Le chèque en blanc

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Le OUI ne plafonne pas à 40%, il prend son élan à 40%

Le ministre de l’Environnement, Yves-François Blanchet, avait tout à fait raison de dire qu’un référendum sur la souveraineté a été tenu dans chacun des « cycles » de pouvoir péquiste.

Il y a cependant une différence de taille. Durant la campagne électorale de 1976, comme dans celle de 1995, le PQ s’était formellement engagé à en tenir un. René Lévesque avait assuré qu’il aurait lieu dans un premier mandat. Jacques Parizeau s’était donné un an.

Pauline Marois ne prendra aucun engagement formel, mais elle n’exclura rien non plus. « Je suis souverainiste. Quand les gens votent pour moi et mon gouvernement, j’ai la possibilité de faire la souveraineté », a-t-elle expliqué, se réservant le droit de décider si la population est prête pour une nouvelle consultation.

De là à dire que le PQ réclame un chèque en blanc, il n’y a qu’un pas, que les partis d’opposition vont s’empresser de franchir. Très rapidement, un vote pour le PQ va devenir un vote pour l’indépendance, et Mme Marois sera accusée de vouloir refaire aux Québécois le coup de la « cage à homard ».

Philippe Couillard n’a même pas attendu le déclenchement officiel de la campagne pour reprocher à la première ministre de cacher ses projets référendaires à la population. Contrairement au PQ, dont les intentions de vote coïncident presque parfaitement avec le pourcentage d’appui à la souveraineté, le PLQ est très loin de faire le plein des électeurs fédéralistes. Si les libéraux veulent avoir une chance de gagner les élections, ils doivent impérativement les rapatrier. Bien entendu, la CAQ risque encore une fois de faire les frais de l’opération.
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On a beaucoup reproché à Lucien Bouchard et, dans une moindre mesure, à Bernard Landry de ne pas avoir suffisamment forcé le jeu pour précipiter la tenue d’un match revanche après la défaite crève-coeur de 1995, mais ni l’un ni l’autre ne croyaient être en mesure de le gagner. Auraient-ils dû jouer les kamikazes ?

La souveraineté ne se fera cependant pas sans audace. Vingt ans auront bientôt passé depuis le dernier référendum. S’il fallait attendre le prochain « cycle » péquiste, sous prétexte de s’attaquer aux « vrais problèmes », cela signifierait un délai additionnel de 15 ans, auquel le projet souverainiste ne survivrait peut-être pas.

Pauline Marois n’est pas moins responsable que ses prédécesseurs. Elle ne souhaite certainement pas faire subir au Québec les conséquences d’un troisième Non, mais les pressions que la base militante exercera seront très fortes si le PQ obtient une majorité. L’annonce de la publication d’un livre blanc sur la souveraineté a déjà eu un effet galvanisant que n’anticipait pas l’entourage de la première ministre.
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Une campagne électorale impose toujours le même exercice d’équilibre à un chef péquiste, qui doit doser minutieusement son discours de manière à motiver les militants, sans effaroucher les électeurs qui ne veulent rien savoir d’un troisième référendum. C’est pourtant cette perspective qu’on a fait miroiter aux candidats que la gouvernance dans le cadre fédéral n’aurait pas intéressés et qui ne se contenteront peut-être pas aussi facilement que d’autres des plaisirs que procure le pouvoir.

Les nouvelles « vedettes » qui défendront les couleurs du PQ, les Dominique Payette, Lorraine Pintal, Alexis Deschênes et Sophie Stanké, ont en commun d’avoir développé, dans leur secteur respectif, un talent pour la communication qui les servirait bien dans une campagne référendaire. Encore devront-ils se faire élire dans des circonscriptions qui sont toutes représentées par des députés des partis d’opposition.

Bien entendu, la première ministre dirigerait le camp du Oui, mais elle n’a pas le même ascendant sur la population qu’avaient René Lévesque ou Lucien Bouchard. Si jamais il y a un référendum, il est bien possible que la campagne du Oui soit une oeuvre plus collective que les précédentes.

En 1976 comme en 1995, le PQ avait bien compris qu’il lui fallait tenir le référendum durant le premier mandat, avant que l’inévitable usure du pouvoir fasse son oeuvre. Il faudrait donc que le « moment approprié », qui a remplacé les défuntes « conditions gagnantes », se présente d’ici 2018.

On n’y est pas encore. Bon nombre de souverainistes se plaisent à rappeler que le Oui plafonnait à 40 % dans les sondages moins d’un an avant le référendum de 1995 et qu’il a terminé à 49,4 %. La question à laquelle les Québécois devront répondre la prochaine fois ne pourra cependant pas être aussi emberlificotée que celle qui avait permis à plusieurs fédéralistes de voter Oui. Cela devra nécessairement être une question à l’écossaise : le Québec devrait-il être un pays indépendant ? La base actuelle du Oui est sans doute plus solide qu’elle l’était en 1995, mais la pente menant à une majorité est aussi plus abrupte.


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