Le Québecistan? Non... L'Ombilicistan

Géopolitique — Proche-Orient



Le député indépendant de Portneuf, M. André Arthur, nous a rendu un fier service. Dans une sortie qui nous rappelait ses beaux jours comme roi de la radio-poubelle, l'ex-animateur s'est lancé dans une sortie contre les Canado-Libanais. Il n'a aucune sympathie pour eux et il les voit comme des profiteurs qui abusent de leur double citoyenneté et de leur passeport canadien.
Malgré le caractère odieux de ses propos, M. Arthur a fait une contribution utile au débat public, en remettant les pendules à l'heure dans un débat assez absurde qui a comblé le vide médiatique des vacances.
M. Arthur est un homme écouté en certains milieux, extrêmement populaire quand il terrorisait les ondes, parce qu'il dit tout haut ce que bien des gens pensent en silence. Et ce qu'il nous rappelle, c'est que les Québécois francophones et les Anglo-Canadiens ne sont pas si différents. Il y a peut-être des rednecks dans l'ouest du Canada. Mais on retrouve l'équivalent au Québec. Appelons-les des bluenecks.
La chroniqueuse du National Post, Barbara Kay, avait donc tout faux quand elle a qualifié le Québec de Québecistan, un nid de sympathisants aux mouvements terroristes. Mais ceux qui, en réaction, avaient tendance à décrire le Québec comme le havre de l'humanisme internationaliste au Canada se mettaient tout autant le doigt dans l'oeil.
Dans les faits, le souci de bien des Québécois d'exprimer leur sympathie pour Israël, tout en condamnant les excès de l'offensive de ce pays contre le Liban, reflète fidèlement le consensus canadien. S'il y a un clivage, il n'est pas entre le Québec et le reste du Canada, mais plutôt entre le gouvernement Harper et les Canadiens, qui ne se reconnaissent pas dans ses prises de position simplistes et insensibles.
Mais il y a un autre lien culturel que les Québécois et les Canadiens ont en partage, et c'est leur indifférence face aux questions internationales. Bien sûr, le conflit israélo-libanais a ému, mais il a surtout servi de toile de fond à des considérations essentiellement domestiques. Le Liban a d'abord et avant tout été un prétexte à des débats partisans qui avaient beaucoup plus à voir avec les éventuelles élections fédérales qu'avec la crise du Moyen-Orient.
L'appui inconditionnel de Stephen Harper à Israël reflétait-il une vision du monde et une doctrine sur le Moyen-Orient, ou était-il plutôt le fruit d'un calcul politique? Non seulement cet appui sans réserves pouvait-il plaire en certains milieux, mais il reprenait l'approche simple et linéaire qui, jusqu'ici, a fait le succès des conservateurs et les a distingués des libéraux embourbés dans la recherche de nuances. Sauf que, cette fois-ci, la recette n'a pas fonctionné et le simplisme n'a pas été rentable.
Mais Stephen Harper ne détient certainement pas le monopole de l'esprit partisan. La présence du chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, et de son allié péquiste André Boisclair à une manifestation contre la guerre au Liban s'explique très certainement par un calcul politicien.
Bien sûr, les bloquistes ont certainement ressenti un élan de sympathie pour les libanais otages de ce conflit. Mais ils disposaient d'outils pour exprimer leur point de vue, en jouant leur rôle de parti d'opposition, en critiquant le gouvernement Harper, en contre-proposant une autre approche. Pourquoi avoir plutôt choisi la rue?
Le Bloc, encore ébranlé par la percée conservatrice au Québec, cherche encore la faille qui lui permettrait de stopper Stephen Harper et de démontrer le caractère intrinsèquement non-québécois de ses politiques. Si les bloquistes et les péquistes se sont investis avec tant d'ardeur dans l'appui à la cause libanaise, c'est parce que l'appui sans réserves des conservateurs à Israël leur fournissait cette occasion. Et si les leaders des deux formations souverainistes se sont retrouvés à manifester dans la rue, c'est que ce mode d'expression pouvait permettre l'émergence d'une vaste coalition anti-Harper, une recette qui a bien servi le PQ contre les libéraux de Jean Charest.
Et c'est sans doute parce qu'ils étaient moins préoccupés par la paix mondiale que la perspective de marquer des points contre Stephen Harper que les leaders du Bloc et du PQ ont eux aussi péché par simplisme en cautionnant un mouvement sans nuances qui condamnait Israël sans condamner le terrorisme du Hezbollah, et en se retrouvant à manifester avec des sympathisants du Hezbollah et d'autres excessifs locaux, Pierre Falardeau en tête.
Bref, dans tout ce dossier, le débat autour des prises de position de Harper avait essentiellement des accents locaux. Ce n'est pas vers la Méditerranée que nos yeux étaient tournés, mais vers notre propre nombril. S'il fallait rebaptiser la province, ce n'est pas de Québecistan dont il faudrait parler. Mais plutôt d'Ombilicistan.
Adubuc@lapresse.ca


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