Les sondages utilisés à des fins politiques

Bba7287473caf4c2937942aa52ce2a5e

01. Actualité - articles et dossiers


André Noël - Les sondages sont loin de toujours représenter fidèlement l'opinion de la population, affirment des chercheurs québécois dans une étude qui vient d'être mise en ligne par la revue spécialisée Health Policy. Plusieurs d'entre eux utilisent une méthodologie défaillante et sont utilisés par leurs commanditaires pour faire la promotion de leur programme politique, notamment la privatisation des soins de santé.
Année après année, les sondages financés par les fonds publics, par exemple par Statistique Canada, montrent que les Canadiens et les Québécois qui ont eu recours aux services de santé au cours des 12 mois précédents sont satisfaits ou très satisfaits des services reçus. Le taux de satisfaction varie de 82% à 84%.

À l'inverse, les sondages payés par des groupes d'intérêts qui militent pour la privatisation des soins répètent à l'envi que les gens estiment que le système de santé est en crise et qu'il faut le réformer en profondeur, plus précisément en permettant le recours à des soins privés.
Contradiction
Il y a là une contradiction évidente, signalent Damien Contandriopoulos, du Département de la santé de l'Université de Montréal, et Henriette Bilodeau, du Département d'organisation et ressources humaines de l'UQAM. Selon eux, elle s'explique par la volonté des groupes d'intérêts d'utiliser les sondages à des fins politiques.
«Ces groupes peuvent vouloir savoir ce que la population pense à propos d'un certain nombre de dossiers, mais cet intérêt peut aussi être très marginal, écrivent-ils. Dans leur cas, les sondages permettent aux spécialistes des communications, aux lobbyistes et aux porte-parole de ces groupes d'affirmer, «preuve en main», que «la population est en faveur de l'option X», qui se trouve par hasard à être l'option favorisée par ces groupes.
«Par exemple, l'Institut économique de Montréal (IEM) a commandité des sondages Léger Marketing de façon récurrente pour mesurer à quel point la population est ouverte à l'idée d'un financement privé des soins de santé. Dans ses communiqués de presse, l'IEM se montre ouvertement en faveur d'un accroissement de ce financement privé. Les sondages sont utilisés à des fins politiques, comme un outil pour générer de la publicité médiatique, placer une option à l'avant-scène et légitimer le point de vue des commanditaires.»
Les questions posées dépendent de l'usage que l'on veut faire des sondages. Le choix des mots est important et oriente les réponses. Des firmes ont ainsi demandé aux Canadiens ce qu'ils pensaient du jugement Chaoulli sur une participation accrue du privé en santé, en présentant ce jugement en des termes plutôt positifs. Mais on ne leur demandait pas au préalable s'ils avaient entendu parler de ce jugement. Au moment où les questions ont été posées, il appert que la moitié des gens n'en avaient jamais entendu parler.
Sondages commerciaux, sondages privés
Les chercheurs ont analysé 52 sondages commerciaux sur la santé. Presque tous venaient appuyer la campagne menée par des groupes d'intérêt pour privatiser les soins. Ils ont tendance à montrer que les Canadiens et les Québécois sont inquiets face à l'avenir du système de santé et qu'ils ont l'impression qu'il se détériore.
En contrepartie, les sondages publics, réalisés avec des questions factuelles, donnent un tout autre portrait. Ainsi, 70% des Canadiennes qui ont dû subir une biopsie au sein affirment qu'elles ont attendu moins de trois semaines avant d'avoir cette biopsie. À l'inverse, seulement 33% des répondants aux sondages commerciaux, disséminés dans la population générale, croient que l'attente est de moins de trois semaines. Bien entendu, la vérité se trouve du côté de celles qui ont vraiment attendu pour avoir une biopsie. Mais ce n'est généralement pas ce genre de vérités que véhiculent les sondages privés.
«Les données que nous avons analysées montrent de façon claire que l'anxiété des citoyens envers leur système de santé ne provient pas de leur expérience personnelle en tant que patients, concluent les chercheurs. Au contraire, notre hypothèse est que la source de cette anxiété généralisée se trouve dans les médias, qui affirment que le système de santé présente un problème. Cette volonté de présenter la situation comme étant problématique crée chez les médias une demande pour ce genre de sondages. Au bout du compte, les sondages tendent à accroître à la fois l'attention médiatique et l'anxiété.»


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé