Les vieilles histoires

Qui, à Québec ou à Ottawa, avait envie de se rappeler l'accord du lac Meech, conclu le 3 juin 1987?

Canada-Québec - sortir ou rester ? <br>Il faudra bien se décider un jour...

Dans le brouhaha de la crise budgétaire à Québec, puis du sommet du G8, on a oublié de souligner le vingtième anniversaire de ce qui aurait pu être la grande réconciliation entre le Québec et le Canada. Peut-être a-t-on préféré l'ignorer. Qui, à Québec ou à Ottawa, avait envie de se rappeler l'accord du lac Meech, conclu le 3 juin 1987?
Même si Robert Bourassa qualifiait lui-même de «minimales» les dispositions de l'accord, elles font paraître lilliputiennes les ambitions constitutionnelles du gouvernement Charest. Le rapport Pelletier, daté de 2001, incluait un programme passablement étoffé pour les calendes grecques, mais sa politique tient actuellement en quelques mots: «Le fruit n'est pas mûr».
Quant au PQ, il ne s'était rallié à l'accord qu'in extremis, quand il avait acquis la certitude qu'il serait rejeté par le Canada anglais. Il suffirait que Pauline Marois en évoque le souvenir pour que certains l'accusent aussitôt de crypto-fédéralisme. De toute manière, elle semble avoir décidé d'être muette et invisible. Ma foi, on la voyait plus souvent avant qu'elle ne décide de revenir en politique!
Même si un gouvernement conservateur était l'instigateur de l'accord, Stephen Harper, alors au Reform Party, s'y opposait catégoriquement. Stéphane Dion y était favorable, mais le chef libéral n'est pas en position de faire quoi que ce soit qui pourrait ressembler à une critique de Pierre Elliott Trudeau, premier responsable du torpillage de l'accord. M. Dion a déjà bien assez de problèmes.
Mario Dumont aurait peut-être eu intérêt à gratter le vieux bobo. L'échec de Meech est à l'origine du mouvement allairiste qui a finalement donné naissance à l'ADQ, mais il est loin d'être évident que les exigences constitutionnelles d'un gouvernement adéquiste seraient à la hauteur de celles de Robert Bourassa. Pour le moment, la principale caractéristique de la politique autonomiste de l'ADQ demeure son flou.
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Certains estiment qu'il est temps d'oublier ces vieilles histoires. Une curieuse logique veut même que d'une ignominie à l'autre, la cause du Québec a progressé. À preuve, le programme des commandites et la Loi sur la clarté ont abouti au «fédéralisme d'ouverture».
Il ne faut pas confondre l'essentiel et l'accessoire. Renvoyer les libéraux fédéraux dans l'opposition et expédier derrière les barreaux quelques escrocs qui ont profité du scandale des commandites procure sans doute une certaine satisfaction. Pour replacer les choses dans une juste perspective, il est toutefois plus utile de comparer les dispositions «minimales» de Meech aux récentes initiatives de M. Harper
Personne ne peut dire avec certitude quel aurait été l'effet concret de l'inclusion dans la constitution d'une clause interprétative reconnaissant que le Québec «forme au sein du Canada une société distincte», mais tout le monde s'entend sur le caractère strictement symbolique de la motion sur la «nation» québécoise adoptée par la Chambre des communes en novembre dernier.
La reconnaissance de la spécificité québécoise n'empêchait pas l'accord du lac Meech de réaffirmer le principe de la représentation selon la population à la Chambre des communes. À moins du consentement unanime des provinces, le Québec n'aurait pas pu s'y soustraire. M. Harper aurait donc eu tout le loisir de faire adopter le projet de loi C-56, qui aura pour effet de diminuer la proportion de députés québécois aux Communes.
En revanche, il n'aurait pas pu transformer le Sénat en chambre élue, comme il prétend le faire avec les projet S-4 et C-43. L'accord prévoyait qu'en attendant le jour où Ottawa et les provinces s'entendraient sur les modalités d'une réforme du sénat, le gouvernement fédéral aurait dû pourvoir les sièges vacants à partir d'une liste de candidats fournie par les provinces.
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À cinq jours des élections du 26 mars dernier, M. Harper avait invité les Québécois à élire un gouvernement fédéraliste, s'ils voulaient obtenir une limitation du pouvoir de dépenser d'Ottawa, comme le Québec le réclame depuis des décennies.
Aussi bien l'accord du lac Meech que l'entente de Charlottetown incluaient des dispositions à cet égard. Malgré ce que le premier ministre canadien a pu faire miroiter, les pourparlers sont présentement dans l'impasse.
À l'époque, le gouvernement Mulroney avait accepté qu'une province puisse recevoir une juste compensation financière, si elle choisissait de ne pas participer à un nouveau programme financé conjointement avec Ottawa dans un domaine de compétence provinciale exclusive, à la condition qu'elle mette en oeuvre un programme de son cru compatible avec les objectifs nationaux.
La réalité du pouvoir fédéral de dépenser a cependant bien changé depuis. Il n'y a presque plus de nouveaux programmes financés conjointement, et le gouvernement Harper n'entend pas plus que ses prédécesseurs renoncer à investir unilatéralement dans des secteurs de compétence provinciale. Accepter que la limitation s'applique aux seuls programmes cofinancés équivaudrait à légitimer les intrusions d'Ottawa.
La limitation du pouvoir de dépenser est le corollaire de la correction du déséquilibre fiscal. Si le gouvernement fédéral a les moyens d'envahir les compétences des provinces, c'est précisément parce que ses revenus excèdent ses obligations.
Au Québec, tout le monde avait compris que le dernier budget Flaherty n'était qu'un premier pas dans le règlement du déséquilibre fiscal. Ce n'est pas ainsi qu'on l'entend à Ottawa, où le problème est considéré comme réglé.
Pendant que les surplus continuent de s'accumuler dans les coffres fédéraux, les urgences continuent de déborder dans les hôpitaux québécois. Vingt ans après l'accord du lac Meech, la situation s'est simplement aggravée. Mais, bien entendu, ce sont de vieilles histoires.
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mdavid@ledevoir.com


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