Les PPP en santé et services sociaux - Comme peau de chagrin...

PPP sous surveillance

En prenant connaissance de l'article de Jacinthe Tremblay publié cette semaine dans Le Devoir («Des PPP de plus en plus privés»), il apparaît que le gouvernement de Jean Charest poursuit indubitablement, sans égard aux générations passées et futures, la privatisation du système de santé et de services sociaux québécois.
On y apprend, entre autres, que la prestation des soins de santé dans le futur Centre hospitalier de soins de longue durée (CHSLD) du Centre de santé et des services sociaux (CSSS) Champlain, en Montérégie, sera maintenant dévolue au secteur privé. De plus, c'est sous cette formule que le projet devrait être repris dans au moins trois autres secteurs de la région.
PPP d'origine
Au départ, lorsque le gouvernement québécois a emprunté le chemin des partenariats public-privé, ces derniers étaient censés, en santé comme dans tous les autres domaines d'ailleurs, permettre à l'État de maintenir une prestation publique de services de qualité à la population par une prise en charge privée de la construction et de l'entretien des
infrastructures.
Cela pouvait être aisément conçu comme une décision de politique publique s'appuyant sur le principe de subsidiarité, les instances et institutions les plus compétentes étant identifiées, reconnues et retenues pour réaliser des tâches précises concernant le cadre bâti, autant dans sa gestion que dans sa mise en place. En aucun cas il n'a été question que les services rendus à la population le soient par des entreprises privées, et ce, encore moins dans le domaine de la santé et des services sociaux!
Objectif: rentabilité
Est-il ici nécessaire de rappeler que les entreprises privées auxquelles on s'apprête à transmettre la responsabilité totale des soins et des services de santé de CHSLD ne poursuivent, malgré toutes les façons dont on peut s'évertuer à renouveler la formulation de leur finalité, que des objectifs de rentabilité économique et financière? Cela n'est pas mal en soi et peut même contribuer à l'atteinte d'un certain bien pour la communauté, mais lorsqu'il est question d'enjeux recoupant des droits sociaux comme celui à la santé, tous les citoyens ne doivent-il pas être égaux devant l'État?
Or il est possible de se questionner sérieusement tant sur les prémisses qui sous-tendent la décision du gouvernement Charest que sur la manière dont le bien commun risque d'être malmené au terme de l'entente. Comment des représentants élus, dont le seul et unique objectif est censé être l'atteinte et la préservation du bien commun, par le service de leurs concitoyens, peuvent-ils confondre aussi sérieusement les moyens et les fins d'une politique publique? N'est-ce pas la reconnaissance de l'égale dignité de chaque citoyen devant la maladie qui devrait orienter les politiques publiques en général, partenariats public-privé y compris, dans le domaine de la santé et des services sociaux?
Surenchère
Au terme du contrat de 25 ans, ces CHSLD seront la propriété des entreprises privées qui les auront construits, entretenus et desservis. Peut-on nous dire de quels leviers le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec ainsi que les CSSS concernés disposeront pour empêcher une surenchère du coût des soins et des services dispensés dans ces centres?
La porte-parole du ministère affirme que, puisqu'il est difficile d'évaluer les besoins de la société (et donc de l'État québécois) en ce qui a trait à ces centres et comme on aura certainement réussi à trouver des remèdes définitifs à l'alzheimer alors que la majorité des patients des CHSLD en sont atteints, l'État préfère louer ces services et infrastructures. Autrement dit, l'État n'a comme seul outil de prospective l'horizon qui lui sera ouvert par la recherche et le développement de nouveaux remèdes aux maladies développées par les personnes âgées, l'alzheimer étant citée comme exemple.
Démonstration faible
Cela me semble faible comme argument, d'autant que ce même gouvernement se targue de nous rappeler que nous serons confrontés à une explosion des besoins en services et soins de santé pour une population vieillissante qui sera de plus en plus nombreuse et dont l'espérance de vie ne cesse d'augmenter... D'où l'importance d'alléger certains postes budgétaires comme la construction et l'entretien d'infrastructures du secteur de la santé et des services sociaux. Une rhétorique simple sous-tendait donc la présentation de ces PPP: avoir recours au privé pour maintenir et garantir, à long terme, le caractère public de nos services de santé, notamment.
On serait tenté de croire que c'est la cohérence de la vision qui préside aux destinées de la société et de l'État québécois qui est ici mise à rude épreuve. Or, lorsque l'on reprend la courbe des différentes politiques publiques du secteur de la santé et des services sociaux depuis le virage ambulatoire mis en place sous le leadership du gouvernement péquiste de Lucien Bouchard dans la foulée des Sommets sur l'avenir socioéconomique du Québec de 1996, on se rend compte que les dirigeants québécois manquent de tout sauf de cohérence!
Politique marchande
Pour bien saisir la logique marchande dans laquelle nos gouvernants continuent d'enliser la province, il faut se rappeler que c'est dans un contexte de restrictions budgétaires visant l'assainissement des finances publiques d'abord et, plus récemment, la réduction de la taille de l'État, qu'il a été choisi de prendre le virage ambulatoire puis celui des PPP.
Il serait ici adéquat de rappeler que ce type de politiques publiques, bien que rarement présenté sous cette forme par quelque gouvernement que ce soit, vise également -- et surtout! -- à conserver la bonne cote de l'État québécois devant les Moody's et autres prêteurs d'une économie mondiale instrumentalisée par un secteur financier triomphant.
Reprenant l'image de Balzac, c'est donc comme peau de chagrin que se réduit, avec notre consentement (puisque nos représentants élus s'en font les principaux promoteurs), l'horizon d'une société juste reconnaissant dans chaque citoyen l'égale valeur de sa personne. Comment, alors, résister à cette destruction de notre héritage collectif et retrouver le sens d'un idéal aussi fort que celui qui a inspiré ceux et celles qui nous ont légué ce Québec dont nous avons aujourd'hui la responsabilité?


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