générales, telles que la santé, la sécurité et la qualité de l’environnement », qu’on ne peut pas bêtement vouloir réduire ou éliminer.
Ces enjeux ne relèvent habituellement même pas de la compétence des cadres commerciaux. Aussi ces derniers devraient-ils laisser une « marge de manoeuvre politique suffisante pour donner une certaine flexibilité aux pays, mais avec la transparence, la prévisibilité et la surveillance nécessaires ».
On déplore, par exemple, que l’OMC reçoive actuellement une « avalanche » de plaintes contre les politiques d’aide au développement de sources d’énergie renouvelables, alors que tout le monde sait que ces nouvelles technologies ne pourront pas voir le jour sans subvention des gouvernements.
« Le commerce international a énormément contribué au développement, à la croissance et au renforcement de la paix et de la prospérité dans le monde, souligne-t-on. Mais le commerce est un moyen, et non pas une fin en soi. Il s’inscrit dans un contexte socioéconomique et politique plus vaste qui doit englober un projet plus large et plus étendu que les seuls gains tirés de l’importation et de l’exportation. »

Avec l’Agence France-Presse


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