Les droits protégés au Commonwealth

17 avril 1982 - la Loi sur le Canada (rapatriement)

Ottawa -- En matière de protection des droits et libertés de la personne, les juges canadiens, ex-æquo avec les juges américains, trônent au sommet de la pyramide du pouvoir, selon Janet Hibert, professeure d'études politiques à l'université Queen's.

Ici, les juges ont le pouvoir suprême d'invalider des lois jugées inconstitutionnelles parce que non respectueuses de la Charte canadienne des droits et libertés. À part les États-Unis, les magistrats d'aucun autre des pays anglo-saxons auxquels le Canada se compare souvent ne détiennent un tel pouvoir.
En Grande-Bretagne, explique Mme Hibert, une loi sur les droits humains a été promulguée en 2000. Elle n'a pas valeur constitutionnelle, mais découle plutôt d'un traité européen. Les tribunaux qui concluraient qu'une loi du gouvernement y contrevient n'ont pas le pouvoir de l'invalider, mais plutôt d'émettre une «déclaration d'incompatibilité». Le gouvernement a le choix de respecter ou non cet avis (quoiqu'en ne le respectant pas, il s'expose à une contestation devant les instances européennes).
Toutefois, selon Mme Hibert, le poids politique d'un non-respect est devenu l'équivalent, en Grande-Bretagne, de l'utilisation au Canada de la désormais honnie clause nonobstant. «C'est extrêmement politique. Si une telle déclaration survient, il y a une très forte pression pour corriger la loi fautive.»
En Australie, les gouvernements d'un territoire et d'une province se sont dotés d'une loi imitant ce modèle britannique.
À l'autre extrême, continue Mme Hibert, se trouve la Nouvelle-Zélande. Là, le gouvernement s'est doté d'une loi en 1990, mais la marge de manoeuvre des tribunaux est extrêmement limitée. «Les tribunaux sont supposés interpréter les lois d'une manière qui soit compatible avec les droits reconnus, mais si c'est impossible, il n'y a rien qu'ils puissent faire», dit-elle.
Prenons pour exemple une loi néo-zélandaise qui accorderait des bénéfices aux familles, mais qui ne définirait pas ce qu'est une famille. Interpellés, les tribunaux devraient interpréter le mot «famille» de manière non discriminatoire, donc comme incluant les couples de même sexe. Par contre, si le gouvernement spécifie dans sa loi qu'il entend par famille seulement celles formées d'un couple hétérosexuel, les tribunaux n'y pourraient rien.
«L'attente générale envers la révision judiciaire est que cette pression fera en sorte qu'il sera difficile pour le gouvernement d'ignorer les droits. Cela n'a pas vraiment eu cet effet en Nouvelle-Zélande», conclut Mme Hibert.
Janet Hibert rappelle que «le Canada a donné à tous ces autres pays l'idée» de ne pas laisser aux tribunaux le mot final. «Nous avons inventé la clause dérogatoire.» Toute décriée soit-elle, «la clause nonobstant canadienne a été interprétée comme une façon différente [des États-Unis] d'entrevoir le rôle des tribunaux. Avant cela, la plupart des gens concluaient que la révision judiciaire [instaurée par Charte ou son équivalent] équivalait à la suprématie judiciaire. La clause nonobstant a au moins introduit cette idée qu'on pouvait être en désaccord avec les tribunaux. Elle a conduit d'autres pays à se doter de lois sur les droits tout en conservant le mot de la fin.»
Mme Hibert rappelle en outre que le Canada n'a pas le monopole du débat sur le pouvoir des tribunaux dans un contexte de protection des droits. En Grande-Bretagne, par exemple, les tribunaux ont été très critiqués pour avoir invalidé certains aspects de la loi antiterroriste.


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