On parle souvent du contrôle absolu que Stephen Harper exerce sur l'aile parlementaire de son parti, mais Jean Charest n'a pas grand-chose à lui envier à ce chapitre. On n'entend plus la moindre critique à son endroit.
Il est vrai qu'au fil des ans, le premier ministre a fait en sorte que tous les esprits le moindrement indépendants disparaissent du paysage: Yves Séguin, Thomas Mulcair, Russel Copeman, Philippe Couillard...
Je veux bien croire que M. Charest a une relation symbiotique avec ses députés, comme c'était jadis le cas de son mentor, Brian Mulroney, mais réussir à imposer une telle discipline à un caucus qui compte autant d'anciens ministres rétrogradés sur les banquettes arrière constitue un véritable exploit. Même Pierre Paradis ronge son frein en silence, ou presque.
Lors du dernier remaniement ministériel, le premier ministre a préféré renoncer aux avantages d'une injection de sang neuf pour éviter de frustrer ceux qui auraient été laissés sur le carreau. Ceux qui espèrent encore que leur tour viendra se tiendront tranquilles.
Comme il fallait s'y attendre, les députés libéraux se sont rangés d'un bloc derrière leur chef au terme de cette pénible semaine. Ils semblent être presque les seuls au Québec à croire sa version plutôt que celle de Marc Bellemare.
En réalité, ils sont les mieux placés pour apprécier les accusations de l'ancien ministre de la Justice. La différence est qu'ils n'ont aucune objection à ce que les collecteurs de fonds du PLQ imposent leurs candidats à la magistrature, si cet argent leur permet d'être élus.
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Évidemment, si cela devenait un obstacle à leur réélection, ce serait une tout autre affaire. Si ceux que Jean Chrétien appelait les «Nervous Nellies» commencent à s'inquiéter, la position de M. Charest deviendra rapidement intenable. Les véritables crises de leadership proviennent toujours du caucus.
Au début de l'été, on s'accordait à dire qu'il n'y avait aucune urgence à réfléchir sérieusement à la nécessité de changer de chef. Certes, la session parlementaire du printemps avait été cauchemardesque, mais elle s'était quand même terminée sur une bonne note avec une entente inespérée avec l'ensemble des employés de l'État, hormis les infirmières.
Le moins qu'on puisse dire est que la rentrée s'annonce mouvementée. Soit, la commission Bastarache n'en est qu'à ses débuts, mais l'intérêt de la population pour un exercice qui aurait dû servir d'éteignoir a de quoi inquiéter sérieusement les libéraux. Selon le dernier sondage Léger Marketing-QMI, 79 % des Québécois ont dit suivre ses travaux, ce qui se compare avantageusement à ceux de la commission Gomery.
À quoi bon avoir refusé obstinément pendant un an de déclencher une enquête sur la corruption dans l'industrie de la construction, que le Québec tout entier réclamait, si c'était pour ouvrir une autre boîte de Pandore?
Même si M. Bellemare a témoigné avec un remarquable aplomb cette semaine, tout dans le personnage aurait dû inciter à prendre ses propos avec un grain de sel. Au contraire, sept Québécois sur dix croient plutôt que c'est le premier ministre qui ment. M. Bellemare sera contre-interrogé en début de semaine prochaine, mais trop d'agressivité à son endroit pourrait aussi bien avoir pour effet de le faire passer pour une victime qui doit absolument être sacrifiée pour sauver la face du premier ministre.
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Quoi qu'ils puissent en dire, tous les dirigeants politiques sont soucieux de ce que la postérité retiendra d'eux. Jean Charest ne fait sûrement pas exception. À ce stade de sa carrière, il ne pouvait pas se satisfaire d'être simplement disculpé par un juge qui n'aurait pas trouvé les accusations de Marc Bellemare assez étayées. Devant le tribunal de l'opinion publique, un acquittement pour absence de preuves formelles ne suffit pas.
Personne n'a pu prouver que Brian Mulroney a reçu des pots-de-vin pour favoriser l'achat d'appareils Airbus à l'époque où il était premier ministre, mais l'affaire Schreiber ne le hantera pas moins jusqu'à sa mort.
Pour rééquilibrer un peu la balance, M. Mulroney peut au moins évoquer le traité de libre-échange avec les États-Unis, la création de la TPS et, malgré les échecs de Meech et de Charlottetown, un effort courageux pour ramener le Québec dans le giron constitutionnel. Dans son propre bilan, M. Charest n'a malheureusement rien de comparable à faire valoir.
Il se retrouve actuellement dans une situation un peu semblable à celle de son ami Nicolas Sarkozy. Comme la France, le Québec s'est plutôt bien tiré de la crise économique, mais il souffre d'une sorte de crise morale à laquelle M. Charest et son gouvernement ont puissamment contribué.
Peu importe le parti, la place que leur chef occupera dans les livres d'histoire n'est pas la plus grande préoccupation des Nervous Nellies. L'important est qu'il ne constitue pas un embarras dans l'immédiat. Il est vrai que des élections au Québec ne sont pas pour demain. Précisément, si la commission Bastarache devait mal tourner, le prochain chef n'aurait pas trop de temps pour réparer les dégâts.
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mdavid@ledevoir.com
Les <i>Nervous Nellies</i>
Il se retrouve actuellement dans une situation un peu semblable à celle de son ami Nicolas Sarkozy. Comme la France, le Québec s'est plutôt bien tiré de la crise économique, mais il souffre d'une sorte de crise morale à laquelle M. Charest et son gouvernement ont puissamment contribué.
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