Le nouvel afflux de migrants traversant la frontière par le rang Roxham pour demander l’asile au Canada alimente les conversations chez les habitants du secteur.
« Je comprends ce que ces gens vivent. Quand mes parents ont quitté Haïti pour venir ici, nous aussi, nous étions illégaux », explique Maryse Dodard, qui habite à une centaine de mètres du camp de fortune situé au bout du chemin boisé, où sont pris en charge les demandeurs d’asile.
Le passage régulier de véhicules de la douane transportant ces migrants vers des centres d’accueil renvoie cette infirmière à son histoire personnelle, elle dont le père a fui Haïti pour échapper à la répression politique quand elle avait 17 ans.
« Lorsqu’on quitte son pays, c’est qu’il y a de bonnes raisons, estime-t-elle. Les gens viennent pour avoir un toit sur la tête et un futur pour leurs enfants. »
Valeur immobilière
Alors que plusieurs riverains s’inquiètent de voir la valeur de leur propriété diminuer, notamment à cause de la circulation qu’occasionne le transport des migrants, Maryse assure ne pas s’en préoccuper.
« L’autre fois, une voisine m’a dit que nos maisons avaient perdu 20 % de leur prix, raconte-t-elle. Je ne sais pas si c’est vrai, mais je m’en fiche. Pour moi, l’argent, c’est pas tout. »
Un peu plus loin, sa voisine Susan Heller est sur la même longueur d’onde.
L’aînée, qui partage ses 80 hectares de terrain avec un cheval et quelques moutons, se dit plus dérangée par les motards en balade que par les véhicules de la douane et les personnes qu’ils transportent.
« Le Canada est un pays vieillissant, nous avons besoin de l’immigration, plaide-t-elle avec conviction. Beaucoup de ceux qui arrivent ici sont éduqués et ont des compétences. C’est notre rôle de s’assurer qu’ils soient bien reçus. »
« Voireux » et journalistes
Mme Heller prend cette responsabilité très au sérieux. L’hiver dernier, avec une vingtaine d’habitants de la zone, elle s’est rendue du côté américain de la frontière pour distribuer tuques et écharpes aux demandeurs d’asile.
Mais l’aimable grand-mère le reconnaît, tout le monde ici ne partage pas son point de vue.
« On vit l’enfer, résume un retraité qui a demandé à garder l’anonymat. Entre les douaniers, les “voireux” et les journalistes, il y a des voitures tout le temps le long de la route. »
Contrairement à la ferme de Susan Heller, la maison de l’homme se situe à proximité immédiate du point de passage des migrants.
D’un geste las, il pointe du doigt la clôture en bois qui entoure son terrain.
« On a été obligé de poser ça pour avoir un peu de paix. »
C’est le calme de cet endroit reculé qui avait séduit sa femme, il y a 20 ans.
« Y’a personne avant qui connaissait l’endroit. Maintenant, c’est connu à travers la planète », conclut-il en soupirant.
De plus en plus de demandes d'asile
En 2018 | En 2017 | |
Janvier | 2095 | 580 |
Février | 2080 | 665 |
Mars | 2400 | 1335 |
Total | 6575 | 2380 |