Fédéralisme canadien

Les malheurs de l’Ontario

La nouvelle donne change complètement la dynamique du système

Chronique de Richard Le Hir

Jour de budget hier en Ontario. À voir le peu de cas que semble en faire le Globe and Mail aujourd’hui, on pourrait croire qu’il ne s’est rien passé. À peine une chronique de Jeffrey Simpson pour signaler l’événement. Mais quelle chronique! Intitulée « Ontario lifted Canada up. Now it'll drag it down » , on y lit en filigrane l’incroyable portrait du déclin de la province qui était encore il y a peu le moteur de l’économie canadienne. Et la conclusion de Simpson est tellement noire que je risquerais de me faire taxer d’exagérer si je ne le citais pas au mot « The crumbling of Ontario, in other words, will continue. No sympathy will be found outside the province for its plight, but the repercussions will be felt across the country. » Crumbling, l’effritement!
L’Ontario en train de s’effriter! On croit rêver. C’est pourtant exactement la situation que je vous ai annoncée dans deux textes diffusés sur Vigile le mois dernier : [« Attention, M. Charest ! La Reine est toute nue »->25729], et [« Terminus : Tout l’monde descend ! »->26158] Ne me manquait que la confirmation du Canada anglais de la justesse de mon analyse. Avec la chronique de Jeffrey Simpson, c’est maintenant chose faite. Et soyez assuré que lorsqu’il recevra un petit appel d’Ottawa pour lui souligner l’usage que les indépendantistes québécois peuvent faire de ses propos stratégiquement inopportuns, il reviendra sur ses propos pour tenter de les atténuer. C’est en fait comme ça que les choses se passent dans ce « beau » pays qu’on voudrait tant à Ottawa qu’il soit aussi le nôtre.
Mais revenons sur les chiffres du budget ontarien pour tenter de comprendre un peu mieux ce qui se passe. Après un déficit pour l’année en cours qui avoisine les 21 milliards, le ministre des Finances de l’Ontario, avec ses lunettes les plus roses, prévoit une accumulation de déficits pour un total de plus de 100 milliards au cours des six prochaines années. Et il s’agit de prévisions auxquelles les observateurs informés n’accordent aucune crédibilité car elles reposent sur des hypothèses beaucoup trop optimistes quant à l’évolution des taux d’intérêt, au rythme de progression des dépenses de santé, à l’inflation, à la capacité de la province de contrôler les salaires de sa fonction publique, à la capacité du gouvernement fédéral de maintenir ses transferts aux niveaux actuels, pour ne nommer que les facteurs les plus importants.
D’ici trois ou quatre ans seulement, le fardeau de la dette de l’Ontario en proportion de son PIB aura rejoint le niveau de celui du Québec. Dans un tel contexte, on peut facilement comprendre que tous les avantages de l’Ontario sur le Québec vont fondre comme neige au soleil, et que le Québec se trouvera alors en bien meilleure position que l’Ontario du fait de son hydro-électricité alors que l’Ontario sera prise avec son éléphant blanc du nucléaire.
En fait, et on la voit maintenant foncer sur nous comme un autobus, la prochaine crise du système fédéral sera celle de la capacité d’Ottawa, dans le contexte de la crise financière dont le début remonte à 2008, de maintenir les transferts aux provinces. En 2008-2009, l’Ontario a reçu un peu plus de 16,5 milliards, et ce chiffre n’incluait aucune somme au titre de la péréquation. En 2010, le montant ses transferts fédéraux à l’Ontario atteindra les 23 milliards si le fédéral est en mesure de maintenir son effort au niveau actuel, ce qui dépendra largement de la conjoncture des prochains mois. Vu le degré d’inter-relation de l’économie ontarienne avec l’économie américaine (80%), toute lenteur ou simplement langueur dans la reprise aux États-Unis aura des conséquences très graves sur la croissance au Canada. Et il existe maintenant des signes que ce sera le cas.
Dans les années qui viennent, la preuve de la rentabilité du fédéralisme va être très difficile à faire, et la preuve de sa non rentabilité va être beaucoup plus facile à faire. C'est aussi la fin du chantage à l'exode, car la vie ne sera pas plus facile ailleurs. En fait, elle pourrait même l'être moins, si l'on en juge par le renversement de négatif à positif du solde migratoire interprovincial depuis deux ou trois ans. Quand je dis que la conjoncture ne sera jamais meilleure pour que le Québec devienne indépendant, c’est de ça que je parle. J’espère qu’il y a quelqu’un qui m’entend.


Laissez un commentaire



9 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    14 avril 2010


    Monsieur LE HIR
    Si vous êtes intéressé, je pourrais vous fournir une copie de Géopolitique et
    avenir du Québec, avec la carte géographique et stratégique qui correspond,
    préparée par mon collègue Léonce Naud. Les nouvelles cartes satellites sont indispensables aux études géopolitiques qui débouchent sur la stratégie d'État.
    Est-ce que vous serez présent au banquet du 24 mai prochain au motel
    Universel, situé à 5000 rue Sherbrooke Est. J'apporterai alors une copie du livre et une carte et je pourrai vous fournir quelques explications. La méthode est très simple.
    Salutations
    JRMS

  • @ Richard Le Hir Répondre

    14 avril 2010

    @ JRMS
    Monsieur Sauvé,
    Je n'ai pas vos connaissances en géo-stratégie, ni celles des détails des différentes implantations de population dans le sud-ouest de l'Ontario et des raisons qui les avaient poussées à s'établir dans cette région. Je vous remercie donc de contribuer à mon éducation.
    Je connais cependant beaucoup mieux le pouvoir répulsif des impôts et des taxes. Au cours des quarante dernières années, les impôts et les taxes étaient plus faibles en Ontario qu'au Québec. La volée que vient de manger l'Ontario au cours des cinq dernières années va avoir des conséquences dramatiques sur l'évolution des finances publiques de cette province au cours des prochaines années.
    Tout va y passer, dans la mesure où l'économie ontarienne est davantage intégrée à celle des États-Unis que la nôtre. Et aujourd'hui justement, le président de la FED a encore répété devant le congrès que la reprise allait être lente et qu'il fallait envisager une hausse importante de tous les impôts et taxes pour que le déficit accumulé puisse être résorbé à un niveau acceptable.
    Le problème de non-compétitivité fiscale que traîne le Québec depuis 40 ans se trouve réglé au point que la fiscalité ne constituera plus un motif d'exode. Au contraire, le mouvement risque de s'inverser. Voilà donc pourquoi il devient urgent de faire l'indépendance si nous voulons éviter d'être noyés sur notre propre territoire.
    Richard Le Hir

  • Archives de Vigile Répondre

    14 avril 2010


    Il fallait s'y attendre Monsieur LE HIR. Dans les basses terres des grands Lacs, le centre de gravité de l'économie canadienne, orangiste et loyaliste, est enclavé et isolé de l'océan, tant par la distance que les obstacles.
    Orangistes et Loyalistes ont cependant étés bien obligés de déménager hors du Québec alors que le canal Érié construit par les Newyorkais et ouvert en 1825 plaçait l'État de New York en position de force avec Buffalo, sa tête de pont sur les grands Lacs.
    Maintenant que le temps a fait la preuve des limites de cette région dans laquelle Orangistes et Loyalistes ont cru fonder leurs pouvoirs, il existe pour nous un réel danger de ressac de ces mêmes Orangistes et Loyalistes vers le Québec par le truchement d'Ottawa. Raison de plus pour nous de réaliser notre État et en assurer la défense.
    Cordiales salutations
    JRMS
    R

  • Archives de Vigile Répondre

    27 mars 2010

    Je vous invite à lire le rapport du Vérificateur général du Québec pour 2009-2010.
    [« Au 31 mars 2009, la dette du Québec était plus élevée que celle de tous les autres gouvernements du Canada.»]
    [« Un fort niveau d’endettement peut limiter considérablement la marge de manoeuvre d’un gouvernement car plus le service de la dette engage une partie importante des revenus de l’État, moins il reste des sommes disponibles pour assurer le financement des dépenses de programmes. En outre, le niveau d’endettement d’un gouvernement peut le rendre vulnérable à des fluctuations importantes des taux d’intérêt. »]
    Chapitre 3 ; Portrait de l’endettement du Québec au 31 mars 2009
    Dette totale ; 130,4 milliards (exclus du calcul du ministre les emprunts qu’il fait par «autre que le gouvernement» ).
    Dette à long terme du secteur public ; 218,6 milliards ( ex.des emprunts pour payer des pensions que l’État ne budgéte pas depuis longtemps ).
    Remarques ;
    Au 31 mars 2008,le déficit cumulé du Québec était de 94,2 milliards,selon le précédent rapport du Vérificateur général.
    Dans la semaine qui vient, le Ministre des Finances nous annoncera un déficit cumulé plus grand.
    Complément de lecture; Sortir le Québec du Rouge

  • Archives de Vigile Répondre

    27 mars 2010

    USA: 1800 milliards: 6,000$ per capita
    Canada: 56 milliards, 1700$ per capita
    Ontario: 21,9 milliards, 1700 per capita
    Alberta: 4,6 milliards,. 1600$ per capita
    Québec 5 milliards(?), un ridicule 640$, un tiers de l'Ontario, un dixième des USA

    Le Québec, avec deux fois et demi la population de l'Alberta, avec un service de la dette de 6,2 milliards, avec des garderies à 7$, des congés de parentalité, des universités à 2k par année et sans pétrole, à le même déficit que la riche Alberta!

    Et la meilleure: saviez-vous qu'il y avait plus d'Albertains qui venaient maintenant s'établir au Québec que de Québécois qui vont maintenant en Alberta? (voilà pour le mythe du Québec qui se vide!)

  • Archives de Vigile Répondre

    26 mars 2010


    Je suis très content que l'Ontario vive de gros problèmes financiers et de chômage.Il était temps que des malheurs lui tombent sur la tête.Cette province,ses médias,sa population a longtemps bavé sur le Québec.Elle disait «I love you» en gardant Trudeau et Chrétien au pouvoir, fière que ces francos fassent chier le Québec.Juste retour d'ascenceur.Vive l'équité dans la petite misère économique canadian.
    Bientôt un nouveau parti hyper conservateur va prendre le pouvoir dans la riche Alberta qui vit sans péréquation.Pourquoi ce parti va gagner? Il se bat pour la disparition de la péréquation.Il est indépendantiste comparé au PQ.La province se fout de plus en plus des réactions USA.Elle a un nouveau gros actionnaire pour son sable bitumineux,la Chine qui l'écoeure pas avec des règles d'environnement,un investisseur avec beaucoup de milliards et qui a très faim d'énergie fossile.
    Pendant ce temps au Québec;
    « L’ensemble des paiements de transferts associés à la péréquation représente 15 milliards de dollars pour le Québec. C’est 24% de l’ensemble de nos revenus.Ce n’est pas vrai que le Québec peut se passer de sommes aussi considérables . »
    Par La vice-première ministre du Québec, Nathalie Normandeau.
    Je partage l'idée qu'il faut l'indépendance au Québec et qu'elle nous enrichira.Avec l'indépendance,plus besoin de quêter le gouvernement du Canada pour recevoir du BS.Mais ce n'est pas le PQ qui va nous donner ce magnifique cadeau...sauf s'il se transforme radicalement en une Union nationale des indépendantistes,actuellement éparpillés,divisés,en opposition et peu nombreux dans une nation francophone qui semble bien heureuse,qui jouit de rester minoritaire dans la fédération monarchique du Canada.
    Tant pis si le Québec en souffre.Qu'il continue de s'en foutre de vouloir,d'avoir peur de faire l'indépendance.

  • Lionel Lemay Répondre

    26 mars 2010

    Les Ontariens sont pris de panique. Ils ont fermé plusieurs usines au Québec depuis un an et transfèrent leurs opérations en Ontario. Encore aujourd'hui, on apprend que Smuckers ferme son usine de Ste. Marie de Beauce et l'installe près de Orillia et que Weston de Longueuil déménage aussi sa boulangerie en Ontario. On renfloue les difficultés financières de l'Ontario aux dépens du Québec, ce qui ne me surprend plus. Ils nous aiment tellement qu'ils ne peuvent pas se passer de nous.
    Contrairement au dicton, on ne peut pas dire que les malheurs de l'Ontario font le bonheur du Québec.
    L. Lemay

  • Archives de Vigile Répondre

    26 mars 2010

    Dans ce contexte il est à prévoir que la péréquation sera remise en question. Pas question de faire des cadeaux au Québec quand cela va aussi mal.
    La Fin de la péréquation:
    (...)
    Selon cette même étude, les 2 grands perdants de la péréquation sont l’Ontario (20 Milliards et l’Alberta (8 Milliards) ; justement ceux qui sont les plus durement touchés par la crise actuelle :
    L’Ontario a déjà perdu 300 000 emplois manufacturiers, et se dirige vers 500 000. C’est la base de sa prospérité qui s’érode ainsi et qui, en grande partie, ne reviendra plus. Cette province jadis le moteur économique du Canada sera méconnaissable à la fin de la crise. Pas étonnant que cette province veut rétablir l’équité dans la fédération (Fairness in Confédération ; the Ontario Perspective) (2). Entre autres mesures, la contestation en cour de la constitutionnalité de la péréquation et la renégotiation des termes de l’Assurance emplois qui lui sont actuellement défavorables ; l’Ontario menace même de mettre son propre programme en place si elle n’obtient pas les correctifs désirés.
    L’Alberta dépend du prix du pétrole, qui doit dépasser 70-80 $ (coût de revient), pour assurer sa prospérité. La baisse de la demande due à la crise a fait tomber ce prix autour de 50 $ ; conséquence des investissements de 45 Milliards $ sont, soit gelés remis à plus tard ou abandonnés. Une baisse prolongée des prix du brut mènera à l’effondrement économique de cette province.
    Dans ces circonstances d’une crise qui s’annonce plus longue que prévue (Banque du Canada et FMI), il devient de moins en moins tolérable pour ces 2 provinces de contribuer plus qu’elles ne reçoivent de la fédération ; surtout si elles perçoivent que le grand gagnant du système est le Québec !
    D’où la remise en question de la péréquation dont a fait écho The National Post. Avec laquelle proposition M Camil Bouchard est d’accord. Enfin une bonne nouvelle, le Parti Québécois vient de comprendre que le Québec n’a rien à gagner à pratiquer une politique de la mendicité envers Ottawa. A-t-il compris que la remise en question du programme de la péréquation, le ciment de la Constitutions canadienne, ouvre de nouvelles perspectives pour le Québec ; laissant entrevoir la fin du Canada de Trudeau et la possibilité de sortir enfin de la cage à castor canadienne dans la dynamique que cela créerait.
    Une bonne raison pour en finir avec la péréquation.
    http://www.vigile.net/Pour-en-finir-avec-la-perequation
    ........
    Depuis la publication de ce texte, l'Alberta s'est donné un Pitt Bull comme ministre des finances, M Morton. Son ordre du jour: L'abolition de la péréquation !
    JCPomerleau

  • Archives de Vigile Répondre

    26 mars 2010

    M Le Hir vous dites: "Et il s’agit de prévisions auxquelles les observateurs informés n’accordent aucune crédibilité car elles reposent sur des hypothèses beaucoup trop optimistes quant à l’évolution des taux d’intérêt,"
    Il semble que le signal déclencheur de hausse des taux d'intérêts est arrivé sur l'écran radar des marchés aujourd'hui. Certains voudraient que se soit un simple "blip" technique.:
    http://www.theglobeandmail.com/report-on-business/economy/us-bond-rates-raise-alarm/article1513879/
    Quelques extraits:
    (...)
    "It's the moment bond vigilantes have been waiting for.
    Three times this week, the U.S. government was forced to pay sharply higher rates on tens of billions worth of Treasuries to entice buyers – an ominous sign that global investors may be losing faith in the United States' ability to manage its swelling debt load. (...)
    The yield on 10-year U.S. Treasuries is now just shy of 4 per cent – its highest level this year and roughly where it was at the peak of the 2008 credit crisis. Yields are up 25 basis points in the past week alone.
    Economists warn that higher interest rates could cut off credit to business and homeowners, and short-circuit the fragile U.S. recovery. (...)
    “The trend promises to get worse, not better,” (Bill Gross, managing director of Pacific Investment Management Co.)
    .............
    Si la tendance à la hausse se maintient nous sommes dans la deuxième phase de la crise systémique globale prévue par Le Laboratoire Européen d'Anticipation Politique (LEAP 2020) :
    http://www.leap2020.eu/GEAB-N-43-est-disponible-!-Les-cinq-sequences-de-la-phase-de-dislocation-geopolitique-globale_a4411.html
    ..............
    JCPomerleau
    P.s M Le Hir votre contribution nous fait prendre conscience que notre combat a aussi une dimension économique et qu'il importe au plus haut point de comprendre le contexte et la situation à cet égard. Merci d'être là, votre présence est très appréciée.