Les « vérités » du vice-président Lafleur
Dans un article du journal Le Devoir daté du 8 septembre 2018 (« Hydro-Québec. Les profits dopés par la vente de TM4 »), le vice-président directeur d’Hydro-Québec, Jean-Hugues Lafleur, vante le profit net de 349 millions $ sur la pseudo-rentabilité des exportations d’électricité « records » aux États-Unis à un gros 3.9 ¢ le kWh. Ayoye, on y va nettement trop fort pour dorer la pilule. Imaginez, 349 millions $ de bénéfice net pour de l’électricité exportée à seulement 3.9 ¢ le kWh pour un seul trimestre. Si mes calculs sont bons, ça fait plus de 1 milliard $ de profit net dégagé sur une base annuelle. Mes amis, j’espère que vous commencez à sourciller, à titiller, à avoir un doute raisonnable et que vous vous dites que c’est bien trop beau pour être vrai!
Voilà donc l’explication du vice-président Lafleur tiré de l’article du Devoir : « Jean-Hugues Lafleur rappelle toutefois que le coût de production de la société d’État se situe à environ 2 ¢ le kWh et que de vendre à 3.9 ¢ est très profitable quand même ». J’aime pas beaucoup ça faire rire de moi. Peut-on seulement demander aux dirigeants d’Hydro-Québec, et aussi aux politiciens et affairistes d’être un peu plus subtils dans leurs élucubrations? Léo, pour être subtil, il faut commencer par l’être. Alors nul n’est tenu à l’impossible.
Quelques questions adressées au vice-président Lafleur
J’ai quelques questions pour M. Lafleur. Il le sait bien qu’Hydro-Québec achète de l’électricité, et beaucoup en plus de ça, à des producteurs privés (éoliens, forestières, barrages, etc.), souvent de propriété étrangère, à des prix oscillants autour de 12 ¢ le kWh (voir l’article du Journal de Montréal du 7 octobre 2015 intitulé : « Pire que jamais — Les achats inutiles d’électricité par Hydro-Québec vont s’élever à 945 M$ en 2016 [même si on a et on aura de gros surplus jusqu’en 2027]). Et Hydro, généreuse avec les uns et moins avec les consommateurs résidentiels, paie le gros prix à ses amis du privé, souvent représentés par d’ex-politiciens convertis en valeureux lobbyistes qui travaillent probablement pour le bien commun : « Les Québécois paient les factures d’énergie éolienne les plus élevées (Journal de Québec 17 mai 2018) ». Bravo aux fins négociateurs d’Hydro et à Dominique Anglade, Pierre Arcand et Carlos Leitao du PLQ.
Alors, la question qui tue : Comment monsieur Lafleur peut-il prétendre que le coût de production d’Hydro-Québec est de 2 ¢ le kWh si on en achète du privé à 12 ¢ le kWh? Et pour acheminer notre électricité aux States ou en Ontario, ça prend bien un réseau de transport qui coûte cher à construire et à opérer. Est-ce que M. Lafleur a tenu compte de ces coûts de transport de l’électricité qu’il faut obligatoirement ajouter aux coûts de production? Je suis comptable agréé de formation et j’ai travaillé pour la firme internationale d’experts comptables Deloitte. Aurait-il l’amabilité de me montrer ses calculs? Le coût de production d’électricité d’Hydro-Québec de 2 ¢ le kWh est vrai seulement pour le bloc patrimonial composé des barrages nationalisés et ceux de Churchill Falls, de la Baie-James et de la Manic, car après, et c’est une évidence, le recours continuel aux barrages et à l’éolien privés a fait augmenté les coûts de production d’Hydro. Les coûts de production des barrages construits par après et surtout les coûts de l’électricité achetée du privé sont nettement plus élevés que 2 ¢ le kWh, et M. Lafleur le sait pertinemment. Alors pourquoi ces prétentions?
D’autres questions qui tuent
Si vendre de l’électricité aux States est « très profitable » comme M. Lafleur le dit si bien, pourquoi alors ne pas le vendre à ce prix aux consommateurs résidentiels qui sont les vrais et seuls propriétaires de cet instrument collectif et joyau public qu’est Hydro-Québec que nos élus commandités ne cessent de privatiser lâchement à petites doses comme ils le font pour la SAQ? J’aimerais que M. Lafleur fasse un petit effort pour répondre à cette question. Il peut demander l’aide de son service de relations publiques.
Alors pourquoi Hydro plume de façon désinvolte les consommateurs résidentiels en leur vendant leur propre électricité à 9 ¢ le kWh auquel il faut ajouter la pathétique redevance mensuelle et la TVQ-TPS (que les entreprises ne paient pas), ce qui ramène le tarif résidentiel à 12 ¢ le kW et auquel, encore une fois, il faut ajouter l’impôt sur le revenu, disons de 40 % fédéral-provincial, ce qui donne un beau gros tarif réel, vrai et véridique de 20 ¢ le kWh? Est-ce que M. Lafleur peut vraiment contester mes chiffres? Ah oui, l’électricité est une dépense non déductible d’impôts pour les individus et l’est pour les gens d’affaires
Et pour finir, si on exporte à 3.9 ¢ le kWh et que c’est très rentable pour Hydro, et que d’après les calculs maison de M. Lafleur, on arrive à un coût de production de 2 ¢ le kWh, qui paie alors pour l’électricité achetée du privé par Hydro-Québec à environ 12 ¢ le kWh, sachant que les alumineries, les papetières, les grosses compagnies paient leur électricité vendue par Hydro à environ 3 ¢ le kWh et même moins? « Des rabais d’électricité qui coûtent une fortune » (Journal de Montréal, 30 novembre 2017]. Tiens, je vous donne un indice afin de savoir qui paie : « Éolien. Les grands consommateurs ne veulent pas payer » [La Presse, 11 mai 2013].
Pendant qu’Hydro et le PLQ accordent des rabais et des prix faramineux aux entreprises [il faut inclure les serres de légumes et de pot, les centres de données, la cimenterie McInnis, etc.], on charge le gros prix aux clients résidentiels captifs. Mais dans le cas des individus, il faut que vous oubliiez ce que l’on vous a facturé en trop : « 1.4 milliard perçus par Hydro : les Québécois ne seront pas remboursés » [Journal de Québec, 5 avril 2017]. Ben quoi, il faut que le PLQ et Hydro priorisent ceux qui s’adonnent aux vraies affaires, comme les pousseux de pot : « Électricité. Tarif [très] préférentiel aux producteurs de marijuana » [Le Devoir, 17 janvier 2018]. Attention, les producteurs de pot installent au Québec seulement leurs serres, mais gardent ailleurs leur siège social et leurs usines. Ben oui, c’est avec des serres de pot très subventionnées que l’on va devenir riche au Québec, même si ces serres ne créent pratiquement aucun emploi. Des petits élus avec des petites politiques. Les mini-tarifs d’électricité sont tellement « agréables » que cela a incité nos serres de tomates, jouissant déjà de bas tarifs, de se convertir à la pousse, peut-être biologique et organique, du pot : « Pour lui [les serres Stéphane Bertrand de Mirabel], le cannabis est 10 fois plus payant que les tomates » [Le Journal de Montréal, 19 décembre 2017]. Et dire que nos politiciens nous embarquent malgré nous dans ces patentes. Et on appelle ça des entrepreneurs et créateurs de richesse. Alors maintenant, avant que j’oublie, au plaisir de lire M. Lafleur ainsi que mes lecteurs.
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