Les quêteux

Ottawa — tendance fascisante


Quand il s'arrêtera à Halifax, à Fredericton, à Charlottetown ou à Winnipeg dans sa tournée d'autopromotion, Maxime Bernier va-t-il enfin dire à tous ces fainéants de se retrousser les manches et de cesser de quémander de l'argent à Ottawa?
Par habitant, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard et le Manitoba reçoivent des paiements de péréquation beaucoup plus élevés que le Québec et l'écart risque encore d'augmenter au cours des prochaines années avec les profits que générera la hausse des tarifs d'électricité. Qui plus est, le gouvernement fédéral refuse de mettre sur un même pied les revenus d'Hydro-Québec et ceux de son vis-à-vis ontarien, Hydro One.
Au total, cela représente des sommes plus importantes, parce que les Québécois sont plus nombreux, mais il n'y a là aucune faveur. Des sept provinces canadiennes qui touchent plus d'argent du gouvernement fédéral qu'elles ne lui en versent, le Québec en reçoit de cinq à dix fois moins par habitant que les autres, a-t-on calculé au ministère des Finances.
Peu importe, M. Bernier l'a dit: les Québécois sont des «quêteux». D'ailleurs, il ne leur suffit plus de s'offrir des services chromés aux frais des laborieux contribuables du reste du pays. Voilà maintenant qu'ils exigent plus de députés à la Chambre des communes, au mépris du sacro-saint principe du «rep by pop», la représentation selon la population.
Certes, il y a eu des moments de notre histoire commune où on a peut-être fait moins de cas, mais les injustices d'hier ne sauraient justifier celles d'aujourd'hui, n'est-ce pas?
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Il est vrai que la forte croissance de la population en Ontario et dans l'Ouest nécessite des ajustements, mais ils ne doivent pas avoir pour effet d'accentuer d'autres iniquités. Même en faisant abstraction de l'argument de la «nation», le projet de loi présenté par le gouvernement Harper pénalise le Québec.
Dans le redécoupage de 2001, il était légèrement surreprésenté. Avec 75 députés, il détenait 24,35 % des députés de la Chambre des communes, alors que ses 7,2 millions d'habitants représentaient 24,12 % de la population canadienne, soit un taux de surreprésentation de 0,23 %.
À l'époque, six autres provinces avaient déjà un taux nettement supérieur: Terre-Neuve (0,56 %), l'Île-du-Prince-Édouard (0,85 %), la Nouvelle-Écosse (0,55 %), le Nouveau-Brunswick (0,82 %), le Manitoba (0,81 %) et la Saskatchewan (1,28 %).
Sur la base de la population en 2009, le projet
C-12 fera en sorte que le Québec sera sous-représenté (-1,01 %), tandis que les six autres provinces demeureront surreprésentées. Une septième province, la Colombie-Britannique, aura maintenant un taux de sous-représentation inférieur à celui du Québec. Que voulez-vous, rien n'est parfait!
Jeudi, l'Assemblée nationale a adopté une troisième motion unanime demandant aux partis fédéraux de ne pas diminuer le poids de la représentation du Québec à la Chambre des communes. Par exemple, en lui accordant cinq sièges de plus, il serait légèrement surreprésenté (0,12 %), mais nettement moins qu'en 2001 et toujours moins que six autres provinces.
Sur le strict plan mathématique, il suffirait d'enlever quelques sièges à ces provinces et de les redistribuer dans celles où la population croît plus rapidement. Politiquement, cela n'est cependant pas possible.
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Le gouvernement Charest est bien placé pour comprendre le problème. Le Directeur général des élections avait soulevé un tollé quand il avait recommandé de faire disparaître trois circonscriptions en Gaspésie, dans le Bas-Saint-Laurent et dans Chaudière-Appalaches pour en créer de nouveaux dans la région de Montréal.
La démarche proposée dans le projet de loi dont l'Assemblée nationale a été saisie en décembre dernier est exactement la même que celle retenue dans le projet C-12. Celui-ci prévoit le gel au niveau actuel du nombre de circonscriptions dans chacune des régions, après quoi le DGE pourra en créer d'autres dans les régions plus populeuses. Selon le scénario qui sera retenu, l'Assemblée nationale pourrait accueillir jusqu'à 25 députés de plus. Dans tous les cas, le poids des régions sera diminué.
Il est possible que dans quelques années une plus faible croissance démographique que dans le reste du pays permette au Québec de retrouver un équilibre entre sa population et sa représentation à la Chambre des communes, peut-être même d'y être temporairement surreprésenté.
À terme, la diminution de son poids politique est cependant inéluctable. D'ici 25 ans, il représentera moins de 20 % de la population canadienne et la carte électorale finira par refléter cette réalité.
Il sera vain d'espérer ressusciter la garantie de 25 % des députés contenue dans l'accord de Charlottetown. Personne au Canada anglais n'entend donner une signification la moindrement concrète à la motion qui a reconnu l'existence de «nation québécoise».
Au contraire, si après six ans de gouvernement minoritaire l'ajout de 30 nouvelles circonscriptions en Ontario et dans l'Ouest peut enfin permettre de former une majorité sans le Québec, tant mieux. Évidemment, les «quêteux» vont encore se plaindre, mais ils finiront bien par avaler cette couleuvre comme ils ont avalé toutes les autres.


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