Les sociétés d'État québécoises - De hauts dirigeants peuvent démissionner et empocher des primes depuis 1990

Pauline Marois réclame un débat sur les contrats consentis à des gens comme Henri-Paul Rousseau

L’Empire - mondialisation-colonisation

Rien de neuf sous le soleil pour les grosses légumes. La clause qui a permis à l'ex-président de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Henri-Paul Rousseau, de toucher une pleine année de salaire, soit 378 750 $, au moment de quitter ses fonctions de son plein gré existe depuis 1990. Le gouvernement libéral l'avait consentie à Jean-Claude Delorme en le nommant numéro un de la Caisse.
En 2002, le gouvernement de Bernard Landry avait doublé cet avantage -- deux ans de salaire de base pour un président démissionnaire à la Caisse --, mais, en 2006, le gouvernement Charest avait réduit cette largesse à un an de salaire, a-t-on indiqué au Devoir hier.
Hier en conférence de presse, Pauline Marois a réclamé un débat en commission parlementaire sur la rémunération des hauts dirigeants des sociétés d'État. La demande est formulée dans la foulée des révélations concernant la juteuse indemnité de départ de 378 750 $ versée à Henri-Paul Rousseau quand il a quitté la présidence de la Caisse de dépôt et placement du Québec pour un poste dans l'empire Power Corporation.
La clause généreuse est étendue à d'autres hauts dirigeants d'organismes publics. Thierry Vandal, le président d'Hydro-Québec recevra 410 000 $, soit 12 mois de salaire, même s'il quitte volontairement ses fonctions. La politique ne s'applique pas dans le secteur privé où les hauts dirigeants ne reçoivent pas d'indemnités quand ils quittent leurs fonctions de leur plein gré.
«Il faut un débat à la commission de l'administration publique pour discuter des règles qui doivent s'appliquer pour nos dirigeants de sociétés d'État. À quels bonis ont-ils droit en fonction des objectifs fixés?», a déclaré Mme Marois, hier après-midi, à ses bureaux de chef de l'opposition officielle, à Montréal.
Au cabinet du premier ministre Jean Charest, on s'est contenté de renvoyer les journalistes aux responsables des emplois supérieurs au Conseil exécutif. La secrétaire générale associée à la communication du Conseil exécutif, Marie-Claire Ouellet, a indiqué que de telles ententes particulières étaient négociées avec les présidents de sociétés d'État à vocation dite «commerciale», comme la Caisse de dépôt, Hydro-Québec et la Société générale de financement, Loto-Québec et la Société des alcools du Québec. Au gouvernement, on fait valoir que les dirigeants de ces sociétés québécoises sont beaucoup moins rémunérés que leurs homologues ontariens. Ainsi, le président du gestionnaire de fonds de retraite OMERS reçoit un salaire de 2,24 millions tandis que le président d'Hydro One, en Ontario, encaisse 800 000 $ par an contre 390 000 $ pour le président d'Hydro-Québec.
Pauline Marois pense que cette pratique des primes, née sous le dernier gouvernement péquiste, doit être analysée à la lumière des échanges de dirigeants entre les secteurs privé et public. «Les présidents de sociétés d'État ne sont pas rémunérés à la hauteur de ce qu'ils obtiendraient dans le privé pour gérer des portefeuilles comparables. L'exemple de M. Rousseau est patent à cet égard. Mais on pourrait en prendre d'autres. Certaines rémunérations sont donc considérées comme raisonnables quand on les additionne. Elles s'ajoutent à la rémunération de base pour attirer et conserver des gens dans ces fonctions.»
Mme Marois cite l'exemple du gestionnaire du fonds Teachers' en Ontario, payé environ 1 million annuellement, avec des primes et des bonis pouvant multiplier ce montant par cinq les meilleures années de rendement.
Par contre, le versement de primes même en cas de départ volontaire lui semble plus discutable. «Dans le contexte actuel, c'est sûr que ça choque: la Caisse perd de l'argent, son p.-d.g. quitte de son propre gré et on lui verse une allocation de départ. Ça soulève un débat qui devrait se tenir [...] Il faut des règles claires pour éviter les effets pervers.»
En 2006, Henri-Paul Rousseau a touché 1,9 million de la Caisse sous forme de salaire, d'honoraires et de prime au rendement. En 2007, sa rémunération totale s'est élevée à 1,8 million. L'ex-président a quitté le navire avant que les marchés boursiers ne s'effondrent. La Caisse pourrait faire face à une perte atteignant les 20 % de son actif net, ou 30 milliards, au terme de l'année terminée le 31 décembre dernier, selon certaines évaluations. En outre, l'institution devra sans doute revoir à la baisse la valeur des papiers commerciaux adossés à des actifs qu'elle détient.
Le président du Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ), Gilles Dussault, est d'avis que l'ex-président de la Caisse de dépôt devrait rembourser l'indemnité de 378 750 $ qu'il a reçue. «Dans cette affaire, tout est parfaitement légal, mais totalement immoral», a déclaré le président du SPGQ.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->