Les Québécois et la sécurité : rien d'antiaméricain!

Être anti-impérialiste sans être anti-américain - un pari...


Lorsqu'il s'agit de sécurité, le Québec a souvent mauvaise presse. Le premier problème de cette perception faussée repose sur le fait que l'on associe sécurité uniquement avec les enjeux militaires dont le dernier exemple est l'intervention canadienne en Afghanistan. Pourtant, depuis la fin de la guerre froide, les enjeux sécuritaires ont largement débordé cette dimension pour inclure une série d'éléments passant du terrorisme au risque d'une pandémie.
Pour revenir à la dimension militaire, la perception traditionnelle d'un Québec antimilitariste est souvent évoquée pour expliquer le faible appui des Québécois à la mission canadienne en Afghanistan. Pour ma part, il me semble qu'une explication alternative s'applique. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la position des Québécois vis-à-vis les questions internationales a évolué passant de l'isolationnisme au multilatéralisme.
Anti-impérialisme
Toutefois, la dimension anti-impérialisme qui existe depuis Henri Bourassa est toujours présente. Cette position qui peut s'expliquer en raison du statut minoritaire des francophones au sein de l'ensemble canadien continue à marquer la perception des enjeux internationaux. Ainsi, lorsque les politiques internationales sont perçues comme relevant de l'impérialisme, comme les politiques américaines pour justifier l'invasion d'Irak de 2003, l'opinion publique québécoise se braque.
Cette hypothèse suggère donc une explication intéressante pour comprendre la position de l'opinion publique québécoise face à l'Afghanistan. En fait, même si la mission afghane est multilatérale, elle est considérée comme une mission impériale pour l'Empire américain. Dans ce dernier cas, on peut considérer que le Québec serait aussi donc influencé par une forme ou une autre d'antiaméricanisme. Alors, qu'est-ce qui me permet d'écarter, sans nier toutefois leur présence, les deux autres explications possibles? Tout d'abord, la population n'est pas antiaméricaine.
Lors du débat sur l'intervention américaine en Irak, l'ancien ambassadeur des États-Unis Paul Celluci convenait que la position de la province ne reflétait pas une position antiaméricaine. Toutefois, elle est contre la politique étrangère de l'actuelle administration républicaine. Il s'agit d'une différence fondamentale. L'exemple le plus facile à rappeler pour illustrer ce point est bien entendu l'appui du Québec au projet de libre-échange qui a permis la concrétisation de cet accord.
Image améliorée
Sur la question militaire, depuis quelques années l'image des Forces canadiennes a été renforcée positivement grâce à des interventions lors du déluge du Saguenay en 1996 et du verglas de 1998. Le recrutement de Québécois dans les Forces canadiennes se porte très bien. Les dernières données confirment que la plupart des centres de recrutement du Québec ont atteint pleinement leurs objectifs. Finalement, l'appui des Québécois à l'intervention au Kosovo en 1999 permet d'appréhender le fait que les interventions militaires, dans un cadre considéré légitimement comme multilatéral par les Québécois, peuvent recevoir un accueil positif. Ceci permet donc de tempérer l'image souvent ressassée d'un Québec monolithique lorsqu'il s'agit de question de défense et de sécurité. Ce qui demeure profondément ancré c'est l'anti-impérialisme.
Plus globalement sur les questions sécuritaires, il convient de remarquer que les autorités québécoises ont bien pris conscience des changements. Ceci s'explique notamment par la volonté de maintenir et de renforcer la confiance américaine depuis le 11 septembre 2001. Sans faire un inventaire exhaustif des diverses mesures, il convient d'en identifier les plus saillantes.
Mesures québécoises
Par exemple, pour gérer efficacement les enjeux touchant la sécurité civile, le Québec a tour à tour mis en place un Centre de veille en sécurité civile et par la suite l'a transformé en Centre des opérations gouvernementales pour maximiser l'intervention des différents acteurs gouvernementaux en cas de sinistres. Il a aussi renouvelé sa réglementation relative à l'authentification de documents pour lutter plus adéquatement contre l'usurpation d'identité et les fraudes reliées à ce phénomène.
Lors des rencontres avec diverses autorités américaines, les capacités d'intervention des services policiers comme le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ou de la Sûreté du Québec ont été mises en valeur. Pour la SQ, la démonstration de ces capacités telle que lors du déploiement du groupe d'intervention de la SQ lors de la rencontre du Northeast Regional Homeland Security Directors en août 2004 ou encore dans le contexte de la simulation Double Impact d'octobre 2005 qui visait à évaluer, conjointement avec le Vermont, des procédures de gestions des risques chimiques, biologiques, radiologique et nucléaire en cas d'un attentat terroriste, sont des exemples concrets.
Par ailleurs, l'entente, signée le décembre 2003, entre le Vermont et le Québec relatif à l'échange de renseignements destinés à l'exécution de la loi est un autre exemple. L'objectif de cette entente est de faciliter l'échange de renseignement favorisant l'exécution de la loi entre les autorités policières du Vermont et du Québec en vue de combattre le terrorisme et le crime organisé. Outre le Vermont, le Maine, l'État de New York et le New Hampshire ont signé des ententes de coopération bilatérale en matière de sécurité et d'échange d'informations.
Par ailleurs, le Québec développe aussi son expertise en renseignement de sécurité. Ce mandat est assuré par le Centre de gestion de l'information de sécurité de la direction de la Sécurité de l'État du ministère de la Sécurité publique du Québec. Et ce ne sont que quelques exemples. Finalement, la nouvelle politique internationale du Québec accorde une place importante à la sécurité nord-américaine.
Ainsi donc, l'analyse proposée ici permet d'offrir une vision plus nuancée que les sempiternels stéréotypes qui ne font qu'obscurcir le débat et cultiver les préjugés lorsqu'il s'agit des questions de sécurité au Québec.
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Dany Deschênes, chargé d'enseignement, École de politique appliquée, Université de Sherbrooke

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