Les sous-entendus

Chronique d'André Savard

Pour un immigrant, la langue du pays n'est pas une vérité à adopter. Elle est un outil pour arriver à une multiplicité de relations. Cet objectif bien en tête, la langue anglaise se révèle un meilleur moyen que la langue française.
Il est difficile de penser le français hors des relations institutionnelles car, au Canada, l'anglais, c'est le moyen d'être ensemble. Le français y est une langue de services destinée à une communauté ethnique. Pour partager son temps, ses repas, ses loisirs, les mots anglais viennent plus naturellement comme étant la langue de tout le monde au Canada.
L'anglais leur paraît s'appliquer à tous, d'un océan à l'autre, et, à Montréal, cette langue permet aisément de nouer des rapports. Parce qu'ils sont de nouveaux canadiens, ils n'ont pas l'impression de prendre une institution à contre-pied en adoptant l'anglais comme langue des communications inter-personnelles.
D'ailleurs ils ont tôt fait d'entendre que les lois linguistiques au Québec témoignent d'une société trop ratissée, une société qui a peur de la vie et des lignes de force imprévues. On leur suggère que l'anglais est la vraie langue des identités multiples, la langue des couleurs variables.
Par ailleurs, ils entendent que le français est un droit. Ils en infèrent que, comme tout droit, cela implique un espace de liberté qui ne doit pas confronter la liberté des autres.
On parle anglais au Québec parce qu'on vit dans un pays libre. Il n'est pas nécessaire de vouloir s'acharner contre les Québécois pour en venir à nourrir cette pensée. Il suffit de nouer des relations en coulisses, sur Crescent, à la discothèque, au travail, et on leur dit que, là où ils vivent librement, des Québécois, surtout des séparatistes, voudraient qu'il y a loi, les règles linguistiques.
Si le français est un une langue des services s'adressant à une population particulière et bien ancrée, l'anglais leur paraît comme ouvert à tout le reste. L'anglais, au contraire, concerne l'individu qui se demande quoi faire de lui-même. Cette perception coule de source.
Elle est dictée par la mosaïque canadienne qui situe le français comme un droit des minoritaires. Le français est la langue de l'autre tandis que l'anglais est la langue du pays où se pratique la fusion amoureuse des identités.
Les immigrants veulent échapper aux conflits qui ne sont pas les leurs, aux formules toutes faites, et on leur dit que c'est précisément ce que le Canada est en train de faire. On leur dit que le Québec est une forme particulière du Canada assujetti aux mêmes règles mais vivant la logique du pays selon des précisions autorisées par le pays.
Bref, le Québec est une diversification canadienne. Ils vivent dans un pays qui se répète ça sans arrêt. Et pendant ce temps, les Québécois se demandent comment institutionnaliser leur mode de vie. ils discutent à savoir si, de leur mode de vie, on peut déduire quelque culture ou éthique qui oblige.
André Savard


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé