Les dangers de la camomille

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État des lieux

Dans son film À hauteur d’homme, le cinéaste Jean-Claude Labrecque a laissé un témoignage saisissant de la campagne péquiste de 2003, dont Pauline Marois était l’organisatrice en chef.

De façon inattendue, Bernard Landry avait réussi à redonner de l’élan à son gouvernement, malgré l’usure de neuf ans de pouvoir, et il s’était lancé sur les routes du Québec fort d’un taux de satisfaction qui dépassait les 50 %. Il avait fait adopter par le conseil national du PQ une plateforme électorale aseptisée, qui renvoyait la souveraineté aux calendes grecques. Durant les premiers jours de campagne, il se vantait de pouvoir s’autoriser une sieste quotidienne et ses adjoints avaient eux-mêmes qualifié sa campagne de « camomille ». On connaît la triste fin de l’histoire.

En lançant sa campagne, la première ministre Marois s’est bien gardée de prononcer les mots « souveraineté », « référendum » ou même simplement « Ottawa ». C’est tout juste si elle a fait une rapide allusion à la charte de la laïcité, qui a pourtant été au centre du discours péquiste depuis six mois. Elle s’est également bien gardée de laisser aux journalistes l’occasion de l’interroger sur ces sujets ou sur tout autre.

On en saura un peu plus sur les projets d’un gouvernement péquiste majoritaire lors du dévoilement de la plateforme, au conseil national de la fin de semaine prochaine, mais Mme Marois a manifestement voulu donner un ton rassurant à son début de campagne. C’est la première fois qu’elle se présente devant l’électorat en étant perçue comme la plus apte à diriger le Québec, mais c’était aussi le cas de M. Landry il y a 11 ans. Si le dernier sondage Léger Marketing-QMI brosse un portrait exact de la situation, l’avance du PQ est beaucoup trop fragile pour que Mme Marois puisse s’offrir le luxe d’une campagne camomille.

Comme Jean Charest en 2003, Philippe Couillard se dit déterminé à livrer le combat de sa vie et il a sorti l’artillerie lourde d’entrée de jeu. Apprendre à « détester » l’adversaire est d’ailleurs un conseil que M. Charest avait donné aux députés libéraux dès qu’il avait débarqué à Québec en 1998. On avait cru comprendre que son successeur voulait faire de la politique autrement, mais M. Couillard doit précisément faire oublier au plus vite le personnage erratique de la dernière année.

Tenter de se rapprocher de la population en utilisant un langage moins cérébral n’est pas une mauvaise idée, mais cela ne justifie pas le simplisme. Prétendre que la réponse aux préoccupations identitaires des francophones réside dans la création d’emplois est une véritable insulte à l’intelligence. Il sera intéressant de voir comment M. Couillard va expliquer à ses électeurs de Roberval, très favorables à la charte de la laïcité, qu’elle est simplement le fruit empoisonné de la paranoïa du PQ.

Le chef libéral va un peu vite en affaire en disant que la réélection du gouvernement Marois est « l’assurance d’un référendum sur la séparation du Québec », même si c’est sans aucun doute le voeu le plus cher du PQ, mais les libéraux doivent impérativement rapatrier les électeurs fédéralistes stationnés à la CAQ, qui ont cru à la possibilité de mettre la question nationale de côté, précisément pour s’occuper des « vraies affaires ».

François Legault s’est bien gardé de renchérir sur « l’agenda caché »de la première ministre. S’il fallait au surplus que l’élection prenne une tournure référendaire, la CAQ perdrait ce qui lui reste encore de pertinence. M. Legault a parfaitement résumé le drame que vit son parti depuis le 4 septembre 2012. « Les gens sont pour ou contre le gouvernement. Ils regardent rarement ce que présente l’opposition, surtout un deuxième parti d’opposition. » Pourquoi cette réalité changerait-elle au cours du prochain mois ? Cela risque même de s’aggraver.

Le stoïcisme dont M. Legault fait preuve dans l’adversité a quelque chose d’admirable. Il est sans doute le premier à savoir que la poussée fulgurante de la campagne de 2012 n’a aucune chance de se reproduire. Après les défections de Dominique Anglade et de Jacques Duchesneau, le passage de Gaétan Barrette dans le camp libéral et le mystérieux désistement d’Hélène Daneault le font de plus en plus ressembler au capitaine qui reste bravement sur le pont de son navire qui sombre. Même la commission Charbonneau l’a laissé tomber.

Jusqu’à présent, la CAQ pouvait au moins prétendre donner la réplique économique la plus articulée au gouvernement, mais il faut reconnaître que le nouveau trio recruté par le PLQ fait le poids, même si Carlos Leitao, Jacques Daoust et Martin Coiteux ne sont pas très connus du grand public. En 2003, Yves Séguin était la grande vedette économique des libéraux, mais il a fait la preuve que la notoriété ne fait pas foi de tout.


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