Beaucoup semblent aujourd’hui se complaire dans l’état de domination institutionnalisé d’une nation envers une autre, qui s’opère via le cadre politique fédéral. Les mots peuvent a priori choquer; il n’en demeure pas moins que cela correspond à une domination, légale et non-violente car institutionnalisée. Nous en avons vu les effets dernièrement avec le jugement sur la loi 104 de la cour suprême du Canada, nous l’avons vu avec Copenhague aussi; les ténors du gouvernement fédéral s’empressant de remettre le Québec à sa place.
Domination comme décrivant un contexte particulier dans lequel un groupe, ici la nation canadienne-anglaise, est en mesure de s’imposer vis-à-vis une autre, la nation québécoise, dans un espace social, géographique, institutionnel et politique donné. Qui détient le monopole de la violence légitime au sens wébérien, détient le véritable pouvoir politique. En ce sens, le pouvoir véritable car ultime, et seul palier de gouvernement détenant la clé constitutionnelle, émane du gouvernement fédéral. Dans le cadre fédéral actuel, l’État Québécois peut se prendre pour un État-nation tant qu’il voudra, il demeure un État diminué, un infra-État.
Une domination formelle car quantitative, mais opérant dans le réel aussi. Quel groupe est majoritaire dans toutes les institutions politiques et juridiques? N’ayons pas peur des mots; le cadre constitutionnel canadien relègue la nation québécoise au statut institutionnalisé de minorité, de facto, dominé politiquement par la nation canadienne-anglaise.
Est-ce qu’une telle domination favorise une relation saine au sein d’un couple? J’aimerais suggérer que non seulement ce type de relation n’est pas sain, mais qu’il contribue aussi fortement, mais non exclusivement, à alimenter certains maux qui affligent actuellement la société québécoise.
***
En effet, plusieurs défis imposent actuellement une remise en question de l’identité québécoise. Jamais la société québécoise n’a-t-elle fait face à une immigration si massive et hétérogène. Il s’agit donc d’une période transitoire clé dans l’affirmation de son identité nationale. L’immigration n’est ni bonne ni mauvaise en soi; elle est ce qu’on en fait. Une intégration réussie permet un enrichissement mutuel indéniable, alors que l’application actuelle du multiculturalisme de la constitution canadienne divise beaucoup plus qu’il ne réconcilie. Il permet aux nouveaux arrivants de « demeurer ici tout en vivant ailleurs ».
En voulant inclure, l’État divise, ouvre la voie vers la balkanisation. En voulant réconcilier, on nie progressivement la singularité de la nation québécoise, et quoi de plus normal dans un tableau canadien où prétendre à sa simple existence constitue un problème: le problème.
Une nation, ce ne sera jamais un buffet ouvert. Actuellement, nos élites renonçantes nous disent qu’être québécois c’est avoir la permission d’habiter dans cet ensemble géographique qu’est le Québec et préférablement cocher la case « français » dans les langues parlées du formulaire d’immigration. C’est bien, mais insuffisant. Être québécois, c’est avant tout accepter implicitement la problématique centrale à laquelle fait face la nation: la domination de la nation canadienne-anglaise sur la nation québécoise. Qu’importe maintenant si on la considère bénéfique ou non, ou quelle position on adopte vis-à-vis la question nationale.
Ainsi, les élites du nationalisme renonçant s’étonnent de constater la montée du cynisme politique, qui, en tout temps, me semble-t-il, a eu pour cause principale une inadéquation persistante entre l’élite gouvernante et la population. Nul doute pour moi; le cynisme politique des québécois n’échappe pas à cette règle.
Au Canada-anglais, on accuse les Québécois de xénophobie, de renfermement sur eux-mêmes. Quoi de plus normal pour une population dont les élites renoncent à affirmer la nation québécoise, privant celle-ci de ses repères traditionnels. À en croire maintenant l’État québécois, la nation québécoise, jadis de langue française, est maintenant en voie de devenir bilingue. Cet État que l’on croyait laïque pour le bien de tous, se range maintenant du côté des intérêts religieux individuels, quitte parfois à renier les fondements mêmes du mieux-vivre collectif comme l’égalité homme-femme.
Présentement le gouvernement de Jean Charest renonce. On est des fédéralistes-(nationalistes?) fatigués. Fatigués oui, fatigués d’exister et d’affirmer l’existence d’une nation québécoise qui constituerait autre chose qu’un régionalisme folklorique, laquelle n’a pas sa place dans le cadre constitutionnel de la fédération canadienne. Alors effaçons-nous, cédons encore un peu plus. Dans l’idéologie du fédéralisme-nationalisme, ça fait 40 ans qu’on recule, qu’on tergiverse, qu’on invente des formules creuses qui une fois confrontées au réel s’avèrent être un échec de plus. Aujourd’hui, les fédéralistes-nationalistes semblent être arrivés à la conclusion que le problème principal de la fédération canadienne, c’est la nation québécoise. Oublions le rapatriement unilatéral de 1982, oublions les deux solitudes; sommons ce peuple réfractaire de se mettre à genou, une fois de plus, nos élites manquant à se lever.
Au nom du fédéralisme canadien, du multiculturalisme et de cette élite du renoncement national, Jean Charest et son gouvernement ont maintenant choisi de ne plus être les continuateurs du Québec moderne.
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5 commentaires
Jean-François-le-Québécois Répondre
1 janvier 2010@ Mathieu Pelletier:
«Beaucoup semblent aujourd’hui se complaire dans l’état de domination institutionnalisé d’une nation envers une autre, qui s’opère via le cadre politique fédéral...»
C'est le cas, notamment parce que trop de Québécois disent qu'ils ne s'intéressent pas à la politique, ou qu'ils en sont dégoûtés, etc, etc...
Trop de gens, chez nous, ne comprennent pas qu'en ne s'informant pas de ce qui se passe, et en exerçant pas leur droit de vote, ils choisissent de laisser les forces fédéralistes continuer à asservir la nation québécoise.
Gilles Bousquet Répondre
30 décembre 2009À M. Mathieu Pelletier qui écrit : «Quant à une confédération d’États souverains, cette idée déplait clairement à une majorité de canadiens-anglais et est en conséquence politiquement invendable à l’échelle canadienne.»
Vous avez raison mais, la séparation du Québec est encore moins vendable dans le ROC. Si vous y allez seulement avec ce qui attire le ROC et le Québec anglais, le Québec va simplement demeurer dans la fédération centralisatrice et anglicisante actuelle.
Pour avoir une confédération faudrait négocier avec le ROC en bloc ou avec l’Ontario seule qui pourrait bien vouloir en profiter pour se sortir du Canada tel que nous le connaissons. Ça serait l’ancien Haut-Canada et l’ancien Bas-Canada qui formeraient une vraie confédération canadienne, laissant les Maritimes et l’Ouest canadien, à leur choix de s’unir comme États souverains « au Canada central », formant ainsi 4 ou 5 États souverains, si la Colombie britannique voulait former un État souverain aussi.
L'idée de bas étant de trouver ce qui pourrait rallier plus de Québécois avant d'aller en parler au ROC ou à l'Ontario. Faute de pain...
Mathieu Pelletier Répondre
30 décembre 2009@ M. Bousquet
J'évite les prescriptions dans ce texte puisque aucune ne me semble a priori évidente. De plus, par rapport aux différentes réponses que vous suggérez pour régler la problématique que je soulève dans ce texte, il me semble qu'une résistance effective devrait émaner d'un sentiment de grogne générale plus ou moins prononcé envers l'État fédéral et la constitution canadienne, ce que je ne crois pas être le cas présentement... même chose pour l'obtenttion d'un OUI clairement majoritaire suite à un hypothétique référendum. Quant à une confédération d'États souverains, cette idée déplait clairement à une majorité de canadiens-anglais et est en conséquence politiquement invendable à l'échelle canadienne.
Pour faire écho au second commentaire, je crois que seul un leader charismatique pragmatique et prêt à pratiquer la "diplomatie à haut risque" à la tête du gouvernement québécois peut faire bouger les choses.
Archives de Vigile Répondre
30 décembre 2009Si vous aviez à nommer parmi la population du Québec un leader politique favorable à la création du pays Québec, ayant la capacité d’unifier toutes les forces souverainistes québécoises et de conduire le peuple québécois vers la réalisation de cet objectif ultime, quel serait le nom de cette personne ? Je sais que ce serait le travail d’une équipe, mais avons-nous ce type de leader présentement ?
Etre un leader politique ayant de telles capacités, c’est rare par les temps qui courent.
Je ne le dis pas comme un reproche aux gens de bonne volonté, mais comme une condition nécessaire à la réussite d’un tel projet. C’est du moins ma conviction. Les humains ont un petit côté animal à ne pas négliger malgré le monde des idées.
Gilles Bousquet Répondre
30 décembre 2009Très bonne analyse m. Pelletier mais on fait quoi maintenant ?
Nos élites qui sont en affaires n'osent pas trop se prononcer sur la constitution et l'anglicisation pour se couper de la clientèle et les autres, sont occupés dans le privé encore dominé par les fédéralistes et le public, dominé par M. Charest, un full-fédéraliste très provincial, les 2 mains sur la roue du Québec et les 2 pieds dans le ciment fédéral.
Les seuls qui peuvent se prononcer ouvertement et assez librement et agir sur ces sujets, sans trop de peurs et de reproches, sont nos députés, quelques employés de l'État québécois, protégés par leurs conventions collectives et les retraités.
On doit se contenter de faire dans la résistance en attendant d’être assimilés ou d’être assez nombreux à croire à la souveraineté du Québec pour élire un parti souverainiste et voter un solide OUI à un prochain référendum à une solution de souveraineté pure ou de vraie confédération d’États souverains. No other way out.
C'est la grâce que je nous souhaite...amen.