Les parachutes dorés

L’Empire - mondialisation-colonisation

Depuis des années, Claude Blanchet n'a cessé de se faire reprocher une indemnité de départ de 257 000 $ et la pension de 80 000 $ qu'il touche annuellement, après que la SGF a perdu plus de 700 millions sous sa gouverne.
À l'Assemblée nationale, où l'opposition s'indignait des 75 000 $ que le PLQ versait secrètement au premier ministre Charest, Jean-Marc Fournier avait poussé la muflerie jusqu'à lancer à Pauline Marois qu'elle pourrait profiter de cette pension si elle survivait à son conjoint.
M. Blanchet, qui avait été nommé à la présidence de la SGF par le gouvernement péquiste, avait au moins l'excuse d'avoir été mis à la porte par les libéraux, qui l'avaient d'autant plus accablé que Mme Marois apparaissait à l'époque comme la principale aspirante à la succession de Bernard Landry.
Dans le cas de l'ancien président de la Caisse de dépôt et placement, Henri-Paul Rousseau, qui a quitté son poste volontairement pour en accepter un autre encore plus lucratif chez Power Corporation, le versement d'une indemnité de 378 000 $, comme l'a révélé La Presse, ne se justifiait d'aucune façon. Le Syndicat des professionnels du gouvernement estime qu'il devrait rendre cet argent. Et on ne parle pas de la pension à laquelle M. Rousseau a également droit.
Comme le mot l'indique, une «indemnité» de départ vise à dédommager quelqu'un pour les inconvénients que peut entraîner la fin prématurée de son contrat. Dans le cas présent, c'est plutôt la Caisse de dépôt que cette affaire a plongée dans l'embarras.
M. Rousseau est parti brusquement, alors que l'institution dont il avait la garde était menacée -- et l'est toujours -- de pertes infiniment plus importantes que celles reprochées jadis à M. Blanchet. Huit mois après son départ, la Caisse demeure toujours sans direction effective.
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Le gouvernement Charest aura beau jeu de dire que les conditions d'embauche de M. Rousseau avaient été décrétées par le PQ, mais il a par la suite étendu le principe de l'indemnité sans égard aux circonstances du départ aux dirigeants d'autres sociétés d'État, comme Hydro-Québec, la SAQ, la SGF.
Bernard Landry, qui était premier ministre quand M. Rousseau a été nommé à la Caisse de dépôt, a plaidé la nécessité de concurrencer le secteur privé, qui offre des fortunes aux meilleurs gestionnaires, mais les entreprises privées ne versent pas d'indemnité à ceux qui démissionnent pour accepter un emploi ailleurs.
Il est possible que le président de la Caisse et des autres sociétés d'État ne soient pas suffisamment payés. Si c'est le cas, que l'on augmente leur salaire au lieu de leur offrir des incitations au départ aussi alléchantes.
Un peu partout dans le monde, l'extravagance des «parachutes dorés» consentis aux dirigeants d'entreprise, notamment aux banquiers, provoque une indignation d'autant plus vive que les rendements sont désastreux.
L'automne dernier, le gouvernement belge a été le premier à légiférer pour limiter les indemnités qui peuvent leur être accordées. Le président Sarkozy menace de l'imiter si les entreprises françaises n'arrivent pas à s'autodiscipliner.
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La concurrence du secteur privé est certainement une réalité, mais il faut se méfier de certains prétextes. Il est difficile d'invoquer le privé pour justifier l'octroi d'une indemnité de 137 000 $ au commentateur sportif Claude Mailhot, qui a récemment quitté un poste de sous-ministre adjoint au ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport pour retourner à RDS. D'ailleurs, quelle expertise particulière avait-il pour qu'on le nomme sous-ministre?
Il n'y a pas que les hauts fonctionnaires ou les dirigeants des sociétés d'État, mais aussi les élus, qui sont tenus de donner l'exemple. Certes, malgré l'attrait du pouvoir, il faut offrir des conditions décentes pour convaincre des candidats de valeur de consacrer quelques années au service public, avec tous les sacrifices que cela comporte.
Pour certains, une indemnité de transition peut être indispensable. Même un politicien aussi expérimenté qu'André Boisclair a mis du temps à réintégrer le marché du travail. Bien souvent, les parlementaires perdent leur emploi parce que leur parti a été renvoyé dans l'opposition, ce qui ne facilite pas les choses.
En revanche, pourquoi un ministre comme Philippe Couillard, qui a démissionné pour se joindre à une entreprise privée dans des conditions qui soulèvent de sérieuses questions d'ordre éthique, devrait-il être indemnisé? Déjà, les contribuables ont dû assumer le coût de l'élection partielle occasionnée par son départ.
Il est vrai que ce n'est pas toujours aussi clair. Un parlementaire qui perd son élection, mais qui a conservé un lien d'emploi avec une université, doit-il être indemnisé? Celui qui démissionne pour une question de principe devrait-il renoncer à son indemnité s'il a le malheur de trouver un emploi deux semaines plus tard? D'ailleurs, qui peut dire s'il s'agit réellement de principe, plutôt que d'ambition déçue ou de frustration?
mdavid@ledevoir.com


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