Les «casseux» de partis

Lundi soir dernier, soir d'élections fédérales, le Québec a refusé d'être immobile. Il a fait suer tout le monde, mais il a bougé. Et pas juste un peu.

Recomposition politique au Québec - 2011



Sur le coup, c'est sûr que c'est difficile à accepter. Ça fait mal de voir tomber ses amis, de voir saccager tant d'efforts et de travail et de tenter d'évaluer comment on pourra reconstruire sur les ruines qui vont forcément joncher le sol quand le jour finira par se lever. On se dit que le rêve est brisé et que plus rien ne sera jamais pareil. On pleure un peu... puis, tout doucement, quand on regarde ce qui s'est passé, on se dit que tous ceux qui affirmaient que le Québec vivait dans l'immobilisme depuis des années allaient devoir y regarder d'un peu plus près avant de faire une telle déclaration. Lundi soir dernier, soir d'élections fédérales, le Québec a refusé d'être immobile. Il a fait suer tout le monde, mais il a bougé. Et pas juste un peu.
En deux temps trois mouvements, les Québécois ont donné des directives très précises aux députés du Bloc québécois. Ils leur ont dit de rentrer à la maison. Pas dans la honte, mais avec toute la reconnaissance qu'ils méritent pour avoir tenu le fort pendant 20 ans. Ce parti, né d'un besoin de garder une passerelle de communication ouverte avec le Canada au moment de sa création, risquait de devenir une habitude, comme dans un vieux couple où chacun trouve son confort dans la présence de l'autre sans se demander s'il ne vaudrait pas mieux vivre seul plutôt que de tout partager dans l'indifférence. À force de «faire marcher le Canada» dans une sorte d'harmonie, le Bloc aurait pu, finalement, devenir nuisible à la prise en mains de toute sa souveraineté par le Québec lui-même.
Le Bloc, par son comportement exemplaire, par la qualité de ses interventions en Chambre, par l'apport indéniable d'un travail de qualité à Ottawa, a gagné le respect du ROC. Il s'est même trouvé des Canadiens pour regretter de ne pouvoir voter pour Gilles Duceppe tellement cet homme commandait le respect de la part de tous ceux qui le côtoyaient. Sa façon d'accepter sa propre défaite était un modèle de sobriété et de générosité.
***
Les Québécois n'allaient pas s'arrêter là. L'objectif était de barrer la route à un premier ministre arrogant qui réclamait les «pleins pouvoirs» comme gouvernement majoritaire pour quatre ans. Pas question de lui faire ce plaisir. Ils ont donc choisi la seule option qui leur semblait possible puisqu'ils n'allaient certainement pas voter pour le parti des commandites dont ils n'ont pas oublié les célèbres détournements de fonds et que le comportement de Jean Charest rappelle à leur mémoire sur une base quotidienne. Ils ont voté «orange». Pas un peu... ils ont voté beaucoup. Les Québécois ne font presque jamais rien à moitié. C'est connu.
Attendez qu'ils réalisent que le NPD, devenu l'opposition officielle, ne pourra tenir aucune de ses fameuses promesses et que le gouvernement majoritaire, qu'ils n'ont pu empêcher, n'en fera qu'à sa tête. Monsieur Harper, c'est connu, a une tête dure comme du bois.
Attendez qu'ils réalisent que le NPD est un parti super fédéraliste qui tient à plaire autant en Alberta, qu'en Ontario et que le Québec ne sera (encore une fois) que l'une des provinces canadiennes dont les besoins particuliers finiront par faire rager même le bon Jack Layton lui-même.
Attendez qu'ils réalisent qu'ils ont séparé le Québec du Canada du bout de leur crayon et qu'ils ont envoyé une bonne cinquantaine de représentants à Ottawa, souvent jeunes, instruits et dynamiques, qui ne manqueront pas de se rendre compte bien vite qu'ils ne sont pas chez eux au milieu de tous ces braves conservateurs canadiens.
Les nouveaux députés n'auront peut-être pas la patience des députés du Bloc. Ils risquent de se demander très vite ce qu'ils sont allés faire dans cette galère.
C'est pourquoi tous ceux qui ont l'air de se réjouir de «la mort» du Bloc devraient afficher beaucoup de retenue dans leurs célébrations. Jean Charest, le premier, devrait retenir la leçon. Une vague est si vite arrivée... Les moyens changent. Les outils peuvent varier. Si jamais le Bloc disparaît complètement (ce qui est loin d'être fait), un autre parti prendra sa place rapidement parce que le désir profond d'un pays à soi que ce peuple porte dans ses veines ne s'éteindra jamais.
Si bien que, tout compte fait, ce mois de mai est peut-être vraiment «le début d'un temps nouveau» qu'on nous avait annoncé il y a longtemps et qui a mis du temps à se matérialiser. Le Québec n'est pas immobile. Il s'arrête de temps en temps pour refaire ses forces. Il a toujours la même ambition quant à son identité propre. Quoi qu'en pensent le monde des affaires, les «lucides» ou autres égarés, les grands penseurs de la droite agitée qui voudraient tant garder la lumière sur eux en ce moment, les Québécois ont rappelé à tout le monde que c'est eux qui auront le dernier mot.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->